• Pour atteindre le « zéro Covid », Hongkong impose une quarantaine éprouvante aux résidents revenant sur l’île
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/10/13/pour-atteindre-le-zero-covid-hongkong-impose-une-quarantaine-eprouvante-aux-

    Pour atteindre le « zéro Covid », Hongkong impose une quarantaine éprouvante aux résidents revenant sur l’île. Longtemps considéré comme l’un des plus libres de la planète, le territoire est en train de se couper du reste du monde.
    Depuis fin août, les résidents de Hongkong qui rentrent de France, du Royaume-Uni, des Etats-Unis ainsi que de vingt-trois autres pays ne sont admis dans la région administrative spéciale de Chine qu’au terme de vingt et un jours d’une quarantaine éprouvante tant pour leur santé morale et physique que pour celle de leurs finances. Le voyageur doit en effet rester enfermé dans une chambre d’hôtel – l’un des trente-cinq « DQH » (« hôtels conçus pour quarantaine ») habilités par le gouvernement – sans la moindre sortie à l’air libre autorisée. Le nombre de personnes qui souhaitent rentrer à Hongkong étant bien supérieur à l’offre disponible, les délais s’allongent, les prix grimpent. Certains hôtels, surtout bas de gamme, abusent de ce filon en proposant des chambres non seulement minuscules mais aussi sales, voire insalubres. Au cours de ce séjour, le voyageur (nécessairement vacciné et ayant déjà été testé au moins deux fois au cours des quarante-huit heures qui précèdent son arrivée à l’hôtel) doit se soumettre à six tests obligatoires, qui ont lieu avec des précautions qui semblent dignes d’un laboratoire de haute sécurité. Pour les gens qui voyagent seuls, ces visites leur offrent néanmoins les seuls contacts humains de tout leur séjour, même si ces intervenants aux allures de cosmonaute ont la réputation d’être peu causants. Même la livraison des plateaux-repas est organisée de sorte à éviter toute interaction entre le personnel et les personnes placées en quarantaine. Certains hôtels exigent que ces derniers attendent deux minutes avant d’ouvrir leur porte pour laisser au personnel le temps de quitter l’étage. Une porte ouverte trop tôt ou trop longtemps, un pied posé dans le couloir ont provoqué des sanctions. « Sortir de la chambre sera considéré comme une violation des règles de quarantaine et donc un délit, passible de peines allant jusqu’à six mois de prison et 25 000 dollars de Hongkong [environ 2 800 euros] d’amende », précise le site du gouvernement.Dans la plupart des hôtels, il est en outre impossible d’ouvrir la fenêtre, ce qui accentue le sentiment de claustrophobie, les migraines, les réactions aux moisissures… « Entre la valse des plateaux-repas et l’air conditionné non-stop, on sort de là aussi pâteux et vaseux que d’un mauvais voyage en avion, qui aurait duré vingt et un jours », témoigne un jeune homme en quarantaine qui n’avait pas les moyens de s’offrir un hôtel de bon standing.Surfant sur cette niche, des entreprises se sont créées pour livrer tapis de course et vélos d’intérieur, alors que les tutos et les groupes d’entraide en tout genre sont apparus en ligne pour aider à passer cette épreuve. On y apprend l’importance de structurer ses journées, mais aussi comment élaborer un minibowling avec la réserve de bouteilles d’eau livrées en début de séjour et une orange, ou comment faire sa lessive dans la bouilloire électrique… Pour soulager leurs clients captifs, certains hôtels subventionnent une « Happy hour » sur Zoom le vendredi soir.
    La rigueur extrême dont use le gouvernement pour gérer la situation se répercute sur les compagnies aériennes, qui peuvent être suspendues pendant plusieurs semaines si elles importent un certain nombre de cas parmi leurs passagers. Par conséquent, les contrôles à l’embarquement sont devenus particulièrement tatillons. Certains passagers ont été laissés sur le tarmac pour un prénom mal orthographié, un test PCR ayant dépassé de quelques minutes le délai de soixante-douze heures ou faute d’avoir pu fournir la preuve (traduite en anglais) de la certification ISO du laboratoire qui avait réalisé leur test… Récemment, à la suite du test positif d’une hôtesse de l’air arrivée de Los Angeles, tout l’équipage du vol a été mis en quarantaine pour trois semaines dans le centre de quarantaine du gouvernement, Penny Bay. La menace d’être envoyé à Penny Bay pèse d’ailleurs désormais comme une épée de Damoclès sur n’importe quel citoyen de Hongkong. Car le gouvernement peut décider, ou non, d’isoler certains cas contacts…Le gouvernement justifie cette approche radicale par son ambition de « zéro Covid », en ligne avec le régime de Pékin mais en contraste avec la quasi-totalité des pays développés.Vendredi 8 octobre, un employé de l’aéroport a été testé positif, alors que Hongkong n’avait pas enregistré un seul nouveau cas de Covid-19 depuis cinquante et un jours. Depuis la première apparition du virus à Hongkong en janvier 2020, sur les 12 251 qu’a connus l’île, seuls 213 ont entraîné le décès des patients, pour 7,3 millions d’habitants.Ces mesures ne sont justifiées par aucune étude scientifique et dénoncées par plusieurs médecins. La chambre de commerce européenne de Hongkong a, en outre, à plusieurs reprises, averti des effets dévastateurs de cette quarantaine sur l’économie locale et sur l’image de Hongkong. Son président, Frederik Gollob, a déclaré, début octobre, qu’à cause de ces mesures, de nombreuses entreprises européennes envisageaient à présent de quitter Hongkong.Des exemptions sont toutefois prévues par la loi, notamment pour certains hommes d’affaires de haut niveau et pour les diplomates. L’apparition de l’actrice australienne Nicole Kidman, en train de faire du shopping à Central mi-août, deux jours après son arrivée à Hongkong pour le tournage d’une série, a fait scandale.
    A Canton, de l’autre côté de la frontière chinoise, c’est un « centre international de santé », un camp de quarantaine de la taille de quarante-six terrains de foot et d’une capacité de 5 000 chambres qui devrait remplacer d’ici peu les quarantaines obligatoires à l’hôtel. Et les Hongkongais redoutent que leur gouvernement, de plus en plus soucieux de faire comme la Chine, ne reprenne l’idée.

    #Covid-19#migrant#migration#hongkong#chine#sante#santementale#quarantaine#test#resident#retour#santepublique#zerocovid#frontiere#hotel#economie#exemption