• Des étudiants étrangers, des retardataires, des réticents finalement convaincus… à l’université de Nanterre, vaccination pour tous
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/09/07/des-etudiants-etrangers-des-retardataires-des-reticents-finalement-convaincu

    Des étudiants étrangers, des retardataires, des réticents finalement convaincus… à l’université de Nanterre, vaccination pour tous
    La rentrée universitaire se fait sous un soleil estival, lundi 6 septembre à Nanterre. Les teints sont halés, les visages souriants et les masques se portent négligemment à la main où sous le menton. Après presque une année passée loin du campus, un sentiment est presque palpable : celui d’un plaisir partagé de se retrouver, là, ensemble. Nouveauté de cette rentrée 2021 : l’université offre à ses étudiants – mais également à son personnel administratif et ses enseignants – la possibilité de se faire vacciner sur place contre le Covid-19, pendant trois jours.
    Dans le gymnase planté au milieu du campus altoséquanais, les filets de volley-ball ont été rangés, remplacés par trois barnums. Du 6 au 9 septembre, 500 doses de vaccins attendront quotidiennement des bras volontaires pour une injection. L’opération sera renouvelée du 27 au 29 septembre pour une seconde dose. Et ce, même s’il n’y a pas d’obligation d’être vacciné pour assister à des cours à l’université, « mais une incitation forte », rappelle Manuel Tunon de Lara, médecin et président de la Conférence des présidents d’universités.Selon les statistiques du ministère de la santé, 85 % des 18-24 ans ont reçu une première dose de vaccin, et 75 % sont entièrement vaccinés.
    A Nanterre, le centre de vaccination provisoire a ouvert ses portes à 10 heures. Une heure après l’ouverture, les candidats à une injection sont rares. Il faut dire que 85 % des 18-24 ans ont reçu une première dose de vaccin, et 75 % sont entièrement vaccinés, selon les statistiques du ministère de la santé. Parmi ceux que l’on rencontre, plusieurs étudiants étrangers, qui, dans leur pays, ne bénéficiaient pas de l’offre vaccinale disponible en France. Arrivé en France il y a trois jours, Omar Bald, Sénégalais de 21 ans, en licence de langues, a profité sans attendre de l’opportunité que lui offre l’université française. Idem pour Helena Dibi, Ivoirienne de 18 ans, en première année de langues étrangères appliquées.
    Plusieurs étudiants chinois sont également volontaires pour une injection. Ils sont pourtant tous vaccinés depuis de longs mois. Jianing Zhao, 19 ans, en troisième année de sciences du langage, a dans une pochette un certificat vaccinal traduit en anglais. Le document prouve qu’il a reçu deux doses en mars 2021. Mais le vaccin chinois n’est pas reconnu en France. Il a le choix entre passer un test sérologique pour évaluer le taux d’anticorps développés par son organisme et une nouvelle dose de vaccin. Il choisit de se faire injecter une troisième dose.

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  • « Tout le monde a envie d’y croire » : après deux années de crise sanitaire, l’espoir d’un retour « à la normale » à l’université
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    Didier Delignières a les yeux fixés sur le trombinoscope de ses étudiants de licence de l’année dernière. « J’essaie de mémoriser les yeux de ceux que je retrouve en master prochainement, heureusement en présentiel, mais toujours masqués… », sourit ce professeur à la faculté des sciences du sport de l’université Montpellier-I. Comme nombre d’enseignants-chercheurs, il se réjouit de cette rentrée « la plus normale possible » promise par Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, après un an et demi de crise sanitaire. Une rentrée en « 100 % présentiel », sans jauge ni passe sanitaire requis pour aller en cours. Didier Delignières dit avoir préparé les siens « comme jamais » pour ces retrouvailles en chair et en os avec ses étudiants…

    Terminé donc, la distanciation physique dans les amphithéâtres, les couloirs désespérément vides des facs, les laboratoires de recherche désertés, les cours à distance et la solitude derrière son écran ? « Tout le monde a aujourd’hui envie de croire à cette renaissance. Mais on se demande combien de temps cela va tenir », concède le professeur. Car la « terrible année 2020-2021 » avait elle aussi commencé par l’espérance d’un retour à la normale, avant que la situation sanitaire ne s’assombrisse à l’automne. Et, semaine après semaine, visio après visio, qu’elle ne vienne alimenter la déprime des étudiants, le sentiment d’usure des enseignants, et tout ce qui fait la vie des campus.
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    Si les enseignants-chercheurs sont nombreux à se rassurer devant le tableau de bord de la vaccination du ministère de la santé, selon lequel 85 % des 18-24 ans ont reçu au moins une dose de vaccin, pas question de baisser la garde donc. « Je me méfie. Je prépare ces jours-ci des cours en présentiel, mais en prévoyant un plan B à distance pertinent, au cas où. Si la crise sanitaire a appris une chose aux enseignants, c’est à prendre le temps de réfléchir à des formes pédagogiques différentes selon les contextes », commente Amélie Duguet, maîtresse de conférences en science de l’éducation rattachée à l’Institut de recherche sur l’éducation (Iredu) de l’université de Bourgogne Franche-Comté.
    Dispositifs vidéo

    Une souplesse et des compétences acquises par la force des choses, que les enseignants pourraient mettre à profit plus rapidement que prévu. Les étudiants cas contact non-vaccinés « poursuivront leur enseignement à distance. Une continuité pédagogique, basée sur l’hybridation des enseignements, sera proposée », peut-on lire sur certains documents de rentrée. La phrase alimente chez beaucoup la crainte de ne pas voir de sitôt s’éloigner ce distanciel qui a fait souffrir nombre d’étudiants et de professeurs. « Si on nous demande de rallumer pour cela les caméras zoom, on perdra à nouveau la moitié de l’amphi », redoute Eric Berr, maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux.

