• Les séjours des étudiants à l’étranger remodelés par la pandémie
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/09/24/recentrage-sur-l-europe-echanges-virtuels-dans-l-enseignement-superieur-l-in

    Les séjours des étudiants à l’étranger remodelés par la pandémie
    Les établissements se réjouissent de voir la reprise de la mobilité internationale, fortement réduite pendant la crise sanitaire. La période a fait évoluer la manière d’envisager les voyages d’études dans les cursus.
    « C’est une nouvelle année universitaire qui commence finalement plutôt très bien. » Comme la plupart des responsables des relations internationales des établissements d’enseignement supérieur, Christine Fernandez, vice-présidente de l’université de Poitiers, ne boude pas son plaisir de voir revenir les échanges internationaux à des niveaux « presque » normaux en cette rentrée 2021, alors que ceux-là avaient chuté « jusqu’à 40 % » l’année dernière tant en mobilité sortante qu’entrante. Près de 250 étudiants poitevins ont rejoint une université étrangère ces jours-ci, et presque autant d’internationaux ont posé leur valise à Poitiers. Soit une baisse, par rapport à 2019, de « seulement 10 % » dans les deux sens pour ce qui est des échanges avec les établissements partenaires, à laquelle il faut ajouter 750 étudiants free movers, accueillis en « mobilité libre ».
    Après une année et demie de crise sanitaire passée en partie derrière leur ordinateur, « les étudiants ont plus que jamais envie de mobilité », résume la vice-présidente, dont l’établissement accueillait au début de septembre l’assemblée générale des élus aux relations internationales des universités. Cet optimisme est confirmé par tous les établissements d’enseignements supérieurs interrogés, comme par les chiffres de Campus France. L’organisme public chargé de la promotion de l’enseignement français auprès des étudiants étrangers faisait état à la mi-septembre de plus de 110 000 demandes de visas étudiants déposées pour cette rentrée auprès des consulats. Un niveau peu ou prou équivalent à la situation de 2019, « qui laisse envisager un effacement de l’effet de la crise Covid », selon l’agence. Du moins dans les chiffres.Il reste en effet à organiser ces échanges dans un contexte sanitaire encore loin d’être apaisé au niveau mondial. « Notre cellule de crise Covid, lancée au plus fort de la crise, fonctionne encore pleinement, confirme Hendrik Lohse, directeur des affaires internationales de l’école de commerce EM Normandie. La situation sanitaire et les règles en vigueur dans les pays d’accueil ou de départ continuent à évoluer et à nécessiter une adaptation de tous les instants. »
    De fait, sur la carte de classement sanitaire des pays, qu’il connaît par cœur, l’orange et le rouge dominent toujours. Mais depuis août, même les étudiants des pays où la circulation active du virus est jugée préoccupante (Brésil, Argentine, Russie, etc.) peuvent venir étudier en France en faisant valoir le « motif impérieux » de leur inscription dans un établissement d’enseignement supérieur.
    Afin de s’adapter aux conditions d’arrivée différenciées des 1 000 étudiants internationaux sur les cinq campus de l’école (notamment l’obligation d’observer une quarantaine), possibilité leur est donnée de commencer les cours en virtuel avant de rejoindre les salles lorsqu’ils le pourront. Les dates de rentrée ont par ailleurs été élargies, comme dans bien d’autres écoles. Côté départs, s’il note une « appétence inchangée » pour partir étudier à l’étranger, il constate un « léger recentrage des étudiants les plus jeunes sur une expatriation en Europe », à l’image de nombreux établissements.
    « Les étudiants ont aujourd’hui tendance à aller prioritairement vers les partenaires qui privilégient le présentiel, ceux européens notamment », confirme Jean-Michel Nicolle, vice-président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), et directeur de l’EPF. Selon lui, la crise a « clairement consolidé les liens entre les établissements européens » ayant continué à s’échanger des étudiants depuis un an, alors que d’autres destinations fermaient ou optaient pour le tout-distanciel, en maintenant parfois des frais de scolarité importants, ce qui n’a pas manqué de faire grincer des dents étudiants et responsables d’écoles françaises.
    Dans ses perspectives de rentrée 2021, parues en septembre, Campus France donne l’exemple des Etats-unis, où seulement 24 % des établissements se préparaient à faire leur rentrée en « tout-présentiel » ces jours-ci… Et ce, après avoir eu « une politique restrictive pour l’ouverture aux étudiants internationaux en 2020 », comme la Chine, le Japon ou encore l’Australie aujourd’hui. Bien loin de la politique volontariste française pour ouvrir ses frontières aux étudiants étrangers, en « 100 % présentiel » désormais. Pour le vice-président de la CDEFI, ces choix politiques différents se traduisent aujourd’hui par « une attractivité plus forte des écoles d’ingénieurs françaises dans le monde », et une « plus grande diversité géographique » des étudiants accueillis en ce moment, plus nombreux en provenance d’Amérique latine et d’Afrique notamment.
    La crise sanitaire rebattra donc encore en 2021 les cartes de la mobilité internationale des étudiants. Mais aussi son calendrier et ses modalités d’enseignement. A Sciences Po, choix a été fait de maintenir l’échange international obligatoire des étudiants inscrits en troisième année pour 2021-2022, mais celui-ci ne sera que d’un semestre, contre un an normalement, la grande école n’ayant pu organiser ces échanges qu’avec 200 établissements partenaires, contre plus de 470 en temps normal. Et 25 % des étudiants de Sciences Po partant auront encore droit à des cours virtuels dans leur établissement d’accueil, comme c’est le cas pour 20 % de ceux de l’Essec, 10 % de ceux de l’EM Strasbourg…« Nous sommes convaincus que l’ouverture internationale, notamment par des expériences de mobilité physique à travers le monde, est indispensable à la formation des jeunes », explique Vanessa Scherrer, directrice des affaires internationales de Sciences Po. Autrement dit : ce distanciel n’est pas la panacée. Mais les innovations en matière numérique, lancées à marche forcée au plus fort de la crise pour maintenir la scolarité et les échanges, « ouvrent de nouvelles perspectives », précise-t-elle. Elle cite la possibilité de proposer aux étudiants des cours avec un professeur étranger resté dans son pays, ou bien de créer « des cours joints internationaux » entre partenaires. Mais ces opportunités viendront « en plus » et non en « remplacement » de celles de la mobilité physique, tient à préciser Mme Scherrer.La crise a ainsi permis d’expérimenter une forme d’« internationalisation à domicile » qui donne des idées à nombre d’établissements. Ces réflexions sont d’ailleurs dans la philosophie de la nouvelle charte Erasmus +, rédigée avant la crise, qui prévoit de développer des programmes de « mobilités hybrides » associant un voyage immersif avec des activités virtuelles pouvant regrouper des étudiants de différents pays. Sciences Po se dit même « être très attentive » au développement, accéléré par la crise, de formations diplômantes entièrement numériques.

