• « Nos dirigeants sont restés sourds au cri d’alarme des #soignants sur la dégradation de l’#hôpital_public »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/28/nos-dirigeants-sont-restes-sourds-au-cri-d-alarme-des-soignants-sur-la-degra

    Cette cécité, cette surdité encore, ne sont-elles pas les mots d’un véritable #mensonge d’Etat, incapable de dire enfin que les hôpitaux publics ne sont plus une priorité ? Que l’hôpital public doit disparaître, au profit de structures privées à but lucratif ou non ? Que les soignants s’épuisent sans comprendre tout ce qui leur est donné – une aumône pour leur silence ? Que les patients, si patients, ne pourront plus être correctement soignés parce que les moyens ne peuvent être, selon nos décideurs,accordés à tous. Dire cela, et l’assumer ! Cyniquement, mais en toute transparence !

  • « L’agriculture occidentale a déjà connu une révolution génétique dont les promesses n’ont pas été tenues »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/28/l-agriculture-occidentale-a-deja-connu-une-revolution-genetique-dont-les-pro

    Le dernier maïs de Bayer, en cours d’examen aux Etats-Unis, n’est plus modifié pour tolérer une seule mais cinq molécules herbicides. Une escalade désormais nécessaire pour faire face aux résistances des mauvaises herbes à l’un ou l’autre de ces produits. Outre le glyphosate, le MON 87429 supporte ainsi le glufosinate, le dicamba, le 2,4-D et le quizalofop. La transgenèse a des capacités de transformation insoupçonnées : elle a changé le progrès en fuite en avant.

    Stéphane Foucart

    #Agriculture #OGM #Alimentation#Lobbies

  • « Maintenant que nous connaissons l’étendue des crimes sexuels commis par des religieux, dissolvons l’Eglise catholique ! »
    Tribune

    Vincent Cespedes

    philosophe
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/25/maintenant-que-nous-connaissons-l-etendue-des-crimes-sexuels-commis-par-des-

    Le philosophe Vincent Cespedes rappelle que l’Eglise savait qu’elle abritait un grand nombre de pédocriminels et qu’elle a choisi de se taire. Cette corruption devrait mener à sa dissolution, estime-t-il dans une tribune au « Monde ».

    Tribune. Un peu plus d’un mois après la publication retentissante du rapport fleuve sur les violences sexuelles dans l’Eglise catholique depuis 1950 (330 000 victimes, soit 13 par jour en moyenne), la Conférence des évêques de France annonce la mise en place d’une instance « de réparation » et d’un fonds d’indemnisation des victimes financé par les biens de l’Eglise. Oui, genoux à terre, l’Eglise entend bien acheter les crimes qu’elle a étouffés pendant des décennies – 2 500 euros les attouchements, 25 000 euros le viol ? Aucun évêque responsable n’a démissionné. Au Sénat, on insiste seulement sur des réformes à opérer dans le recrutement des prêtres.

    La bien nommée « commission Sauvé » (du nom du président de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise, Jean-Marc Sauvé) ne doit pas sauver l’Eglise, mais sauver les croyants honnêtes, en signant son dépôt de faillite morale. Elle décrit un phénomène « massif » et « systémique ». Notre responsabilité historique est d’avoir laissé l’Eglise catholique commettre et cacher pendant des décennies ces violences pédocriminelles. Maintenant que nous savons, maintenant que des témoins ont été entendus et que les chiffres de l’ignominie défraient la chronique, agissons : dissolvons l’Eglise catholique sans plus attendre ! Quand une institution sait et se tait, elle devient complice des criminels, et donc criminelle elle-même.

    Seule cette solution paraît salutaire et digne, au regard de la République comme de la foi. Ce que perd un enfant violé par une personne garante à ses yeux de l’autorité morale, un prêtre prédateur appelé « père », ce n’est pas son seul présent, où tout s’effondre, c’est aussi l’avenir, qui ne devient plus possible autrement que dans la peur et la méfiance, et c’est aussi le passé, où tout ce qui faisait certitude et se voulait rassurant devient duperie et mensonge. Souvent accompagné d’emprise, d’abus de toutes sortes et de harcèlement, le viol de l’enfant est un meurtre sans cadavre – meurtre de l’innocence, de la pureté, de la croyance. C’est humainement impardonnable.
    Contradiction vivante

    Et aimer Dieu, n’est-ce pas aimer aussi les hommes qui ont donné leur vie pour le servir ? En trahissant une communauté tout entière, en brisant la sincérité des cœurs de milliers de fidèles, les religieux pédocriminels ont trahi en premier lieu leur foi et leur dieu. Ils deviennent une contradiction vivante.

