• Recension par Maël Rannou de Mélanie BOURDAA (2021), Les fans. Publics actifs et engagés
    https://journals.openedition.org/communication/17493

    Spécialiste française reconnue des études de fans (fan studies), dans un pays où elles sont encore assez peu exploitées, Mélanie Bourdaa avait déjà dirigé un passionnant dossier à ce sujet dans le numéro sept de la Revue française des sciences de l’information et de la communication (novembre 2015). Avec ce livre, qui s’appuie sur des réflexions tirées de nombreux articles, associées à de nombreux éléments nouveaux, elle publie sa première synthèse personnelle. Celle-ci s’annonce dès le sous-titre armé d’un parti pris fort : celui de fans comme acteurs particulièrement créatifs et investis, à l’opposé d’une image négative de « nerd » passif avalant un produit culturel sans aucun recul.

    2La structure de l’ouvrage est simple : deux parties, « Politique(s) du et des fans » et « Pratiques de fans », mêlent posture définitionnelle et exemples de l’engagement social des fans dans ces cadres. La première se fixe plus sur le rapport des fans au monde ou sur la façon dont s’incarne leur lien aux objets de passion à l’externe (jusqu’à l’engagement militant, central dans le deuxième chapitre, mais aussi le dans le troisième sur la question de la représentation). La seconde partie se penche plutôt sur le rapport des fans entre eux, sur la naissance de communautés et de réseaux extrêmement forts, notamment pour célébrer, archiver ou analyser ce qui a déclenché cette passion. Si cela peut donner lieu à une communication externe, le but initial diffère. Les démonstrations sont appuyées par un grand nombre d’exemples concrets, issus de tel ou tel fandom, parfois enrichies d’entretiens qualitatifs et de sondages. Fidèles à la plupart des travaux de l’autrice, les fandoms utilisés sont en général ceux des séries télévisées, plus largement de pop culture audiovisuelle.

    Parmi les aspects passionnants de la première partie, notons le troisième chapitre, consacré aux représentations et à l’identification des spectateurs. Il se concentre sur les aspects LGBTQI+, et plus particulièrement sur les processus de coming out des personnages auprès de leurs différents cercles de proximité. Sans surprise, les spectateurs des séries se reconnaissant dans cette communauté sont particulièrement investis dans ces épisodes, et des témoignages montrent que pour certains il s’agit d’une révélation de leur normalité. Ce progressisme des séries s’accompagne cependant d’un revers avec le phénomène « bury your gay / dead lesbian syndrome », qui désigne la forte mortalité des personnages LGBT dans les séries. Face à ce trope, l’autrice décrit un phénomène fascinant, conceptualisé dans les cercles de fans comme « the gay migration », soit dans le cas étudié comment des fans lesbiennes passent d’une série à une autre une fois les personnages lesbiens morts ou évincés.

    La seconde partie étudie particulièrement les créations de fans, dans leurs aspects très divers. Si la fanfiction (récits de fans prolongeant l’univers) ou le cosplay (pratique de costume en personnages de séries pouvant atteindre un niveau semi-professionnel) en sont les incarnations les plus connues, l’autrice dépasse largement ces seuls aspects. Elle propose ainsi des analyses pertinentes, appuyées sur des études fines, des entretiens, des musées virtuels, wiki et des bases de données constituées par des fandoms clairement actifs et experts, qui constituent des milliers d’heures de travail bénévoles et participent fortement aux rebonds des œuvres. De la même manière, elle dévoile des aspects parfois inattendus des réseaux sociaux.

    À travers l’exemple de Mad Men, elle rapporte l’amusante contradiction du service de juridique de la chaîne AMC qui a forcé des fans à fermer les comptes Twitter de personnages de la série, qui échangeaient donc comme s’ils étaient réels, avant que le service marketing demande leur réouverture, face à l’évident intérêt promotionnel. Un acte qui sonne autant comme une reconnaissance de l’importance du fandom et de son influence que comme une possible récupération commerciale d’un espace qui, s’il est fan, sait normalement aussi être libre et parfois critique

    L’un des derniers points intéressants de cet ouvrage est incontestablement son aspect « état de l’art ». Première somme réelle sur les études de fans en France, le texte donne à voir un grand nombre de références, d’articles et de concepts qui paraîtront complètement nouveaux pour un lecteur curieux qui n’est pas spécialiste.