    #Covid-19#migrant#migration#france#sante#etudiant#circulation#frontiere#pandemie#mobilitehybride#numerique#virtuel

  • Des étudiants étrangers, des retardataires, des réticents finalement convaincus… à l’université de Nanterre, vaccination pour tous
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/09/07/des-etudiants-etrangers-des-retardataires-des-reticents-finalement-convaincu

    Des étudiants étrangers, des retardataires, des réticents finalement convaincus… à l’université de Nanterre, vaccination pour tous
    La rentrée universitaire se fait sous un soleil estival, lundi 6 septembre à Nanterre. Les teints sont halés, les visages souriants et les masques se portent négligemment à la main où sous le menton. Après presque une année passée loin du campus, un sentiment est presque palpable : celui d’un plaisir partagé de se retrouver, là, ensemble. Nouveauté de cette rentrée 2021 : l’université offre à ses étudiants – mais également à son personnel administratif et ses enseignants – la possibilité de se faire vacciner sur place contre le Covid-19, pendant trois jours.
    Dans le gymnase planté au milieu du campus altoséquanais, les filets de volley-ball ont été rangés, remplacés par trois barnums. Du 6 au 9 septembre, 500 doses de vaccins attendront quotidiennement des bras volontaires pour une injection. L’opération sera renouvelée du 27 au 29 septembre pour une seconde dose. Et ce, même s’il n’y a pas d’obligation d’être vacciné pour assister à des cours à l’université, « mais une incitation forte », rappelle Manuel Tunon de Lara, médecin et président de la Conférence des présidents d’universités.Selon les statistiques du ministère de la santé, 85 % des 18-24 ans ont reçu une première dose de vaccin, et 75 % sont entièrement vaccinés.
    A Nanterre, le centre de vaccination provisoire a ouvert ses portes à 10 heures. Une heure après l’ouverture, les candidats à une injection sont rares. Il faut dire que 85 % des 18-24 ans ont reçu une première dose de vaccin, et 75 % sont entièrement vaccinés, selon les statistiques du ministère de la santé. Parmi ceux que l’on rencontre, plusieurs étudiants étrangers, qui, dans leur pays, ne bénéficiaient pas de l’offre vaccinale disponible en France. Arrivé en France il y a trois jours, Omar Bald, Sénégalais de 21 ans, en licence de langues, a profité sans attendre de l’opportunité que lui offre l’université française. Idem pour Helena Dibi, Ivoirienne de 18 ans, en première année de langues étrangères appliquées.
    Plusieurs étudiants chinois sont également volontaires pour une injection. Ils sont pourtant tous vaccinés depuis de longs mois. Jianing Zhao, 19 ans, en troisième année de sciences du langage, a dans une pochette un certificat vaccinal traduit en anglais. Le document prouve qu’il a reçu deux doses en mars 2021. Mais le vaccin chinois n’est pas reconnu en France. Il a le choix entre passer un test sérologique pour évaluer le taux d’anticorps développés par son organisme et une nouvelle dose de vaccin. Il choisit de se faire injecter une troisième dose.

