Réforme des Chambres régionales des comptes : « La fin d’un contre-pouvoir réel à celui des élus »

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  • Une géohistoire populaire de Nantes Christophe Batardy
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    Un livre retraçant l’histoire populaire de Nantes explore des lieux et des édifices autres que ceux généralement retenus dans les ouvrages d’histoire locale. Au fil des pages, le regard décentré dessine une géohistoire populaire de Nantes, mise ici en relief par la cartographie de Christophe Batardy.
    Recensé : Alain Croix, Thierry Guidet, Gwenaël Guillaume et Didier Guyvarc’h, Histoire populaire de Nantes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, 480 p.

    Comme le rappellent les auteurs en introduction, rares sont les travaux d’historiens qui tentent d’écrire une histoire populaire. Howard Zinn en 1999 ouvre la voie avec son ouvrage, Une histoire populaire des États-Unis, suivi en France par Michelle Zancarini-Fournel et plus récemment encore Gérard Noiriel. L’Histoire populaire de Nantes constitue la première tentative d’écriture d’une histoire locale du populaire, du « silence du grand nombre » pour reprendre une formule d’Arlette Farge

    Les auteurs proposent ainsi de faire « sortir le peuple de la nuit des temps » (titre du premier chapitre). Ils considèrent néanmoins qu’il ne s’agit pas pour autant d’une contre-histoire de Nantes mais plutôt d’« une autre manière d’interroger l’histoire », refusant toute démarche « populiste » qui ferait du peuple « un acteur idéal de l’histoire ». Dans l’ouvrage, celui-ci est d’ailleurs considéré de manière différente selon les périodes. Jusqu’au XIXe siècle il s’agit de la population dont le sort dépend d’acteurs sociaux qui constituent une élite politique et économique. À partir du XIXe siècle, c’est une définition plus politique qui est retenue, celle du Nantais Ange Guépin – témoin et acteur des journées révolutionnaires de juillet 1830 – qui considère qu’il y a « désormais un peuple en France, mais plus de populace ». La Révolution française est passée par là avec l’apprentissage de la politique. Le peuple tente d’être acteur de son Histoire.

    L’ouvrage est découpé en vingt-quatre chapitres, auxquels s’ajoutent une annexe chronologique (« Le temps du peuple ») et deux chapitres de conclusion dont l’un, « L’atelier de l’historien », décrit utilement la démarche des auteurs, dans un souci de transparence – même si on pourra regretter la quasi-absence d’appareil bibliographique, qui rend difficile l’accès aux travaux mobilisés. Comment les auteurs sont-ils parvenus à rendre compte des différentes incarnations du peuple à chaque période ? Et que produit cette histoire par le bas en matière de découpage chronologique et de regard porté sur le patrimoine local ? Ce sont ces deux questionnements qui ont guidé la lecture de l’ouvrage.

    Avant le XIXe siècle : le peuple et les élites
    À la Renaissance sont mises en place une administration municipale et une gestion des archives qui rend possible pour la première fois un comptage des « pauvres », c’est-à-dire ceux qui n’ont pas de biens et peuvent à tout moment tomber dans la mendicité. Si au milieu du XIVe siècle, 5 à 8 % des 20 000 habitants sont mendiants, ceux susceptibles de rejoindre cette classe représentent la moitié de la population. Parallèlement, la charité dépend de moins en moins de l’Église et de plus en plus de la bourgeoisie, qui s’est arrogé la gestion municipale, souhaitant éviter les troubles engendrés par cette pauvreté sans pour autant faire participer le peuple à la vie locale. Les auteurs récusent à ce propos les affirmations des historiens nantais Olivier Pétré-Grenouilleau et Guy Saupin, selon lesquelles le vote pour les maires et échevins en 1598 aurait produit une ouverture politique par l’intégration des habitants (p. 61).