    Dissoudre l’Eglise en France paraîtra comme « naïf » ou « utopique » à tous ceux qui ont été biberonnés au narratif cocorico de la France « fille aînée de l’Eglise », avec ses clochers en patrimoine génétique. L’utopie et la naïveté se situent pourtant de leur côté. Plus prosaïquement, qu’ils imaginent une fédération sportive reconnue coupable d’avoir commis et caché des centaines de milliers de viols d’enfants et dont les dirigeants minorent ou justifient cela publiquement, voire tarifient leurs exactions abominables par le biais d’une commission ad hoc. Diraient-ils que vouloir démanteler cette organisation participe d’un raisonnement « naïf » ou « utopique » ? Cela n’empêcherait nullement les gens de continuer à pratiquer leur sport !

    #paywall (je comprend pas l’intérêt de la publication d’une tribune sous paywall... c’est pas comme si l’e-monde avait payé un·e journaliste.
    #catholicisme #viol #violophilie #omerta

  • TRIBUNE « Stoppons les Mégabassines pour partager et préserver l’eau ».

    Elle vient de paraitre ce jour, mercredi 24 novembre dans les pages de « Le Monde » et a reçu la signature de plus de 250 personnalités du monde scientifique, associatif, politique, artistique...

    Lien : https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/24/les-megabassines-sont-le-symbole-d-un-modele-nefaste-aux-paysans-et-a-nos-te

    Liste complète des signataires :
    https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/stoppons-les-mega-bassines-pour-partager-et-preserver

  • « Ceux qui disent que tout est “#race” ont autant tort que ceux qui disent que rien n’est “race” »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/23/catherine-coquery-vidrovitch-ceux-qui-disent-que-tout-est-race-ont-autant-to

    Certains appellent à #décoloniser les savoirs. Qu’en pensez-vous ?

    L’approche #postcoloniale invite à faire attention aux concepts que nous utilisons car ils sont nés d’une culture complexe qui remonte à l’histoire de l’esclavage, de la colonisation et de la décolonisation. Le mot « ethnie », par exemple, a été réadapté par les ethnologues allemands de la fin du XIXe siècle car ils ont constaté que dans l’Afrique précoloniale, il y avait des Etats. Seulement, on ne pouvait pas dire qu’il y avait des Etats à l’européenne en Afrique. Ils ont alors repêché le mot grec ethnos, « le #peuple », pour parler d’ethnie. Mais ça ne désigne pas la même chose : avec l’#ethnie, il y a l’idée d’une consanguinité. Cela ne correspond pas du tout à l’Afrique, où il y a toujours eu des mélanges et où il y en a de plus en plus ! L’ethnie est un terme colonial dont il faut se méfier. Il y a besoin d’un travail de déconstruction d’un vocabulaire et de concepts qui donnent une idée fausse des réalités politiques.

    Que pensez-vous de la résurgence du terme de « race » ?

    Tous les gens raisonnables et honnêtes savent que les races n’existent pas. Seulement, le racisme, lui, existe. Et donc l’idée de race (et non la race), aussi. Il n’y a aucune raison de ne pas l’étudier, parce qu’elle tient une place importante dans la société. Si vous êtes une jeune femme noire ayant fait peu d’études, vous avez moins de chances de trouver un emploi que si vous êtes un jeune homme blanc. C’est un fait. Pourquoi ne pas en tenir compte ? L’approche décoloniale a une idée-force intéressante qui est de dire que l’analyse sociale est complexe et qu’elle ne peut pas se résumer à la classe, qu’elle doit également prendre en considération le genre et la race.

    Les #universalistes et les ~décoloniaux s’apostrophent de façon extrêmement violente alors qu’il suffirait de faire un effort pour comprendre ce que chacun veut dire. Bien sûr que l’universel est important ! Mais il n’est pas occidental, blanc. Il est multiple. Ces querelles m’agacent un peu car elles sont à la limite de l’honnêteté intellectuelle, de part et d’autre. Ceux qui disent que tout est race ont autant tort que ceux qui disent que rien n’est race. A une époque de leur histoire, les Français ont été esclavagistes, donc racistes – puisqu’il s’agissait d’un #esclavage noir. C’est incontestable. Qu’il y en ait des relents aujourd’hui, c’est une réalité. Le tout est d’en avoir conscience pour pouvoir s’en détacher.