    #Mélanie_Bourdaa #Fans #Séries_télévisées

  • Recension : Mélanie Bourdaa, Les Fans. Publics actifs et engagés
    https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/34121

    Depuis l’avènement de l’internet et des réseaux sociaux numériques, les habitudes de téléspectateurs et notamment celles des fans de séries télévisées sont en pleine reconfiguration. La consommation de programmes audiovisuels sur diverses plateformes permet dorénavant aux publics de pouvoir interagir, émettre leur avis à propos du contenu, favorisant par ce fait une construction du sens. Il émerge donc une nouvelle catégorie de publics beaucoup plus actifs et dotés d’une capacité critique des offres médiatiques notamment des séries télévisées. La culture de la participation, encore appelée culture fan au sens d’Henry Jenkins, ouvre une nouvelle voie des travaux de recherche sur cette question en mobilisant les références se situant « à la jonction des Cultural Studies et des sciences de l’information et de la communication » (p. 19).

    #fans #Mélanie_Bourdaa

  • D’où nous vient cette habitude de fantasmer des relations entre des personnages de série ? | Slate.fr
    https://www.slate.fr/story/253071/ship-fan-fiction-couples-personnages-series-televisees-sculder-harmony-byler-c

    Depuis des dizaines d’années, les fans donnent vie aux couples platoniques qu’ils voudraient voir exister sur le petit écran. Une manière créative de consommer.

    1993. X-Files et son iconique duo d’agents spéciaux Fox Mulder et Dana Scully, campés par David Duchovny et Gillian Anderson, débarque sur le petit écran. Il y a entre les deux personnages une alchimie et une tension sexuelle palpables, mais leur relation reste relayée au second plan durant six longues saisons. Impatients de voir cette attirance se concrétiser, les fans développent eux-mêmes l’histoire du couple « Sculder ». Le shipping, un terme qui désigne les relations fantasmées entre des personnages fictionnels, est né.

    Avant l’apparition des imbrications de noms propres telles que Sculder (mélange de Scully et Mulder), les fans utilisaient le caractère slash pour parler des relations fictionnelles qu’ils imaginaient. On parlait alors de « fiction slash » : « Aux origines du shipping il y a la fiction slash, qui démarre traditionnellement dans les années 1970 et dont le couple le plus célèbre est celui de Kirk et Spock [deux personnages de Star Trek, ndlr]. C’est au départ une façon pour des téléspectateurs, majoritairement féminins ou gays, de s’approprier des récits de science-fiction dans lesquels les relations d’amitié masculines sont bien plus développées que les relations hommes-femmes », explique Marjolaine Boutet, historienne spécialiste des représentations médias et pop culture.

    Grâce à la fiction slash, le public se réapproprie des bromances pour mieux s’y retrouver. « Dans les années 1970, c’était une façon de remettre de la romance et de l’égalité entre les personnages dans ce qui se présentait comme des films d’action avec des actions viriles. Ça manquait cruellement de sentiments », ajoute la spécialiste. Parmi ces duos fantasmés : Spock et Kirk (Star Trek), Starsky et Hutch, Maverick et Iceman (Top Gun)...

    Fantasmer des relations platoniques

    Au milieu des années 1990, avec le couple Sculder, les usages changent et le terme « ship » apparaît au sein de la communauté de fans de la série. Dans la continuité du slash, la pratique du shipping concerne surtout des œuvres pour ados et de science-fiction, et c’est un public principalement féminin qui y a recours.