    L’ouvrage ne comporte pas de carte, qui aurait permis au lecteur de situer le quartier du Marchix, ou la rue de la Casserie (première rue mentionnée p. 54) et le quartier Saint-Léonard (p. 60), seul quartier pauvre situé dans l’enceinte de Nantes au XVIIe siècle, les autres quartiers populaires étant alors situés dans les faubourgs (Saint-Nicolas, Saint-Jacques). Dès le XVIIIe siècle se dessine une géographie ouvrière avec ses milliers d’ouvriers habitant les mêmes quartiers, préfigurant déjà les concentrations de la révolution industrielle. Les indienneurs (ouvriers fabricants les « indiennes », ces étoffes peintes ou imprimées) résident dans les îles de la Loire et dans les faubourgs du sud (Pirmil et Saint-Jacques), alors que les tisserands habitent dans le quartier du Marchix et de Saint-Clément, et les travailleurs des chantiers près de la rue de la Fosse.

    Un comptage des occurrences des toponymes permet de proposer une cartographie (figure 1) des lieux et des édifices qui participent de cette histoire populaire. Pour la période précédant le XIXe siècle, le Sanitat, dédié aux contagieux et l’Hôtel Dieu qui accueille les indigents sont ainsi les lieux les plus cités dans l’ouvrage. A contrario, il n’est question du château des Ducs de Bretagne qu’à cinq reprises. Cette histoire populaire fait ainsi émerger de nouveaux lieux, différents de ceux qui sont aujourd’hui les plus connus, en proposant de les inclure dans le patrimoine local. Une nouvelle géographie patrimoniale se dessine.


    Figure 1. Occurrences des lieux cités dans Histoire populaire de Nantes
    Cartographie : Christophe Batardy – CNRS-ESO Nantes. D’après A. Croix, T. Guidet, G. Guillaume et D. Guyvarc’h, Histoire populaire de Nantes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.

    La chronologie propose également un autre regard. La date de 1532 est mise en exergue non pas tant parce qu’elle correspond, pour l’histoire de la monarchie et la mémoire régionale, à la date du rattachement de la Bretagne au royaume de France et à l’entrée de François 1er dans la ville, mais parce que la ville de Nantes connaît alors la « pire famine » de son histoire (p. 49).

    La question de l’autre, de l’étranger, de celui qui est considéré comme extérieur à la ville par la majorité des habitants même s’il y réside, est ici questionnée. En 1572 pour la Saint Barthélémy, il n’y a déjà plus de protestants dans la ville, raison pour laquelle il n’y a pas de massacre à Nantes. En revanche en 1622, 700 personnes sont capturées lors des affrontements entre troupes royales et armée protestante et sont entassées au Sanitat, puis massacrées (p. 81). En 1636 et 1637 des émeutiers s’en prennent à des Portugais qu’ils accusent d’être des juifs convertis.

    Les auteurs reviennent aussi sur les mythes qui entourent certaines personnalités de l’histoire nantaise. C’est le cas de Petitpierre, célèbre indienneur, dont l’histoire ne retient habituellement que les indiennes sortant de sa manufacture, et dont les auteurs soulignent son rôle dans l’exlpoitation économique des classes populaires locales (p. 113). De la même façon Gérard Mellier – maire de Nantes de 1720 à 1729 – n’est pas selon eux le grand maire vanté dans l’histoire de Nantes. Bon nombre de ses interventions témoignent de son rejet des classes populaires considérées comme dangereuses, au point d’envisager l’expulsion des vagabonds vers Terre-Neuve.