    Pour l’avenir, il ne se fait pas d’illusions : « Les universités ont investi des millions d’euros pour équiper les amphithéâtres en dispositif de captation vidéo, j’ai du mal à croire qu’on ne nous incitera pas désormais à nous en servir, notamment pour faire face au manque de places. » Plus de 30 000 étudiants supplémentaires sont attendus dans l’enseignement supérieur pour cette rentrée. Si l’enseignant a envie de reprendre son « vrai métier, fait d’interactions et d’échanges en réel avec les étudiants », il sait que certains collègues ont trouvé leur compte avec le distanciel, et souhaitent le voir perdurer au moins en partie.
    Coopérations universitaires freinées

    Ce constat vaut selon lui aussi pour la recherche, au ralenti depuis deux ans. Car si les enseignants-chercheurs se satisfont tant bien que mal, ces derniers mois, du quasi-tout numérique « qui permet, de fait, d’assister facilement et à moindre coût à n’importe quel colloque à l’autre bout du monde », la crise a aussi mis un coup de frein aux coopérations universitaires « qui s’initient souvent lors de discussions informelles entre chercheurs, en marge des conférences ici ou là ». Si « leur retransmission vidéo va sans doute s’installer durablement, puisque le pli a été pris », Eric Berr espère que les semaines et mois qui viennent verront aussi se multiplier les rencontres « en vrai ». Comme l’impression que rien ne sera plus vraiment comme avant malgré le retour à la normale proclamé.
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    Reste que dans les amphis, au-delà de l’usage du numérique, la crise a « obligé nombre d’enseignants à se renouveler pédagogiquement, à proposer des choses différentes aux étudiants, notamment pour dynamiser les cours magistraux. Elle a accéléré une évolution latente, bienvenue, qui perdurera sans doute après cette rentrée », analyse Olivier Oudar, professeur et responsable de la filière sciences de la vie à l’université Sorbonne-Paris Nord.
    Remise à niveau

    Ce renouvellement pédagogique est, selon l’enseignant, d’autant plus important qu’il doit permettre de répondre aux possibles difficultés des étudiants cette année, qui inquiètent nombre de professeurs. « Il va falloir notamment s’adapter aux jeunes qui arrivent sur les bancs de la fac » après avoir étrenné les réformes du lycée et du bac dans ce contexte de crise sanitaire. Mais aussi remettre à niveau ceux des années supérieures.

    « Les étudiants qui entrent en troisième année de licence n’ont jamais connu une année normale, illustre François Sarfati, professeur de sociologie à l’université d’Evry. Certains contenus ont été allégés pendant leurs deux premières années. Nos étudiants n’ont par exemple pas pu mener les enquêtes de terrain prévues durant leur cursus. Il va falloir rattraper ce qui n’a pas été fait. » Un autre enseignant-chercheur va plus loin en expliquant, sous le couvert de l’anonymat : « Les établissements d’enseignement supérieur se sont assurés depuis deux ans que les taux de succès aux examens ne chutent pas trop, à l’image de ce qui s’est passé dans le secondaire avec le bac. Cela va nécessiter de s’adapter au niveau réel des étudiants que nous retrouvons aujourd’hui… »

    « Les étudiants vont-ils exiger plus de souplesse, d’individualisation, pour les cours, les examens, comme ce qu’ils ont eu pendant des mois ? », Aurore Chaigneau, UFR de droit de Paris Nanterre

    Parole d’enseignants, la relation avec les étudiants ne sera sans doute plus tout à fait la même après la période vécue. « Les étudiants vont-ils dorénavant exiger de l’institution et des enseignants plus de souplesse, voire d’individualisation, dans l’organisation des cours, des examens et de la relation pédagogique, à l’image de ce qu’ils ont eu pendant des mois ?, s’interroge Aurore Chaigneau, codirectrice de l’UFR de droit et sciences politiques de l’université Paris Nanterre.
    Détresse étudiante

    Et quid de tous les étudiants que la période a fragilisés économiquement et psychologiquement pour plus longtemps, faute de jobs étudiants et de socialisation digne de ce nom ? « Ce n’est pas parce que la crise sanitaire s’éloigne que la misère et la détresse étudiante vont disparaître en un claquement de doigts, prévient Olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l’information à l’université de Nantes. Evidemment que ces éléments ont un impact pédagogique qu’il faut anticiper et prendre en compte en abordant cette nouvelle année », même si les leviers ne sont pas entre les mains des enseignants.

    Cela fait selon lui deux ans que les enseignants-chercheurs, loin de leurs missions premières d’enseignement et de recherche, « font aussi parfois du social » pour soutenir leurs étudiants en difficulté. Une évolution du métier dont il se serait bien passé, et qui lui fait espérer que « rien ne perdure de ces mois de crise », et que cette nouvelle année, normale, permette « d’oublier tout cela, et vite ! ».

    #Education #Université #Olivier_Ertzscheid