    Mais alors que le slash mettait surtout en scène des relations homosexuelles, ce n’est plus le cas avec le shipping : on peut imaginer n’importe quel couple, une relation incluant trois personnages ou plus, ou des membres d’une même famille (de manière non romantique, comme c’est le cas avec le couple Beltavia, pour Bellamy et Octavia Blake de The 100). On peut même se livrer à des « ship wars » (des « guerres des ships ») pour défendre la relation fantasmée que l’on estime être la meilleure : du côté des fans de The 100, les partisans du couple composé de Clarke Griffin et de Lexa (Clexa) s’opposaient ainsi aux supporters du couple Clarke Griffin-Bellamy Blake (Bellarke).

    Là où les intrigues diffusées à l’écran laissent de côté la romance ou montrent des relations souvent prudes, en ne faisant que suggérer l’acte sexuel, des shippeurs s’affranchissent par ailleurs de la pudeur pour basculer dans l’érotisme ou la pornographie. C’est par exemple le cas d’une fan-fiction de l’internaute GoOasis726 dans laquelle Bella (de Twilight) organise un plan à quatre avec un couple d’amis pour l’anniversaire de Jacob.

    Les fans pallient les manques des séries télévisées

    Plus récemment, les fans ont prêté à Will Byers et Mike Wheeler une autre relation que celle qu’on leur connaissait dans Stranger Things. Si l’on a depuis appris que Will est amoureux de Mike, les shippeurs avaient déjà repéré « la relation qu’ils partagent et la manière dont ils se réconfortent mutuellement lorsqu’ils éprouvent des sentiments partagés ou face à leurs traumas personnels », détaille le site Shipping Wiki.

    Une complicité établie qui leur a servi de point de départ pour pousser bien plus loin le couple Byler au travers de fan-fictions, parfois illustrées de dessins représentant les deux adolescents en train de se tenir la main ou de s’embrasser, les joues rouges de désir.

    Plus inclusives par rapport aux années 1970 qui ont vu la fiction slash éclore, tant au niveau des personnages que des relations entre eux, les séries n’en restent pas moins un incroyable vivier pour des fans à l’imagination débordante.

    « Les relations égalitaires ont quantitativement évolué, c’est certain, confirme Mélanie Bourdaa, docteure en sciences de l’information et de la communication spécialisée dans les pratiques culturelles des téléspectateurs. Mais qualitativement, il reste encore des progrès à faire dans les représentations et en particulier dans celles des minorités sexuelles, de genre et ethno-raciales. Le shipping permet aux fans de visibiliser ces groupes sociaux et il est toujours autant utilisé pour mettre en avant des couples qui ne sont pas canoniques à l’écran mais dont les fans aimeraient qu’ils le soient. »
    De la fan-fiction à la fiction

    Outil créatif et émancipateur, le shipping fait pleinement partie de la culture fan : ces récits alimentent les fandoms (communautés de fans) et leur imaginaire collectif. Les shippeurs développent ces relations sur des forums où ils postent des épisodes entiers qu’ils ont écrits, dans des illustrations (les fanarts), au travers de montages vidéos au fond sonore assurément kitsch. « Il y a une vraie dimension créative et le shipping, comme le cosplay d’ailleurs, permet aux gens de trouver du sens. Ça montre que les téléspectateurs ne sont pas passifs », note Marjolaine Boutet.

    Plus que simplement stimulantes, ces fictions créent du lien entre les fans et viennent flouter la frontière entre producteurs et téléspectateurs. Dans son ouvrage Digital Fandom – New Media Studies, Paul Booth, professeur en études médiatiques à Chicago, qualifie ainsi de « produsers » ces fans impliqués dans la culture participative, qui créent et diffusent des contenus quasiment professionnels par le biais des nouvelles technologies.

