2 septembre 2021 : Tous les messages

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  • La quantité de plastique présente dans les océans réévaluée fortement à la hausse
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/09/10/la-quantite-de-plastique-presente-dans-les-oceans-reevaluee-fortement-a-la-h

    Selon une étude publiée le 9 septembre, il y aurait 24,4 milliards de milliards de particules de microplastiques, d’une taille comprise entre 1 et 5 millimètres, en suspension dans les mers du globe, cinq fois plus que les précédentes estimations.

    Les images emblématiques des tortues saucissonnées dans des débris de bâche ou d’oiseaux nichant au milieu de bouchons de bouteilles en plastique sur une plage ne reflètent qu’une partie du problème de la pollution marine. Car en plus des millions de tonnes d’emballages, restes d’engins de pêche et autres macrodéchets aquatiques, il flotterait dans l’océan mondial cinq fois plus de particules de microplastiques que ce qu’estimait la communauté scientifique jusqu’en 2015. L’étude publiée jeudi 9 septembre dans la revue Microplastics and Nanoplastics, du groupe Nature, ne prétend pas que les quantités, certes gigantesques, de microplastiques présentes dans l’eau aient explosé en quelques années, mais explique que les travaux antérieurs avaient grandement sous-évalué le niveau de pollution.

    Vidéo des déchets dans les canyons méditerranéens - © Ifremer/RAMOGE Explorations 2018.
    https://embed.ifremer.fr/videos/51a15620b265443db25cbc74ae174870

    Selon l’équipe internationale menée par Atsuhiko Isobe, du Centre de recherches océaniques et atmosphériques de l’université de Kyushu (Japon), il y aurait 24,4 trillions (milliards de milliards) de ces particules d’une taille comprise entre 1 et 5 millimètres en suspension dans les océans, et non 5,5 trillions, comme estimé initialement ; ce qui représenterait entre 82 000 et 578 000 tonnes. Les analyses ont détecté en moyenne entre 113 000 et 5,3 millions de pièces de microplastiques au kilomètre carré, soit un poids de 130 grammes à 2,67 kilos.

    Contamination généralisée

    Les auteurs ont analysé, calibré et synthétisé les données brutes tirées de 8 218 échantillons, dont les prélèvements ont eu lieu un peu partout autour du globe et qui sont destinés à nourrir une base de données publique. Cependant, ils soulignent que, dans leur maillage des océans, il manque des éléments en provenance de l’océan Indien occidental et de la mer de Chine méridionale, alors que « l’Asie du Sud, du Sud-Est et la Chine génèrent environ 68 % de tous les déchets plastiques mal gérés dans le monde ».

    Des eaux côtières jusque dans les abysses en haute mer, la contamination est généralisée – même si la connaissance de ces grands fonds est limitée par la difficulté à y mener des recherches. Citant des études récentes, la publication relève notamment que des micro-organismes qui se développent à la surface d’éléments immergés (navires, digues…), incorporés à des agrégats marins et des matières fécales, « permettent aux microplastiques plus légers que l’eau de mer de se déposer dans l’océan abyssal ». Les échantillons prélevés pour l’étude proviennent majoritairement des eaux proches de la surface.

    Les auteurs estiment que leur révision de l’importance de la contamination est prudente, d’autant plus qu’elle exclut les fibres synthétiques. Leur prise en compte donnerait des constats encore plus marqués, mais elles sont trop difficiles à caractériser de façon homogène à grande échelle.

    « Les fibres synthétiques – qui sont en grande majorité transportées dans l’atmosphère – peuvent se confondre avec des éléments naturels comme des végétaux. Elles restent un mystère pour nous… Sauf les bleues ou oranges qui proviennent des “dolly ropes”, des sortes de chevelure de polymères que les pêcheurs d’Europe du Nord attachent à leurs chaluts de fond [pour protéger leurs filets] », précise François Galgani, l’un des coauteurs de la publication.

    « Vraies décharges »

    Cet expert reconnu de l’Institut français pour l’exploitation des mers (Ifremer) travaille aussi sur le devenir des macrodéchets en mer, « dont 95 % se retrouvent au fond des océans, explique-t-il. On y trouve de vraies décharges ». Son travail consiste notamment à enregistrer des images en profondeur afin de documenter la pollution. Comme ce film impressionnant tourné en Méditerranée par 2 200 mètres de fond, à 8 kilomètres devant la Côte d’Azur, montrant seaux, pots de yaourt et objets divers accumulés au fond de l’eau.

    Le chercheur est aussi référent de la Commission européenne et participe à l’élaboration d’un traité international sur les microplastiques et les déchets aquatiques dont les Etats discutent depuis 2016, dans le cadre de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (UNEA).

    Actuellement, les scientifiques ne connaissent pas précisément la trajectoire des plastiques et microplastiques dans l’océan. Mesurer leur teneur dans l’univers marin est un exercice ardu. L’échantillonnage avec les filets spécifiques utilisés par les scientifiques, dont le contenu est ensuite décompté sous des microscopes, risque non seulement de faire manquer des fibres, mais aussi des microplastiques de plus petite taille. Plusieurs évaluations récentes viennent ainsi d’être révisées. « Nous n’observons pas d’augmentation nette d’une année sur l’autre près des pays qui émettent ces pollutions, mais celles-ci se renouvellent et nous constatons que les plus anciennes se trouvent repoussées vers les pôles où elles augmentent fortement », résume François Galgani. Plusieurs études ont en effet rapporté des concentrations autour d’îles éloignées, au-dessus du cercle polaire arctique, dans l’Antarctique, l’océan Indien…

    « Les scientifiques évoquent désormais le cycle du plastique de la même manière qu’ils parlent du cycle de l’eau », explique Jean-François Ghiglione, directeur de recherche au CNRS (Laboratoire d’océanographie microbienne-Sorbonne Université), qui a coordonné la mission Microplastiques de la Fondation Tara Océan de 2019, sur l’étude des déchets plastiques charriés par les fleuves européens vers les mers et les océans. Ses résultats ont curieusement montré que seule une petite fraction des tonnages déversés chaque année par les rivières – dont 10 % se présentent sous forme de microplastiques – était effectivement détectée dans l’océan.

    Apports fluviaux sous-estimés

    Plusieurs millions de tonnes par an déversées côté terre, comparées à des centaines de milliers de tonnes flottant en mer : où pouvaient bien se cacher les « puits de plastique » expliquant ce déséquilibre ? Différentes hypothèses ont été débattues : est-ce que les microplastiques revenaient s’échouer sur les côtes ? Est-ce qu’il se produisait une sédimentation sur le fond ? Une biodégradation ? Une fragmentation en nanoparticules ? Etaient-ils ingérés ?
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    « De nouveaux articles ont montré que les petits microplastiques de 25 micromètres à 1 millimètre, comprenant notamment les fibres textiles, pouvaient représenter la même masse que ceux mesurant entre 1 et 5 millimètres. D’autre part, nous nous sommes rendu compte que les chiffres sur l’apport par les fleuves étaient erronés d’un facteur 10 à 100 », confie Jean-François Ghiglione. Ces constats ont fait l’objet d’une publication dans Science, le 2 juillet, avec, notamment, le Centre de formation et de recherche de l’université de Perpignan.

    Moins de particules venues des cours d’eau, flottant nettement plus dans l’#océan que ce que l’on pensait auparavant, « une part d’ombre est résolue », annonce le chercheur. Devant la complexité du sujet, des recherches supplémentaires sont nécessaires, mais une conclusion s’impose : les #plastiques ne disparaissent pas par magie

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