    #Covid-19#migrant#migration#france#sante#vaccination#inclusion#etranger#etudiant#passesanitaire#santepublique

  • « Tout le monde a envie d’y croire » : après deux années de crise sanitaire, l’espoir d’un retour « à la normale » à l’université
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/09/07/tout-le-monde-a-envie-d-y-croire-apres-deux-annees-de-crise-sanitaire-l-espo

    Didier Delignières a les yeux fixés sur le trombinoscope de ses étudiants de licence de l’année dernière. « J’essaie de mémoriser les yeux de ceux que je retrouve en master prochainement, heureusement en présentiel, mais toujours masqués… », sourit ce professeur à la faculté des sciences du sport de l’université Montpellier-I. Comme nombre d’enseignants-chercheurs, il se réjouit de cette rentrée « la plus normale possible » promise par Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, après un an et demi de crise sanitaire. Une rentrée en « 100 % présentiel », sans jauge ni passe sanitaire requis pour aller en cours. Didier Delignières dit avoir préparé les siens « comme jamais » pour ces retrouvailles en chair et en os avec ses étudiants…

    Terminé donc, la distanciation physique dans les amphithéâtres, les couloirs désespérément vides des facs, les laboratoires de recherche désertés, les cours à distance et la solitude derrière son écran ? « Tout le monde a aujourd’hui envie de croire à cette renaissance. Mais on se demande combien de temps cela va tenir », concède le professeur. Car la « terrible année 2020-2021 » avait elle aussi commencé par l’espérance d’un retour à la normale, avant que la situation sanitaire ne s’assombrisse à l’automne. Et, semaine après semaine, visio après visio, qu’elle ne vienne alimenter la déprime des étudiants, le sentiment d’usure des enseignants, et tout ce qui fait la vie des campus.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Dans les universités, branle-bas de combat pour la vaccination

    Si les enseignants-chercheurs sont nombreux à se rassurer devant le tableau de bord de la vaccination du ministère de la santé, selon lequel 85 % des 18-24 ans ont reçu au moins une dose de vaccin, pas question de baisser la garde donc. « Je me méfie. Je prépare ces jours-ci des cours en présentiel, mais en prévoyant un plan B à distance pertinent, au cas où. Si la crise sanitaire a appris une chose aux enseignants, c’est à prendre le temps de réfléchir à des formes pédagogiques différentes selon les contextes », commente Amélie Duguet, maîtresse de conférences en science de l’éducation rattachée à l’Institut de recherche sur l’éducation (Iredu) de l’université de Bourgogne Franche-Comté.
    Dispositifs vidéo

    Une souplesse et des compétences acquises par la force des choses, que les enseignants pourraient mettre à profit plus rapidement que prévu. Les étudiants cas contact non-vaccinés « poursuivront leur enseignement à distance. Une continuité pédagogique, basée sur l’hybridation des enseignements, sera proposée », peut-on lire sur certains documents de rentrée. La phrase alimente chez beaucoup la crainte de ne pas voir de sitôt s’éloigner ce distanciel qui a fait souffrir nombre d’étudiants et de professeurs. « Si on nous demande de rallumer pour cela les caméras zoom, on perdra à nouveau la moitié de l’amphi », redoute Eric Berr, maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux.