    • le début de cet entretien avec Catherine Coquery-Vidrovitch

      Figure fondatrice de l’#histoire_africaine en France, à qui l’on doit des découvertes importantes sur l’#histoire_coloniale et esclavagiste de l’Hexagone, Catherine Coquery-Vidrovitch publie Le Choix de l’Afrique (La Découverte, 304 pages, 22 euros) dans lequel elle revient sur son parcours hors norme mais aussi ce qui l’a poussée à travailler sur l’Afrique subsaharienne, perçue par ses pairs dans les années 1960 comme une terre sans histoire.

      Quel était le contexte intellectuel de vos débuts ?

      Il n’y avait pratiquement pas d’historiens travaillant sur l’Afrique subsaharienne. Seuls les anthropologues s’y intéressaient. Les Britanniques avaient créé deux chaires d’histoire africaine en 1947 – année de la première indépendance d’un pays dit du Sud, l’Inde –, l’une à la School of Oriental Studies de Londres, l’autre au Ghana. Mais en France, rien.

      J’ai été engagée, au tout début des années 1960, au sein de la sixième section de l’Ecole pratique des hautes études, dirigée par #Fernand_Braudel (1902-1985). Avec l’Ecole des annales, il avait participé à renouveler la conception de l’#histoire et il avait créé des aires géoculturelles rassemblant des chercheurs de différentes disciplines, y compris pour l’#Afrique_subsaharienne. C’était totalement nouveau. Pour les historiens français de l’époque, les sociétés africaines n’avaient pas d’histoire.

      Quelles étaient les sources dont vous disposiez ?

      Les archives sur l’Afrique subsaharienne étaient abondantes à cause du sens administratif et archivistique des colonies. Celles de l’Afrique-Occidentale française étaient rassemblées à Dakar, celles de l’Afrique-Equatoriale française à Brazzaville. Elles sont extrêmement riches à partir des années 1880. Mais ce qui m’intéressait, ce n’était pas l’histoire coloniale, celle des administrateurs et des colonisateurs, mais celle des Africains. Comment avaient-ils subi la conquête coloniale ? Qu’est-ce que cela avait changé ? Les sources écrites ne manquaient pas, mais il fallait les rassembler ; cela n’avait presque pas été fait parce qu’on pensait que les sources africaines étaient uniquement orales.

      Dans votre dernier ouvrage, « Le Choix de l’Afrique », vous revenez régulièrement sur le lieu d’où vous parlez : celui d’une femme blanche, qui a eu une enfance clandestine pendant la seconde guerre mondiale. Pourquoi ?

      L’objectivité, extrêmement importante pour un historien, n’existe jamais totalement. On reste toujours une personnalité fabriquée par une enfance, des influences, des opinions, qui choisit de s’intéresser à un sujet plutôt qu’un autre. Ce qui m’intéressait dans ce livre, c’était de reconstituer, après coup, pourquoi j’ai choisi l’Afrique.

      Mon enfance clandestine a énormément joué. J’avais entre 4 et 9 ans durant la seconde guerre mondiale. Mes parents et mes grands-parents étaient des juifs non pratiquants, parfaitement intégrés à la société française et s’il n’y avait pas eu Vichy et les lois contre les juifs, je n’aurais probablement que très peu su que je l’étais. Mon père est mort pendant la guerre, son père s’est suicidé de désespoir et mon grand-père maternel a été dénoncé, puis gazé à Auschwitz. Je sais ce que c’est que de se sentir étrangère à son propre pays. Je sais ce que c’est que d’être « occupé ». Les colonisés ont eux aussi été occupés et personne ne les a vus sous ce jour-là. Mon enfance a été une étape de mon choix de l’Afrique.

      La seconde étape a été la découverte de l’Algérie pendant la guerre alors que mon mari y faisait son service militaire. J’étais anticolonialiste comme beaucoup de jeunes à l’époque, et contre la guerre d’Algérie.

      A quoi l’Afrique que vous découvrez en 1965 ressemblait-elle ?

