Pour qui sonne le glas ? – Anti-K

/pour-qui-sonne-le-glas

  • Pour qui sonne le glas ? lundi.am - anti-k.org
    https://www.anti-k.org/2021/10/06/pour-qui-sonne-le-glas

    Nous avons publié de nombreux articles sur le passe sanitaire, le monde qu’il charrie et toutes les raisons de s’y opposer. Comme dans la plupart des médias, nous avons pris soin de distinguer le refus de ce dispositif de contrôle du refus de la vaccination, probablement moins par fanatisme vaccinal d’ailleurs que par la nature des arguments convoqués par les « antivax ». Il est de bon ton, y compris par chez nous, de moquer celles et ceux qui se sont convaincus que « Big Pharma » nous injecterait des puces 5G pour contrôler notre cerveau ou que l’Arn messager serait une technologie pédo-sataniste visant à altérer l’espèce humaine (aussi fantaisistes soient-elles, ces croyances sont néanmoins significatives et méritent sûrement plus d’attention que des rires gras). Un lecteur, professionnel de santé qui refuse de se faire vacciner et vient d’être mis à pied, nous a transmis ce texte dans lequel il revient sur sa décision et sur la manière dont elle s’est articulée au fil des mois et des déclarations gouvernementales. L’enjeu ici n’est pas de convaincre mais de retracer les raisons d’un refus, bien loin des caricatures et auto-caricatures du milieu antivax.


    . . . . . . . .
    La menace avait été clairement exprimée par Emmanuel Macron lors de sa communication du 12 juillet, et depuis sa validation partielle par le Conseil constitutionnel il ne devait plus guère faire de doute qu’elle serait mise à exécution. J’étais donc informé des sanctions qu’encouraient les professionnels du secteur sanitaire et social en cas de non respect de l’obligation vaccinale et, comme plus ou moins la moitié des soignants (selon les métiers et les secteurs d’exercice) qui refusaient encore, au milieu de l’été, de se faire vacciner, j’avais plus d’un mois pour me mettre en conformité avec la nouvelle loi. Le couperet annoncé étant tombé, me voilà donc comptant dans les rangs des quelques milliers (leur nombre semble faire partie de ce qui résiste à l’évaluation) d’illuminés privés de leur emploi – et, tout aussi bien, de leurs moyens de subsistance – pour n’avoir pas satisfait à l’obligation vaccinale dans le secteur de la santé.

    On peut débattre de tout sauf des chiffres : j’éviterai donc autant que possible d’en parler, étant moi- même – comme pourrait peut-être le laisser entendre ma profession – plutôt porté sur les lettres, et, mettant à profit le temps de vacance forcée auquel je suis assigné, j’essaierai de me remémorer le mauvais film qui, en quelques mois poisseux, m’a conduit insensiblement du côté obscur de la communauté nationale. Mon dessein n’est pas de revendiquer une vérité susceptible de guider qui que ce soit dans ses actions ou ses pensées, mais d’exposer, avec l’honnêteté dont je suis capable, mes ressentis et mes choix, et peut-être ce qui y a présidé, de manière consciente ou non, en espérant que cela puisse faire écho aux éprouvés, forcément différents, des uns ou des autres. Si elles ne se sont pas appuyées sur une opposition en mesure de bloquer sa mise en œuvre, de nombreuses critiques sont parues pour dénoncer le passe sanitaire, la dérive autoritaire dans laquelle il s’inscrit et le portrait-robot du monde d’après qu’il nous promet [1]. Elles s’accordent en revanche, ou refusent d’émettre un doute quant à l’intérêt supérieur de la vaccination : c’est la ligne brunâtre à ne pas franchir, celle au-delà de laquelle tout n’est que ravage de la pensée critique, infamie, complotisme. Mon inconséquence m’ayant rejeté dans ce marigot, dont on n’a pas manqué de dauber le faible niveau d’instruction de ceux qui y baignent, leurs capacités intellectuelles réduites, ou encore la sénilité de ses représentants (trois empêchements dont j’admets qu’ils puissent chacun m’être opposés, ça vous donne une idée), j’en viens malgré moi à m’interroger sur mon éventuel fond brun – après tout, les sujets que nous sommes sont les produits sociaux de leur temps – démasqué à la faveur de cette crise passion.