    Il arrive d’ailleurs que l’émulation 2.0 autour de deux personnages s’affranchisse des communautés de fans pour toucher l’ensemble des téléspectateurs : « Pour la série Xena, la guerrière, les producteurs ont repéré l’engouement des fans pour un couple à travers les nombreuses fan-fictions qui mettaient en avant une relation amoureuse entre les deux personnages, et ils ont décidé de leur faire des clins d’œil dans la série, puis d’officialiser la relation dans la saison 6 », retrace Mélanie Bourdaa. Qui sait, la relation platonique qui vous frustre à l’écran finira peut-être par dégager sueur et phéromones. Mais pour cela, il va falloir être productif.

    #Fans #Mélanie_Bourdaa #Séries #Romance #Couples

  • Avec les « Fans Studies », des chercheurs étudient « ces publics actifs et engagés, et passionnants ! »
    https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/4050977-20230901-fans-studies-chercheurs-etudient-publics-actifs-engages-p
    https://img.20mn.fr/UeXB8QGwS-ynDNNN57KBUCk/1200x768_escondido-calif-residents-lisa-floyd-left-dressed-as-professor-tre

    interview Hélène Breda est l’un des rares chercheuses françaises à travailler les « Fans Studies », l’étude des comportements des fans

    Le collectionneur d’assiettes Star Trek, le connaisseur de tous les interprètes de Dr Who, celui qui préférerait vivre dans une galaxie lointaine, très lointaine, ou celle qui, au font d’elle, appartient à la maison Poufsouffle… Tous ces gens-là, on les appelle « les fans ». Et la science ne va pas les laisser tranquille. Les « Fans Studies », d’abord cantonnées aux universités américaines, arrivent peu à peu en France.

    Parmi les pionnières de ce genre d’études, Hélène Breda, maîtresse de conférences en science de l’information à l’université Sorbonne Paris Nord, étudie plusieurs fandoms, dont celui de la série Hannibal. Pour 20 Minutes, et alors que les fans de Harry Potter du monde entier célèbre la rentrée de leur sorcier fétiche à Poudlard, elle explique les enjeux des « Fans Studies ». Un champ d’investigation si vaste personne ne vous y entendra crier.

    Quelle définition donneriez-vous des « Fan Studies » ?

    Comme son nom l’indique, il s’agit d’étudier les fans. Les individus mais aussi les communautés, leurs pratiques, leur identité, qui ils sont et ce qu’ils font. Comme l’a défini Mélanie Bourdaa, chercheuse à Bordeaux Montaigne, dans son livre de référence sur le sujet, il s’agit d’un public « actif et engagé ». Les Fans Studies démontrent que les phénomènes culturels récents ne sont pas des cultures de masse que l’on reçoit de manière passive.

    Les Fans Studies sont-elles présentes dans beaucoup d’universités en France ?

    Non, en France, assez peu. Le nom Fan Studies reste souvent en anglais parce qu’il vient de la tradition de recherche anglaise et américaine des Cultural Studies, l’étude de ce que les publics font d’objets culturels, de leur manière de les interpréter, de se les approprier. Et parfois au-delà de la réception, les Fans Studies se penchent sur les pratiques et identités qui se forment autour de ces objets culturels.
    Aujourd’hui, il semble que tout le monde se dise fan de telle ou telle chose.

    La manière de se définir comme fan a évolué. Aujourd’hui on va dire assez facilement « je suis fan de Games of Thrones » et ça ne recouvrira pas la même réalité que les collectionneurs de timbres, les adeptes de Tintin, les fans de Star Wars… Le mot fan est entré dans le langage courant et a été presque complètement débarrassé de sa connotation négative. Mais on essaye de s’en écarter avec les collègues…
    Pourquoi ?

    Fan vient de fanatique, terme qui a une dimension religieuse et qui décrit quelqu’un d’obsessionnel et d’enfermé. Alors que nous nous intéressons aux personnes qui ont un investissement fort par rapport à leur objet de passion, sans adoration religieuse.
    Quels points communs y a-t-il entre un fan de « One Piece » et un fan de Beethoven ?