      Je suis arrivée au Gabon dans une petite dictature néocoloniale. Les Français étaient encore là. La première chose qui m’a sauté aux yeux était leur #racisme. J’avais l’impression d’être en 1880 ! Alors qu’on était cinq ans après l’indépendance. C’était une situation totalement néocoloniale, notamment parce que l’école coloniale n’avait formé que quelques auxiliaires pour les postes subalternes. Jusque dans les années 1980, tout ce qui demandait un peu de savoir et de responsabilité, comme la fonction publique, était détenu par les Français. En 1965, l’adjoint du ministre de l’intérieur du Gabon était un ancien administrateur colonial. J’ai vu ainsi la genèse de la « #Françafrique » avec une très forte solidarité de l’ensemble des expatriés, qui ne fréquentaient pas les Africains.

      Cela a changé à partir des années 1990-2000. Avec la fin de la guerre froide et l’organisation des conférences nationales, on a vu se constituer des sociétés civiles. Et un effort scolaire énorme a été fait. Or, un enfant qui va à l’école sera actif quelque trente ans plus tard. Ça correspond à aujourd’hui.

      Y a-t-il une différence entre une approche française et une approche africaine de l’histoire ?

      Oui et non. Nous n’avons pas le même point de vue, c’est certain, et nous ne voyons pas nécessairement les mêmes choses. C’est pour cela qu’il est intéressant de travailler ensemble. Du côté français, il y a l’héritage d’une conscience de supériorité qui traîne encore dans pas mal d’esprits d’historiens et de chercheurs spécialisés en études africaines. Du côté africain, il y a eu une réaction nationaliste très forte dans les années 1970-1980 affirmant que l’histoire africaine devait être faite par des Africains. Cet afrocentrisme est le pendant exact de l’européocentrisme.

      Ça existe encore, mais beaucoup moins qu’avant. Les sciences sociales sont devenues internationales avec la multiplication des échanges et le développement d’Internet. Aujourd’hui, on a basculé dans une histoire globale, mondiale, comparée. C’est un acquis assez récent du côté européen, qui a longtemps eu une histoire occidentalo-centriste : on étudiait le monde à partir du point de vue européen.

      Il est important, dites-vous, de reconnecter l’histoire africaine à l’#histoire_mondiale

      Pendant plus de vingt ans, j’ai donné un cours aux Etats-Unis sur la place de l’#Afrique dans l’histoire du monde et j’ai fini par en faire un livre, Petite histoire de l’Afrique (La Découverte, 2011). Le rôle de l’économie et des cultures africaines dans le monde est multiséculaire. Mais en France, probablement à cause de l’histoire de l’esclavage et de la colonisation, on l’a ignoré.

      L’Afrique subsaharienne a été très importante sur le plan économique international pendant tout le Moyen Age, par exemple. Avant la découverte de l’Amérique, la quasi-totalité de l’or du monde partait en Occident ou en Asie à partir des mines d’Afrique subsaharienne. L’Afrique a joué un rôle important dans l’histoire du monde, mais qui le sait ? Ne pas enseigner l’histoire africaine revient à fausser l’évolution de l’histoire du monde. (...)

  • « Les enjeux sanitaires ne doivent pas être instrumentalisés au service d’une politique anti-migratoire »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/18/les-enjeux-sanitaires-ne-doivent-pas-etre-instrumentalises-au-service-d-une-