    Plan de campagne
    La campagne de vaccination débute en France à la fin du mois de décembre 2020. Elle concerne alors exclusivement les personnes reconnues comme les plus à risque de développer une forme grave de la maladie. Sans être hostile, je note que le sentiment général vis-à-vis de ces nouveaux vaccins est plutôt circonspect qu’enthousiaste : on attend de voir quels seront leurs effets réels sur la pandémie, et, pour certains, qu’ils fassent la preuve de leur innocuité (sans que cela ne soit encore perçu comme une dérive sécessionniste menaçant le bien commun). Je partage alors globalement cette position attentiste, pas tant choisie en fait qu’imposée par l’organisation de la campagne vaccinale. Les annonces à répétition du nombre de vaccins « réservés » par les états, donnant à voir, avec ce que je ressens comme une certaine obscénité, la lutte que ceux-ci se livrent pour l’accès au médicament, dans une course où la puissance de chacun est mise en jeu, me procure un sentiment de vertige et de malaise, lié à la mise à nu d’un certain ordre du monde dans lequel s’inscrivent pleinement ces nouveaux produits de l’industrie pharmaceutique. La lutte contre la pandémie est mondiale, mais les populations n’ont visiblement pas toutes la même légitimité pour accéder aux moyens de s’en protéger. Pire, dans les mois qui vont suivre, certains états ayant thésaurisé des dizaines de millions de doses, se draperont de morale en faisant généreusement don d’une partie de leur excédent de stock à certains pays démunis.
    . . . . . . .
    Voilà le printemps
    Les vaccins deviennent accessible aux soignants. Exerçant dans l’enceinte d’un établissement sanitaire, proposition m’est faite, quoique non soignant, de me faire vacciner. Je décline. La pression monte sans doute d’un cran mais, étant donné mon peu d’appétence pour la chose tel qu’exposé plus haut, je ne peux que profiter du fait qu’elle ne soit pas obligatoire – et qu’il n’est pas question qu’elle le devienne – pour m’y soustraire. De surcroît, aucune évolution notable de la maladie, malgré la survenue des variants, ne suscite en moi le sentiment d’être en danger. Je ne m’estime pas à l’abri pour autant, de ce virus ou d’autre chose (j’ai généralement tendance à penser que vivre comporte des risques, y compris celui de mourir, et l’opinion inverse me provoque plutôt un sentiment d’étouffement, d’une vie à ce point sans horizon qu’elle en perd même celui de sa fin). Voilà en ce qui concerne ma petite personne, mais pour les autres ? Évidemment, je continue à respecter les « gestes barrières », et mets un point d’honneur à ne pas laisser échapper mes postillons, que mon interlocuteur appartienne à mon cercle proche ou non, d’autant plus s’il est âgé. Je le faisais déjà avant. Avec le recul, force est de constater que je suis très mal préparé aux annonces présidentielles de juillet, et que les semaines suivantes ne vont faire que révéler et augmenter une dérive qui était pour ainsi dire jouée d’avance.

    L’annonce, l’été
    Ma première réaction à l’écoute des annonces du 12 juillet est de totale incrédulité. Que des gens acceptent de présenter un passeport sanitaire pour entrer dans un bistrot, un cinéma, aller à la piscine… c’est impensable ; que d’autres prennent sur eux de télécharger une application pour contrôler leurs clients, c’est de la science fiction. Quant aux soignants, excédés qu’ils sont par leurs conditions de travail, le sous-effectif chronique, la suppression des lits, c’est une provocation à la révolte que de les menacer d’une suspension de salaire s’ils refusent de se faire vacciner.
    . . . . . . .
    C’est un peu le rêve d’une société libérale qui, en une intervention d’une demi-heure, par un soirée grise et humide indigne d’une mi-juillet, trouve la formule de son accomplissement le plus condensé : produire de l’exclusion et renvoyer à leur responsabilité ceux qui en sont victimes. Comme si l’exercice du pouvoir n’était l’exercice du pouvoir que s’il se montrait en mesure (ou en démesure) de priver de moyens de subsistance qui prétend s’y soustraire

    #crise_sanitaire #covid-19 #sante #santé #coronavirus #sars-cov-2 #variant #covid #pandémie #vaccin #vaccins #vaccination #santé_publique #obligation_vaccinale