    Faire des généralités sur les fans, c’est compliqué. On peut travailler sur un fandom précis et on peut aussi constituer des corpus, comme les fans de séries télé. A l’intérieur d’un fandom on va étudier une thématique ou pratique précise. Par exemple, Mélanie Bourdaa travaille sur les réactions, parmi les fans LGBT, aux coming out de personnages dans les séries télé.
    Les Fans Studies peuvent porter sur n’importe quel type de communauté de fans ?

    On travaille essentiellement sur les fans des cultures populaires et des cultures de l’imaginaire. Il y a aussi un peu les fans de musique, les fans de Beatles, de Madonna… En ce moment il y a beaucoup d’études sur les fans de séries ou de téléréalité.
    Les supporteurs d’équipes de sport sont-ils considérés comme des fans également ?

    Oui, le supporterisme est parfois étudié comme un fandom. Cette affiliation a une équipe, le sentiment d’appartenance à telle ou telle maison, c’est quelque chose que l’on retrouve souvent au sein des fandoms, celui d’Harry Potter notamment, bien sûr.
    Les Fans Studies sont-elles exploitées par les exploitants de licence populaires pour maximiser leurs profits ?

    Sans aucun doute. Je travaille sur le fandom de Disney, et j’ai pu constater à quel point les instances de Disneyland notamment capitalisent sur les fans. Ils ont créé leurs propres influenceurs par exemple. Au niveau créatif, on étudie aussi la notion de « fan service », le fait, dans un film ou une série par exemple, de faire un clin d’œil aux fans en faisant apparaître un personnage ou une intrigue populaires chez les fans les plus engagés.
    Pour Barbie, Mattel a été accusé de s’appuyer sur des « anti-fans », des haters, pour faire parler de son film.

    Les anti-fans sont aussi un phénomène étudié mais il ne s’agit pas vraiment de communautés soudées qui se définiraient dans le rejet d’une œuvre. En revanche, il y a des « toxic fandoms », des communautés au sein desquels des mouvements négatifs se créent, avec des phénomènes de pression, de dévalorisations, de harcèlement notamment. Nous étudions aussi les aspects politiques des fandoms. Il y a par exemple plusieurs communautés qui attirent des fans réactionnaires. L’extrême droite a très tôt su pénétrer les mouvements de fans grâce à une grande maîtrise des réseaux sociaux. Les Fans Studies ne sont pas angélistes. Tout n’est pas rose au pays des fans. On a beau adorer notre champ d’étude, on peut y voir les champs négatifs.
    Peut-on étudier les fans de Harry Potter sans être fan soi-même ?

    Alors ça, c’est LA question. Parmi les pionniers américains des Fans Studies, Henry Jenkins étudiait les fans de Star Trek, et était fan lui-même. Il a inventé, pour lui-même, le terme de « acafan » pour « academical fan ». En tant que fan il décide de se pencher sur l’étude d’une communauté dont il se réclame. Il réfléchit alors à sa position de chercheur. A l’inverse, toujours chez les fans de Star Trek, Camille Bacon-Smith a une approche anthropologique avec un regard extérieur, une observation plus distanciée, elle n’est pas fan de Star Trek. En France, Mélanie Bourdaa, qui a participé à l’exportation des Fans Studies, se définit comme « ethnofan », sans être fan de prime abord, elle va s’immerger dans les communautés en ligne pour avoir cette vision de l’intérieur.
    Cette méthode heurte quelque peu un principe important en recherche académique, sur le recul par rapport à son objet d’étude. Est-ce pour cette raison que les Fans Studies sont encore peu développées en France ?

    Les études culturelles en général sont en retard en France. L’université française a des champs disciplinaires découpés de telle manière que les Fans Studies n’y ont pas de place a priori. Le développement de ces thématiques est encore difficile.
    Y a-t-il un phénomène de snobisme ? Etudier les fans de Britney Spears ce ne serait pas jugé assez sérieux ?

