• Ce que ça coûte de s’exprimer sur Israël-Palestine

    Personne ne devrait avoir à craindre de prendre la parole dans le champ médiatique, y compris pour exprimer des critiques à l’encontre de la politique israélienne. Pourtant chercheurs, journalistes ou responsables politiques préfèrent souvent ignorer le sujet, ou nuancer leur propos, plutôt que d’être la cible de la fachosphère et de ses relais institutionnels.

    Après mon récent passage sur France 5, dans l’émission « C ce soir », j’ai reçu beaucoup de messages de soutien, mais aussi quelques critiques et insultes. Rien de nouveau et tout cela aurait dû, comme à l’habitude, en rester là. Mais Florence Bergeaud-Blackler, dont les écrits lui ont valu le titre de « prophète » par Valeurs actuelles, a décidé de me prendre pour cible sur plusieurs tweets. En utilisant son statut de fonctionnaire au CNRS, elle multiplie les invectives et procès d’intention sur les réseaux sociaux, qui relèvent toujours davantage d’attaques personnelles que de critiques de fond. Dans mon cas, elle accuse France Télévisions de donner le micro à un « militant », un terme qui vise à disqualifier n’importe quel chercheur qui expose des analyses opposées aux siennes.

    Il n’en fallait pas plus, le soir-même, à Pascal Praud pour décider de diffuser un extrait de mon passage à France 5 dans son émission sur CNews, « L’heure des pros 2 », au plus fort de l’audience. Au programme : lecture des tweets de leur égérie et donner la parole à ses « chroniqueurs » pendant cinq minutes pour enfoncer le clou. Évidemment, les inconditionnels du soutien à Israël s’en sont donnés à cœur joie : dans l’objectif évident de me décrédibiliser, ils s’en prennent essentiellement à mon parcours, préférant partir sur le terrain personnel au détriment du fond. La rédaction de CNews avait pourtant jugé bon, à deux reprises en 2023, de me proposer d’intervenir sur leur plateau, ce que j’ai toujours refusé.

    Peu importe les fantasmes de ces gens, le statut de « chercheur indépendant », c’est-à-dire d’activités de recherche effectuées en dehors d’un cadre universitaire, est le seul au nom duquel je peux m’exprimer dans les médias. Il n’y a aucune usurpation, et si c’était le cas, mes propres contradicteurs sur les plateaux n’hésiteraient pas à me le rappeler. Du reste, je refuse de me soumettre aux injonctions à justifier mon parcours ou ma légitimité. Analyses d’archives, études de terrain et de données statistiques, entretiens et suivi d’acteurs de premier plan : mes écrits et travaux parlent pour moi, et j’attends de celles et ceux qui ne les partagent pas qu’on en débatte. Il ne devrait être question que de cela.

    Désigner une cible, l’harceler d’insultes et de menaces, faire taire en terrorisant : voici les méthodes de l’extrême droite islamophobe et des inconditionnels d’Israël, les deux ayant largement convergé sous Netanyahou. Naturellement, tout cela ne peut pas être déconnecté d’un climat plus global de censure et de restriction de toute parole critique de la politique de l’État d’Israël. Si j’en ai été cette semaine la cible, d’autres en ont fait l’expérience par le passé.

    C’est la principale raison qui m’a poussé à écrire cet article : mettre en lumière ces procédés, qui ne peuvent laisser indemne, et poussent nombre de chercheurs à s’autocensurer par peur d’être à leur tour victimes d’attaques personnelles. L’enjeu est donc profondément démocratique : en laissant de telles pratiques prospérer, la société risque à terme de plus en plus se priver des analyses et regards d’experts ou d’intellectuels reconnus, capables de proposer des clés de compréhension à des problématiques sensibles et de premier ordre.

    https://blogs.mediapart.fr/thomasvescovi/blog/280124/ce-que-ca-coute-de-s-exprimer-sur-israel-palestine

    #médias #libertés_académiques #fachosphère #réseaux_sociaux #attaques #militantisme #disqualification #recherche #Pascal_Praud #CNews #décrédibilisation #insultes #menaces #extrême_droite #censure #cible #autocensure #auto-censure
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    voir aussi ce fil de discussion initié par @rumor :
    https://seenthis.net/messages/1038855

  • Ce que ça coûte de s’exprimer sur Israël-Palestine | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/thomasvescovi/blog/280124/ce-que-ca-coute-de-s-exprimer-sur-israel-palestine


    Thomas Vescovi

    Personne ne devrait avoir à craindre de prendre la parole dans le champ médiatique, y compris pour exprimer des critiques à l’encontre de la politique israélienne. Pourtant chercheurs, journalistes ou responsables politiques préfèrent souvent ignorer le sujet, ou nuancer leur propos, plutôt que d’être la cible de la fachosphère et de ses relais institutionnels.

    #libertés_académiques menacées

  • Je suis prof et je m’autocensure : où est le problème ? | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/thomasvescovi/blog/171021/je-suis-prof-et-je-mautocensure-ou-est-le-probleme

    Ai-je le droit de considérer que montrer un homme nu à quatre pattes, qu’il soit prophète d’une religion ou Président de la République, que cela me fasse rire ou non, n’est pas la meilleure manière d’échanger avec mes élèves de collège ? C’est en tout cas le choix que j’ai fait. Est-ce que pour illustrer la liberté d’expression je devrais faire lire à mes élèves des extraits de Rivarol ou Valeurs actuelles ?

    • A titre personnel, je suis effaré par les reportages dans les collèges, avec au tableau le cul, les couilles et l’étoile jaune. Qu’en tant qu’adulte, tu prennes plaisir à t’infliger de la pornographie avilissante, je n’ai pas à juger, tu achètes bien ce que tu veux en kiosque... Mais qu’on inflige ça à des enfants qui n’ont rien demandé, je ne comprends pas. Et qu’une profession qui risque un blâme si elle laisse trainer un tract syndical sur son bureau rien que 5 minutes, n’ait pas d’autre choix que de se laisser instrumentaliser afin de faire le service après vente d’un journal raciste et fasciste, c’est d’un paradoxal et d’une tristesse sans nom. Je lis sur les réseaux sociaux les commentaires sous les posts des profs qui font valoir leur droit à parler de liberté d’expression autrement qu’en affichant des images avilissantes et impudiques, et j’y lis, dans ces fils de commentaires, l’interdiction de la réflexion, j’y lis les injonctions à obéir, et j’y entends parler de capitulation. L’extrême droite est aux portes du pouvoir (elle y est déjà, mais faut pas le dire), mais il faudrait craindre l’arrivée au pouvoir des fondamentalistes religieux musulmans...

      J’ajoute que ces images, d’êtres humains en positions avilissantes et impudiques, ça me fait penser à ces gens qui s’offusquent parce que les gamins se harcèlent entre eux à base de violences avilissantes...
      Ces images, présentées comme légitimes, me mettent aussi profondément mal à l’aise de ce point de vue. L’humiliation et l’avilissement d’autrui est-elle vraiment consubstantielle à la liberté d’expression ? Et par extension, le harcèlement n’est-il pas présenté, de ce fait, comme une liberté aussi importante que la liberté d’expression ? Par ricochet, cela me fait penser à Squid Game, et à l’effet qu’on nous dit que cela a sur les jeux à l’école, le 1-2-3-soleil de la bande annonce, qui se termine par de la violence (les commentateurs semblent tous oublier de rappeler que Battle Royal date déjà de 21 ans en arrière).