• Hommage à Jean-Paul Belmondo : « Tout ce qui permet à Emmanuel Macron d’être associé à des figures de consensus est bon à prendre »
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    Un « trésor national, tout en panache et en éclats de rire, le verbe haut et le corps leste ». Ainsi Emmanuel Macron a-t-il qualifié l’interprète du Magnifique et de L’As des as, mort lundi 6 septembre à 88 ans. Le président de la République prononcera l’éloge funèbre de Jean-Paul Belmondo devant sa famille, ses proches, des personnalités du monde de la culture et un millier de spectateurs. L’événement sera également retransmis sur des écrans géants installés sur l’esplanade des Invalides.

    Charles Aznavour, Johnny Hallyday, et maintenant Jean-Paul Belmondo... Le chef de l’Etat est désormais coutumier des hommages aux personnalités populaires. Mais quelles retombées peut-il en escompter ? Entretien avec Arnaud Mercier, spécialiste de communication politique et enseignant à l’université Paris 2 Panthéon Assas.

    Franceinfo : Le président a-t-il un goût particulier pour ce genre de cérémonies ?

    Arnaud Mercier : Manifestement oui. Ces cérémonies lui permettent d’exercer un certain talent d’orateur, avec des messages très écrits, à connotation littéraire. Dans la symbolique politique, Emmanuel Macron aime surfer sur la vague des personnages consensuels, afin d’être lui-même associé à cette capacité de rassembler des gens de chaque camp. Il rend des hommages nationaux à des personnalités publiques qui sont reconnues comme étant plus ou moins incontestables. Il prend bien soin de ne pas rendre hommage à des gens qui seraient très appréciés d’un côté et très contestés de l’autre.

    Dans le cas de Jean-Paul Belmondo, sur quelles fibres peut-il jouer ?

    Pour Emmanuel Macron, il y a l’idée de transcender les clivages et de célébrer ceux qui font la même chose que lui. Justement, Bébel peut être apprécié par des générations plus anciennes comme par les plus jeunes, par des gens de droite comme par des gens de gauche. On se moque d’ailleurs de savoir s’il était de droite ou de gauche.

    « L’hommage à Jean-Paul Belmondo permettra aussi à Emmanuel Macron de développer une rhétorique qui est omniprésente dans ses discours depuis un bon moment, celle de la culture française, de l’identité française. »
    Arnaud Mercier

    à franceinfo

    Le chef de l’Etat a défini à plusieurs reprises « l’esprit français ». Il veut apparaître comme celui qui célèbre une certaine expression de la culture française, qu’elle soit populaire avec Charles Aznavour ou Jean-Paul Belmondo ou qu’elle soit un petit peu plus littéraire comme avec l’écrivain Jean d’Ormesson. Il veut incarner celui qui sait valoriser le patrimoine français.

    Le choix des Invalides, qui est d’abord un lieu militaire, a-t-il une signification spéciale ?

    Emmanuel Macron a contribué à démilitariser, si je puis dire, la cour des Invalides, puisqu’il rend à nouveau hommage dans ce lieu à une personnalité qui n’est pas militaire. Il est aussi persuadé, à tort ou à raison, que les Français ont un attachement très important à tout ce qui est solennel, royal. La cour des Invalides lui permet de s’afficher dans un lieu historique, de s’inscrire dans une longue lignée. Mais en même temps il en fait quelque chose d’un peu moins guindé, d’un peu moins solennel parce qu’il utilise cet espace pour célébrer des figures de la culture populaire.

    Quels bénéfices peut-il en tirer par rapport à la présidentielle, alors qu’il sera vraisemblablement candidat à sa réélection ?

    Je crois qu’il y a toujours le même enjeu pour lui, c’est d’apparaître comme quelqu’un qui sait rompre les clivages habituels gauche-droite en étant associé à ce qui fait consensus. C’est d’autant plus important pour lui qu’une partie de la société française, notamment les « gilets jaunes » ou certains opposants au pass sanitaire affichent une détestation, un rejet quasi viscéral d’Emmanuel Macron. Tout ce qui permet au président d’être associé à des figures de consensus est bon à prendre parce que cela crédibilise, de son point de vue, l’idée qu’il doit pouvoir être associé à quelque chose qui transcende le clivage gauche-droite.

    Ce qui se joue, de façon plus subliminale, c’est l’affirmation qu’Emmanuel Macron ne recherche pas le clivage, contrairement à, par exemple, l’ancien président des Etats-Unis Donald Trump qui affirmait sa détestation de ceux qui seraient désignés comme des adversaires.

    Combien de voix à la présidentielle peut rapporter cet hommage à Jean-Paul Belmondo ?

    Personne de sérieux ne peut répondre à votre question ! Ce n’est pas mesurable et, surtout, cet exercice n’est qu’un élément de communication dans un ensemble. Sa vertu n’est pas de fabriquer un élément qui va déclencher un acte de vote en faveur d’Emmanuel Macron, mais d’accréditer une image qu’il construit par ailleurs et qu’il va solidifier, pour renforcer dans leurs convictions ceux à qui elle peut plaire. Cet hommage ne va pas convaincre un « gilet jaune » qui aimait bien Bébel de voter Macron ! Ça, ce n’est pas possible.