    Il y a parfois aussi du mépris des objets d’études, oui. Des champs d’études qui vont être jugés mineurs, peu légitimes. On travaille, avec quelques collègues, contre ces idées reçues, d’autant que la recherche universitaire est une structure de légitimation culturelle.
    Plusieurs thématiques très contemporaines, comme la lutte contre le sexisme ou les LGBTphobies, sont au cœur des Fans Studies. De nombreux fandoms sont considérés comme des « refuges » pour des minorités victimes de discrimination.

    Oui, et c’est très intéressant. La notion de refuge on la trouve dans plein de fandom comme celui de Pokémon ou de Disney. Mais il y a des exemples plus étonnants. J’étudie le fandom de la série Hannibal. On n’est pas trop dans le « mignon gentil » puisqu’il s’agit d’une série sur le tueur en série de fiction cannibale Hannibal Lecter. Cette série ultra morbide et gore est aussi une série queer, qui a donc attiré un fandom queer, la « fannibal family », avec des personnes LGBT ou en décalage avec la société. La notion de refuge ne naît pas seulement dans les univers kawai. On peut avoir un espace communautaire « safe », c’est-à-dire sécurisant pour des personnes discriminées, avec des objets culturels qui ne sont pas, a priori, réconfortants. La solidarité et la sécurité des membres viennent des fans eux-mêmes.
    Y a-t-il des fandoms plus accueillants que d’autres pour les femmes ?

    Il y a, au sein de certains fandoms, des spécialités plus féminines que d’autres. Par exemple, l’exercice de la fan fiction est plus féminin. Les cultures de l’imaginaire ont longtemps été supposées réservées à un public masculin qui en faisait sa chasse gardée. Cela se ressent souvent avec un traitement des personnages féminins qui est soit pas très positif, soit inexistant. Comme les femmes aiment quand même la science-fiction, elles ont écrit des fans fictions pour rééquilibrer. En créant par exemple des intrigues et des personnages qui leur correspondent et les représentent mieux.
    On voit parfois les fans comme des érudits, très attentifs au respect de l’œuvre. N’est-ce pas contradictoire avec cette tendance à la créativité des fans ?

    Les deux tendances coexistent, parfois chez un même fan d’ailleurs. On peut se sentir garant du respect d’une œuvre et participer à son extension. Dans les cultures de l’imaginaire, la notion de « world building », création de mondes, est primordiale. Les mondes de Tolkien, Star Wars, Harry Potter sont immenses en potentialité, les fans vont chercher à les meubler, les étendre, ces univers, pour continuer l’œuvre. Mais tout cela dans le respect de l’œuvre. Être fan ça peut être dessiner des cartes, écrire des histoires, ou se déguiser, apprendre des répliques par cœur ou faire des collections. C’est vraiment très riche.
    Vous décririez-vous comme fan des Fans Studies ?

    En quelque sorte (rires). Avec des collègues nous avons créé le GREF, Groupe de Recherches en Etudes de Fans. Il y a eu une Journée d’études à Bordeaux en juin 2023 et nous développons différents projets pour l’année qui vient (carnet Hypothèses en ligne, webinaire…). Il y a une émulation et un effet de génération avec énormément de thèses en écriture sur le sujet des fans.

    #Fan_studies #Hélène_Breda #Mélanie_Bourdaa

  • [C&F] Fans et culture participative
    http://0w0pm.mjt.lu/nl2/0w0pm/1wnx.html?m=ANAAAL8AzPUAAABDDD4AAAkTGo0AAAAAtBIAAK4dABjAHgBiAk7C1NYIUIkJSZ

    Fans et culture participative

    Bonjour,

    Trop souvent on confond « fans » et « passivité devant des héros ». On réduit le ou la fan à la multiplication des affiches dans les chambres d’adolescents. Si bien qu’être fan comporte trop souvent une connotation négative.

    Le livre de Mélanie Bourdaa, au contraire, montre le côté dynamique de la fan-attitude, celle qui s’inscrit dans la culture participative, qui part d’un produit culturel mainstream pour ajouter une créativité propre, et des formes d’engagement originales.

