Adaptation du roman de Franck Herbert, Dune, de Denis Villeneuve, est vendu comme l’évènement cinématographique de l’année. À l’instar de son modèle, le film se révèle surtout un amoncèlement de stéréotypes sur la race et le genre. Et une succession d’images de paysages aussi grandioses que banals.
... On l’a compris, le film de Denis Villeneuve, comme le roman dont il est tiré, ne s’embarrasse pas de finesse à propos d’identité. Chaque peuple forme un groupe monolithique aux traits culturels fixés pour toujours, déterminés par son environnement naturel et ses racines historiques. Chaque groupe est irréductiblement différent des autres. Et les relations interculturelles entre ces blocs essentialisés se réduisent à des affrontements militaires et à des jeux d’alliances évoluant au gré des choix tactiques des uns et des autres. Samuel Huntington, avec son « Choc des Civilisations », n’a qu’à bien se tenir.
Le tout est orchestré par des hommes dont la carrure permet presque à coup sûr de deviner de quel bord ils sont. Du côté des gentils, les gros muscles de Josh Brolin et Jason Momoa incarnent la masculinité triomphante. Leur « corps dur », notion forgée dans les années 1990 par Susan Jeffords, incarne la puissance, la résolution et la droiture. Alors que les méchants forment un catalogue de masculinités déviantes : le baron Harkonnen (Stellan Skarsgård) est obèse, son neveu et bras droit fou dangereux (Dave Bautista) est une montagne de muscles au-delà du raisonnable et son assassin de service (David Dastmalchian), dégénéré et malveillant, est aussi chétif qu’il a l’air vicieux.
À côté de cette collection de stéréotypes masculins, on a trop des doigts d’une main pour compter les femmes capables d’autre chose que passer la serpillère. Les rares auxquelles l’intrigue accorde un peu d’importance évoluent dans l’ombre, au sein d’une congrégation religieuse adepte de pratiques mystiques louches, l’ordre du Bene Gesserit. À leur tête, la mère supérieure Gaius Helen Mohiam (Charlotte Rampling) vous ferait regretter la sorcière de Blanche-Neige. Culte mystérieux, magie noire, manœuvres en coulisse et non-mixité choisie : quand elles ne sont pas désirables comme Chani, les femmes de Dune sont des menaces pour la masculinité – le choix de Villeneuve de féminiser le rôle de Liet Kynes, allié éphémère de Paul, n’y change pas grand-chose...