• Incompréhension et colère au Maroc après l’annonce de la réduction des visas par la France
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    Incompréhension et colère au Maroc après l’annonce de la réduction des visas par la France. Le ministre des affaires étrangères, Nasser Bourita, a déploré une décision « injustifiée », tandis que, sur les réseaux sociaux, les Marocains dénoncent « une punition collective ».L’annonce est tombée comme un coup de massue pour les Marocains. La France a décidé de réduire de 50 % le nombre de visas accordés aux ressortissants marocains et algériens, et de 30 % ceux octroyés aux Tunisiens. « On met nos menaces à exécution », a déclaré Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, mardi 28 septembre sur les antennes d’Europe 1. La décision de Paris, justifiée par le refus des pays maghrébins de rapatrier leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire français, a particulièrement froissé le gouvernement marocain, longtemps considéré comme le bon élève de la coopération migratoire avec l’Europe. « Cette décision est injustifiée, a déclaré le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, lors d’une conférence de presse, mardi. Le Maroc a toujours géré la question migratoire et le flux des personnes avec une logique de responsabilité et d’équilibre », a-t-il observé, ajoutant que la décision française ne reflétait pas « la réalité de la coopération consulaire entre les deux pays en matière de lutte contre l’immigration illégale ».
    Depuis plusieurs années, le sujet de l’expulsion des migrants en situation irrégulière crispe les autorités françaises. Selon les chiffres fournis par le ministère de l’intérieur, entre janvier et juillet, l’administration ne serait parvenue à expulser vers le Maroc que 80 ressortissants entrés illégalement, sur les 3 301 obligations de quitter le territoire français délivrées par les préfectures. Un chiffre contesté par Rabat, qui affirme avoir octroyé « 400 laissez-passer au profit de personnes en situation irrégulière » au cours des « huit premiers mois de l’année courante ». En France, les procédures d’expulsion restent soumises à des règles strictes. Pour renvoyer vers son pays d’origine une personne en situation irrégulière, il faut d’abord prouver sa nationalité. Or, les migrants concernés dissimulent très souvent leur origine. « Ce n’est pas parce qu’on a une tête de Maghrébin qu’on est forcément marocain, algérien ou tunisien ! Et ces pays ne peuvent pas servir de déversoir des autres nationalités dont les Français ne veulent pas. Mais, lorsque la nationalité marocaine, par exemple, est avérée, leurs autorités consulaires délivrent toujours le laissez-passer », assure M’jid El Guerrab, député de la 9e circonscription des Français de l’étranger (Maghreb et une partie de l’Afrique de l’Ouest).« En faisant porter le chapeau aux pays du Maghreb, on déplace le problème : qu’ils soient de bonne volonté ou pas, cela ne changera que partiellement le taux de réalisation des expulsions, explique de son côté le sociologue spécialiste des migrations Mehdi Alioua. Si les personnes tout juste arrivées sur le territoire sont plus facilement expulsables, la situation est beaucoup plus délicate pour celles qui résident en France depuis des années et qui y ont souvent un travail, une famille, leur vie. » Cette année, un nouvel obstacle s’est ajouté à ces difficultés administratives. Dans le prolongement de la pandémie de Covid-19, le royaume marocain exige désormais un test PCR négatif pour pouvoir accéder à son territoire. Or, beaucoup de personnes en situation irrégulière refusent de s’y soumettre. « En France, il n’existe pas de loi qui oblige quelqu’un à passer un test PCR », rappelle M’jid El Guerrab. Mais « le Maroc n’acceptera pas de changer ses lois », a prévenu Nasser Bourita.Vécue comme une punition collective par l’opinion publique marocaine, la décision de Paris, annoncée à quelques mois de l’élection présidentielle française, a enflammé les réseaux sociaux. Le durcissement de l’octroi des visas devrait ainsi toucher de nombreux Marocains qui se rendent régulièrement en France avec un visa Schengen. Parmi eux, des demandeurs dont une partie de la famille habite en France, comme les couples mixtes divorcés qui veulent rendre visite à leurs enfants restés dans l’Hexagone. En 2019, l’administration avait délivré 346 000 visas aux Marocains pour un motif de tourisme, professionnel, de santé ou pour étudier. Avec 43 000 personnes, les Marocains forment la première communauté d’étudiants étrangers en France, devant les Chinois. « C’est une arme très maladroite, qui punit collectivement un pays. Surtout, on ne peut pas comparer ces personnes, qui ont une histoire forte avec la France, et dont ils parlent la langue, à des personnes irrégulières. Il y a là un amalgame racialiste », dénonce Mehdi Alioua. Reste à savoir comment le gouvernement va mettre en œuvre ces changements. « Chaque refus de visa doit être justifié par un motif préétabli dans une liste. Ils ne vont pas inventer un nouveau motif invoquant la non-collaboration du pays à la lutte contre l’immigration clandestine ! », remarque le député M’jid El Guerrab.

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