    Les fans. Publics actifs et engagés
    Mélanie Bourdaa
    13,5 x 20 cm. - 312 p.
    Collection Les enfants du numérique
    version imprimée : 23 € - ISBN 978-2-37662-029-7
    version epub : 9 € - ISBN 978-2-37662-041-9

    Commander en ligne (imprimé ou epub) : https://cfeditions.com/fans

    Dans son ouvrage, Mélanie Bourdaa a particulièrement étudié les fans des séries d’origine américaine (Battlestar Galactica, The 100, Wynona Earp...). Elle a découvert des pratiques d’entraide très fortes entre membres d’un fandom, tant dans l’échange de savoirs sur les séries, que de capacité de mobilisation autour des séries. Le fandom constitue en effet une ouverture passionnante : quand les personnes marginalisées s’identifient aux héros et héroïnes des séries pour défendre leurs droits à la différence. L’autrice s’est particulièrement penchée sur les jeunes personnes LGBTQ+ pour lesquelles la présence de personnages dans les séries est un grand soutien... mais aussi souvent une source de grande colère. Il existe en effet un trope récurrent dans les séries : quand un ou une personnage fait son coming out... elle va décéder peu après. Ce trope est nommé « bury your gay », et les fans en ont fait un objet de mobilisation et de dénonciation, afin que les scénaristes puissent laisser se développer les caractères qui s’écartent du chemin hollywoodien.

    Ce livre devrait être lu par toutes les personnes travaillant avec des adolescents (enseignants, documentalistes, animateurs culturels...). Il permet de mieux comprendre et aborder les investissements des fans dans la culture participative.

    Télécharger un extrait spécimen : https://cfeditions.com/fans/ressources/Fans_SPECIMEN.pdf

    On en parle

    « Les fans. Publics actifs et engagés est un livre passionnant sur les fans que tout chercheur ou passionné de fandom devrait avoir dans sa bibliothèque. En effet, cet ouvrage donne un point de vue intéressant sur des enjeux actuels abordé dans les fan studies, notamment les représentations fictionnelles des minorités sexuelles. »
    Christine Hébert, Nous sommes Fans

    « Chapitre après chapitre, Mélanie Bourdaa démonte les clichés et défend son sujet d’étude, loin d’être niche. Car parler des fans, c’est aussi traiter de politique, de féminisme, de racisme, d’homosexualité, du corps, d’économie des médias, d’archivage du web... et surtout, le besoin de construire sa propre famille. »
    Lucie Ronfaut, Newsletter Règle 30

    « Toujours autour de The 100, les fans, après avoir évacué leur sentiment de frustration, se sont mobilisés pour lever des fonds pour The Trevor Project (une association de soutien aux LGBTQ+) et rédiger une charte demandant une meilleure représentation des personnages lesbiens dans les séries. La fiction devient ici un levier d’engagement des fans dans des actions civiques. Ils se servent de la narration et des personnages de leur série préférée pour se mobiliser, agir et faire connaître leurs actions. »
    Myriam Bahuaud, Traversées

    « De son côté, Mélanie Bourdaa, maîtresse de conférences à l’Université Bordeaux Montaigne, considère que “le fait de se voir représenté à l’écran compte énormément". Lorsque le film Wonder Woman de Patty Jenkins est sorti en 2017, de nombreuses filles ont vu pour la première fois un personnage super-héroïque féminin à la tête d’un film. Elles pouvaient alors s’identifier. Et il est aujourd’hui de plus en plus fréquent que des séries reposent entièrement sur des femmes en tant que premiers rôles, comme The 100.” »
    Salammbô Marie, Ouest-France


    Retrouvez Mélanie Bourdaa en podcast :

    Lost in documentation, avril 2021 : https://lostindoc.wordpress.com/2021/04/21/melanie-bourdaa

    Livres en séries, novembre 2021 : https://www.youtube.com/watch?v=NjRkDBgEKhM&t=1s

    Radio-Télévision suisse – Tribu, octobre 2021 : https://www.rts.ch/audio-podcast/2021/audio/les-fans-25773319.html

    Le livre est disponible par commande chez tous les libraires, en magasin ou en ligne, ainsi que sur le site de C&F éditions.