    XIXe et XXe siècle : le peuple et la politique
    Les auteurs soulignent que le XIXe siècle est aussi sans pitié pour les pauvres, le vol d’un mouchoir pouvant donner lieu à une condamnation à trois mois de prison en 1835. Le bureau de bienfaisance de la ville secourt ainsi jusqu’à 20 000 indigents aux alentours des années 1846-1849, soit le quart de la population nantaise (p. 204). Les inégalités sociales sont telles qu’un ouvrier d’une conserverie ne peut pas s’acheter une boîte de sardines avec le salaire d’une journée. La différence avec l’Ancien Régime est que l’on ne meurt plus de faim. Au XIXe siècle, le choléra sévit aussi de manière récurrente en raison de la mauvaise qualité de l’eau distribuée et de la pollution de l’Erdre, utilisée comme dépotoir. Mais les inégalités sont fortes entre classes sociales : si la mortalité infantile est de 9 % en centre-ville, elle atteint 50 % rue des Olivettes ou rue des Fumiers (actuel rue Marmontel) aux alentours de 1830. Au même moment, près de 600 prostituées logent dans une trentaine de rues, dont la rue d’Ancin, celle des Trois-Matelots et la rue des Marins.

    À partir du XIXe siècle, la ville s’étend avec la révolution industrielle. En 1908, les communes de Chantenay et de Doulon sont annexées à Nantes, qui gagne alors 30 000 habitants, dont deux tiers d’ouvriers. Même si ces deux quartiers populaires sont les lieux le plus souvent cités dans l’ouvrage (figure 1), les auteurs n’évoquent pas les conséquences politiques de ces annexions. Nantes, en effet, à la différence de la plupart des grandes villes françaises, ne verra pas l’apparition d’une « banlieue rouge », bastion du communisme municipal, qu’auraient pu former Chantenay et Doulon si elles étaient restées indépendantes.

    Selon les auteurs, il n’existe pas vraiment de ségrégation spatiale en centre-ville au XIXe siècle. Aucune rue n’y est exclusivement bourgeoise en raison d’une mixité verticale, à l’instar du Temple du Goût dans le quartier du Bouffay (p. 215). . . . . .

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    • Réforme des Chambres régionales des comptes : « La fin d’un contre-pouvoir réel à celui des élus » Benjamin Peyrel
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      Inutile de se mentir  : le sujet est aussi technique qu’il est important. Appelée de ses vœux par l’ensemble des acteurs concernés depuis plusieurs années, la réforme a donc été longue à être élaborée. Son objet  ? Modifier en profondeur le fonctionnement de l’ensemble des juridictions financières du pays  : la Cour des comptes, bien sûr, mais aussi l’ensemble des Chambres régionales des comptes. Soit les institutions qui, au niveau national et local, ont pour mission de s’assurer du bon emploi de l’argent public par l’État et les collectivités, puis d’en rendre compte au public.

      Pays de la Loire et des jugements prononcés par ses magistrats. C’était le cas, pour ne citer que quelques exemples récents, à propos du transfert du CHU de Nantes, de la gestion de l’École des Beaux-Arts et de la condamnation de son trésorier ou encore des rapports entre la ville de Nantes et les Machines de l’île.


      Dans une interview aux Échos, le 15 septembre, Pierre Moscovici se félicitait d’une réforme «  historique  », dont l’objectif serait de «  se concentrer sur les fautes graves, avec de vraies sanctions à la clé, plutôt que des contrôles tatillons sans suite effective  ». Un point de vue loin d’être partagé au sein des juridictions qu’il contrôle. D’Acteurs publics à Mediapart (auquel Pierre Moscovici a répondu dans un plaidoyer pour la réforme), plusieurs articles de presse se sont récemment fait l’écho des craintes qu’inspire le projet gouvernemental aux magistrats financiers. Leurs principales craintes  : la «  disparition du juge des finances publiques locales dans les territoires  » et «  l’affaiblissement programmé  » des CRC, comme l’expliquait le Syndicat des juridictions financières (SJF), dans un communiqué publié le 14 septembre.
      Représentant du SJF dans les Pays de la Loire, Louis-Damien Fruchaud explique à Mediacités les risques que, selon lui, une telle réforme fait peser sur la justice financière au niveau local.
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      L’intégralité de l’article avec les liens : https://www.mediacites.fr/interview/nantes/2021/09/30/reforme-des-chambres-regionales-des-comptes-la-fin-dun-contre-pouvoir-ree