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  • La timide reprise du tourisme au Pérou
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    La timide reprise du tourisme au Pérou
    Au cœur de la place d’Armes de Cuzco, ceint par la majestueuse cordillère des Andes, de petites grappes de touristes immortalisent leur séjour, devant la statue de l’« Inca ». Une foule éparse, sans commune mesure avec celle qui battait autrefois le pavé du centre historique de l’ancienne capitale de l’Empire inca, ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco et porte d’entrée vers le Machu Picchu. Le célèbre sanctuaire attirait à lui seul 1,5 million de visiteurs en moyenne chaque année. Dans le monde d’avant la pandémie.Entre-temps, la crise sanitaire a ravagé le secteur : six mois de fermeture stricte des frontières (d’avril à septembre 2020), puis les restrictions, ont vu le nombre de touristes s’évanouir. Quand le Pérou enregistrait 4,5 millions de voyageurs étrangers en 2019, il en dénombrait moins de 900 000 en 2020. Les derniers chiffres du mois de juin 2021, montrent à quel point la reprise est timide : elle équivaut à 8 % des entrées deux ans auparavant.Si d’autres pays ont fait le choix de préserver l’économie touristique à tout prix, comme au Mexique, ici, l’extrême prudence l’a emportée face à une situation sanitaire dramatique et l’effondrement des hôpitaux. Le Pérou est un des pays au monde qui a le plus souffert de la pandémie avec des taux de mortalité record en rapport à sa population (quasiment 200 000 morts). Les touristes latino-américains, nord-américains et européens, qui fournissaient le gros des troupes de vacanciers, sont encore largement absents. Un rapide coup d’œil sur la place d’Armes le confirme : la majorité d’entre eux sont des nationaux.
    Dotel et son compagnon, la petite quarantaine, un couple de médecin venus de République dominicaine, 3 500 kilomètres plus au nord du continent, sont parmi les rares étrangers en cette mi-septembre : « On adore voyager ! Nous voulions voir la 7e merveille du monde [le Machu Picchu] et goûter la délicieuse gastronomie péruvienne, se réjouit Dotel, devant l’imposante cathédrale coloniale. Nous sommes vaccinés donc nous ne sommes pas inquiets. »Mais la récupération est lente. L’activité touristique de Cuzco tourne à environ 30 % de ce qu’elle était en 2019. Un manque à gagner conséquent pour ce secteur qui représente environ 15 % du PIB de la région. Au niveau national, il engendrait 4,7 milliards de dollars de devises en 2019 (environ 4,2 milliards d’euros). Au premier trimestre 2021, il peine à atteindre 141 millions. Aussi, les conditions d’entrée sur le territoire changent constamment, ce qui n’incite pas les voyageurs à anticiper les réservations. Si la quarantaine n’est plus obligatoire, tout comme la présentation d’un cycle de vaccination complet, un test PCR négatif de moins de 72 heures est requis.A quelques encablures de la place d’Armes, une ruelle escarpée, à plus de 3 300 mètres d’altitude offre une vue imprenable sur la ville et ses toits de tuiles orangées. Autrefois très animée, elle offre un spectacle de calme étonnant : rideaux tirés, pancartes « A louer ». L’unique agence ouverte, spécialisée dans les séjours d’aventures en Amazonie, semble bien seule. Aux murs, les photos de promesse de nature sauvage prennent la poussière. « Avant nous partions avec des groupes de 20 personnes. Aujourd’hui quand on en a 4 ou 5 nous sommes contents. Cela permet de payer le local et faire à peu près vivre ma famille, soupire Lourdes Huamani, dont l’agence tourne avec une clientèle 100 % étrangère. Cette pandémie a tout gâché ! » Comme elle, dans un pays où 75 % des travailleurs le sont de manière informelle, donc sans contrat, et où l’assurance chômage n’existe pas, beaucoup d’agenciers, de guides, de porteurs, ont dû se reconvertir pour survivre. Certains, définitivement. « C’est un effondrement dramatique ! Avant la pandémie, l’offre avait explosé : hôtels, restaurants, agences, guides, artisans… 75 % des habitants vivent directement ou indirectement du tourisme, Cuzco dépend excessivement de ce secteur, estime Marco Ochoa, directeur des Associations des agences de tourisme de Cuzco. Aujourd’hui, l’unique marché qui nous sauve est le tourisme intérieur. »Avec les limites que cela pose. L’offre est si grande qu’elle ne peut pas être absorbée par un tourisme intérieur qui n’est pas toujours rentable pour les opérateurs. Le touriste national dépense en moyenne de 500 à 1 000 soles (environ de 105 à 210 euros) pour un voyage de quatre ou cinq jours, selon Promperu, l’agence de promotion du tourisme. Bien peu par rapport au budget moyen d’un étranger : plus de 930 dollars (environ 800 euros).Gilet kaki et drapeau péruvien miniature à la main pour mener son groupe, Cristofer Mesa, 30 ans, guide professionnel, accompagne des touristes d’Arequipa, deuxième ville du pays. Au plus fort de la crise, il a ouvert un lavomatique automobile. Aujourd’hui, il reprend doucement ses activités : « Je gagne 30 soles [6 euros] pour une sortie de deux heures et demi. Avant, c’était plus proche du double », lâche-t-il avant de monter dans un bus panoramique sur deux étages.Certains estiment que la crise est une aubaine pour Cuzco et sa région. Les installations touristiques anarchiques et la saturation des sites archéologiques, en particulier celui du Machu Picchu, étaient source de préoccupation. Alors que l’Unesco préconise 2 500 touristes par jour pour protéger les terrasses incas, la jauge était régulièrement dépassée avec de 5 000 à 6 000 personnes.Valerio Paucarmayta, ex-directeur du Centre d’études andines Bartolomé de Las Casas et gérant des hôtels du même nom, porte la voix encore timide d’un changement de fond dans le secteur. « La pandémie est l’occasion de réfléchir à un tourisme différent, qui soit plus respectueux de l’environnement, avec de meilleures retombées pour les communautés villageoises. » Une transition nécessaire mais qui se fera à long terme, concède-t-il, car pour l’instant les opérateurs n’ont qu’un souhait : réactiver au plus vite le secteur. Et qu’importe la manière.

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