    Bonne écoute et bonne lecture,

    Hervé Le Crosnier

    #Mélanie_Bourdaa #Fans

  • J’ai lu : Les fans. Publics actifs et engagés – Nous sommes fans
    https://noussommesfans.com/2021/11/08/jai-lu-les-fans-publics-actifs-et-engages

    À quand remonte la dernière fois que vous avez aperçu un livre dans une librairie ou sur le Web et que vous vous êtes dit : « Il me faut absolument ce livre dans ma bibliothèque » ? C’est la réaction que j’ai eue en apprenant la parution du plus récent livre de Mélanie Bourdaa (et aussi en apprenant la sortie prochaine du livre Pour que tu mèmes encore, mais ça, c’est une autre histoire).

    Que vous soyez ou non familier avec les fan studies, je vous invite à lire le résumé qui suit.

    #fans #Mélanie_Bourdaa #Fan_studies

  • Les fans - rts.ch - Portail Audio
    https://www.rts.ch/audio-podcast/2021/audio/les-fans-25773319.html
    https://www.rts.ch/rts-online/medias/images/2021/thumbnail/8luwwh-25773320.image?w=1200&h=630

    A notre époque connectée, où chacun crée et consomme du contenu, les fans représentent une nouvelle communauté. A travers quels médias le sentiment d’appartenance est-il le plus fort ? Quelles interactions entre eux et avec leur idole en découlent ? Et si l’étude des fans nous permettait de mieux comprendre la société ? Tribu développe le sujet en compagnie de Mélanie Bourdaa, maitresse de conférences HDR en Sciences de lʹinformation et de la communication à lʹuniversité Bordeaux Montaigne. Elle publie « Les Fans. Publics actifs et engagés » aux Editions C & F.

    #Fans #Mélanie_Bourdaa #Radio_Télévision_Suisse

  • 🔷 Parler des fans, c’est aussi traiter de politique, de féminisme, de racisme, d’homosexualité, du corps, d’économie des médias, d’archivage du web... et surtout, le besoin de construire sa propre famille.
    https://mailchi.mp/numerama/langlais-nest-plus-la-langue-du-web?e=b99931d837

    Extrait de la newsletter Règle 30 de Lucie Ronfaut.

    Qu’il s’agisse de k-pop, de mangas ou de séries télévisées, on aime parler des fans, mais souvent pour les réduire à des personnes hystériques et obsessionnelles. Dans Les fans, publics actifs et engagés, Mélanie Bourdaa propose une introduction passionnante aux fan studies, un domaine de recherche dont elle est l’une des spécialistes en France. Elle y défend une vision beaucoup plus nuancée et optimiste des fans, et rappelle leur riche histoire. Pourquoi, et quand, devient-on un·e fan ? Les fandoms sont-ils nés avec internet ? Comment influencent-ils les médias, et la société en général ?

    Ayant moi-même baigné dans la fan-culture depuis l’adolescence, je n’avais pas besoin de beaucoup d’arguments pour me jeter sur cet essai (édité par C&F, qui m’ont gentiment envoyé un exemplaire, merci à elles et eux !). Il reste cependant accessible aux néophytes, si tant est qu’on a déjà allumé sa télévision ou vaguement entendu parler de Game of Thrones. Chapitre après chapitre, Mélanie Bourdaa démonte les clichés et défend son sujet d’étude, loin d’être niche. Car parler des fans, c’est aussi traiter de politique, de féminisme, de racisme, d’homosexualité, du corps, d’économie des médias, d’archivage du web... et surtout, le besoin de construire sa propre famille.

    Les fans : publics actifs et engagés, de Mélanie Bourdaa, éditions C&F
    Lucie Ronfaut est journaliste indépendante spécialisée dans les nouvelles technologies et la culture web.

    #Fans #Mélanie_Bourdaa