    Pour l’avenir, il ne se fait pas d’illusions : « Les universités ont investi des millions d’euros pour équiper les amphithéâtres en dispositif de captation vidéo, j’ai du mal à croire qu’on ne nous incitera pas désormais à nous en servir, notamment pour faire face au manque de places. » Plus de 30 000 étudiants supplémentaires sont attendus dans l’enseignement supérieur pour cette rentrée. Si l’enseignant a envie de reprendre son « vrai métier, fait d’interactions et d’échanges en réel avec les étudiants », il sait que certains collègues ont trouvé leur compte avec le distanciel, et souhaitent le voir perdurer au moins en partie.
    Coopérations universitaires freinées

    Ce constat vaut selon lui aussi pour la recherche, au ralenti depuis deux ans. Car si les enseignants-chercheurs se satisfont tant bien que mal, ces derniers mois, du quasi-tout numérique « qui permet, de fait, d’assister facilement et à moindre coût à n’importe quel colloque à l’autre bout du monde », la crise a aussi mis un coup de frein aux coopérations universitaires « qui s’initient souvent lors de discussions informelles entre chercheurs, en marge des conférences ici ou là ». Si « leur retransmission vidéo va sans doute s’installer durablement, puisque le pli a été pris », Eric Berr espère que les semaines et mois qui viennent verront aussi se multiplier les rencontres « en vrai ». Comme l’impression que rien ne sera plus vraiment comme avant malgré le retour à la normale proclamé.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Enseignement à distance : « Le contenu et les échanges lors d’un cours sont les deux faces d’une même pièce »

    Reste que dans les amphis, au-delà de l’usage du numérique, la crise a « obligé nombre d’enseignants à se renouveler pédagogiquement, à proposer des choses différentes aux étudiants, notamment pour dynamiser les cours magistraux. Elle a accéléré une évolution latente, bienvenue, qui perdurera sans doute après cette rentrée », analyse Olivier Oudar, professeur et responsable de la filière sciences de la vie à l’université Sorbonne-Paris Nord.
    Remise à niveau

    Ce renouvellement pédagogique est, selon l’enseignant, d’autant plus important qu’il doit permettre de répondre aux possibles difficultés des étudiants cette année, qui inquiètent nombre de professeurs. « Il va falloir notamment s’adapter aux jeunes qui arrivent sur les bancs de la fac » après avoir étrenné les réformes du lycée et du bac dans ce contexte de crise sanitaire. Mais aussi remettre à niveau ceux des années supérieures.

    « Les étudiants qui entrent en troisième année de licence n’ont jamais connu une année normale, illustre François Sarfati, professeur de sociologie à l’université d’Evry. Certains contenus ont été allégés pendant leurs deux premières années. Nos étudiants n’ont par exemple pas pu mener les enquêtes de terrain prévues durant leur cursus. Il va falloir rattraper ce qui n’a pas été fait. » Un autre enseignant-chercheur va plus loin en expliquant, sous le couvert de l’anonymat : « Les établissements d’enseignement supérieur se sont assurés depuis deux ans que les taux de succès aux examens ne chutent pas trop, à l’image de ce qui s’est passé dans le secondaire avec le bac. Cela va nécessiter de s’adapter au niveau réel des étudiants que nous retrouvons aujourd’hui… »

    « Les étudiants vont-ils exiger plus de souplesse, d’individualisation, pour les cours, les examens, comme ce qu’ils ont eu pendant des mois ? », Aurore Chaigneau, UFR de droit de Paris Nanterre

    Parole d’enseignants, la relation avec les étudiants ne sera sans doute plus tout à fait la même après la période vécue. « Les étudiants vont-ils dorénavant exiger de l’institution et des enseignants plus de souplesse, voire d’individualisation, dans l’organisation des cours, des examens et de la relation pédagogique, à l’image de ce qu’ils ont eu pendant des mois ?, s’interroge Aurore Chaigneau, codirectrice de l’UFR de droit et sciences politiques de l’université Paris Nanterre.
    Détresse étudiante

    Et quid de tous les étudiants que la période a fragilisés économiquement et psychologiquement pour plus longtemps, faute de jobs étudiants et de socialisation digne de ce nom ? « Ce n’est pas parce que la crise sanitaire s’éloigne que la misère et la détresse étudiante vont disparaître en un claquement de doigts, prévient Olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l’information à l’université de Nantes. Evidemment que ces éléments ont un impact pédagogique qu’il faut anticiper et prendre en compte en abordant cette nouvelle année », même si les leviers ne sont pas entre les mains des enseignants.

    Cela fait selon lui deux ans que les enseignants-chercheurs, loin de leurs missions premières d’enseignement et de recherche, « font aussi parfois du social » pour soutenir leurs étudiants en difficulté. Une évolution du métier dont il se serait bien passé, et qui lui fait espérer que « rien ne perdure de ces mois de crise », et que cette nouvelle année, normale, permette « d’oublier tout cela, et vite ! ».

    #Education #Université #Olivier_Ertzscheid