    « Les enjeux sanitaires ne doivent pas être instrumentalisés au service d’une politique anti-migratoire »
    L’arrêt des tests Covid pour les personnes migrantes à Briançon a pour conséquence de les empêcher de poursuivre leur voyage, faute de passe sanitaire, dénoncent, dans une tribune au « Monde », la présidente de Médecins du Monde Carine Rolland et le professeur de médecine Alfred Spira.
    Tribune. A Briançon (Hautes-Alpes), tous les moyens sont utilisés pour entraver le parcours des personnes exilées, souvent des familles avec des enfants en bas âge. Comme c’est le cas pour l’ensemble des personnes, leurs déplacements sont en partie conditionnés par la réalisation de tests Covid témoignant de leur négativité ou de leur protection par la vaccination. Ces pratiques aujourd’hui élémentaires de santé publique de protection individuelle et collective sont particulièrement difficiles à réaliser pour des personnes qui sont en train de voyager dans des conditions précaires.
    La stratégie mise en place depuis plusieurs mois en France est basée sur la réalisation de tests Covid dans les lieux d’hébergement et la délivrance aux personnes négatives d’un passe sanitaire anonyme valable 72 heures, qui leur permet de poursuivre leur route jusqu’à leur stabilisation dans un lieu permettant leur vaccination. Les personnes testées positivement se voient proposer un isolement pendant sept jours.
    Indépendamment de la position politique concernant la liberté de chacun de choisir un pays de résidence, cette stratégie est exclusivement basée sur des considérations épidémiologiques et sanitaires. Il s’agit de protéger les personnes, leurs proches et toutes celles et ceux qu’elles peuvent côtoyer.
    On n’oserait imaginer que cette stratégie de santé publique devienne un moyen de contrer la libre circulation des personnes, en les privant des possibilités d’accès aux droits élémentaires de protection de la santé individuelle et collective. C’est pourtant ce qui est en train de se passer sur la frontière italienne, à Briançon.Environ 50 à 70 personnes par jour, traversent la frontière entre l’Italie et le France. Ceci en toute légalité, la réglementation les autorisant à entrer en France pour y demander l’asile. Des refuges solidaires associatifs les accueillent, alors même que leur capacité d’accueil est limitée, pour pallier l’absence d’accueil institutionnel minimal par les services de l’Etat.Le Refuge solidaire de Briançon peut accueillir au maximum 80 personnes par nuit. Depuis son ouverture en août 2021, cette capacité a été dépassée, ce qui constitue une source de risques pour la sécurité des personnes et des structures. Ne pouvant accueillir les personnes dans des conditions dignes, les associations gestionnaires des lieux ont décidé de suspendre l’accueil pour alerter les pouvoirs publics sur l’urgence de la situation.L’une des premières conséquences de cette fermeture provisoire a été l’arrêt de la réalisation des tests Covid confiée jusqu’alors par l’Etat à la Croix-Rouge française. L’effet immédiat a été l’impossibilité pour les personnes qui le souhaitaient, c’est-à-dire quasiment toutes, de poursuivre leur voyage, faute de passe sanitaire. Ou de les contraindre à voyager sans test, ce qui entraîne d’importants risques de santé pour les personnes elles-mêmes et pour l’ensemble de la population qu’elles côtoient.En procédant de la sorte, il y a risque d’instrumentalisation des mesures de santé publique à des fins de politique migratoire.

    #Covid-19#migrant#migration#france#sante#santepublique#politiquemigratoire#accueil#croixrouge#depistage#circulation#frontiere#migrationirreguliere

  • La crise sanitaire a « significativement aggravé » la situation des réfugiés
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/19/la-crise-sanitaire-a-significativement-aggrave-la-situation-des-refugies_610

    La crise sanitaire a « significativement aggravé » la situation des réfugiés
    La pandémie de Covid-19, en entraînant la fermeture des frontières nationales puis, pendant les confinements, celle de certaines administrations, a rendu le parcours des personnes cherchant à immigrer en Europe encore plus complexe qu’à l’accoutumée.
    Dès le début de la pandémie de Covid-19, au printemps 2020, le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, avait mis en garde les Etats contre les entorses aux droits des demandeurs d’asile. « Garantir la santé publique et protéger les réfugiés ne s’excluent pas mutuellement. Ce n’est pas un dilemme. Nous devons faire les deux. » Les lois sur les réfugiés, poursuivait-il, doivent être respectées « même si les gouvernements adoptent des mesures strictes pour protéger la santé publique, y compris aux frontières ».
    Dans un travail réalisé pour la Fondation pour les sciences sociales, Jean-Louis Iten, professeur de droit à l’université Vincennes-Saint-Denis, montre que ce vœu n’a pas été respecté. Pendant la crise sanitaire, la situation des réfugiés, déjà extrêmement précaire en temps normal, s’est « significativement aggravée » : le Covid-19, constate-t-il, a entraîné une « extrême dégradation matérielle de la situation des demandeurs d’asile, mais également la fragilisation de leurs droits ».
    Au printemps 2020, 57 des 167 pays ayant fermé leurs frontières ne faisaient pas d’exceptions pour les demandeurs d’asile. « Le parcours migratoire des zones de conflits et de persécutions vers l’Union européenne, déjà singulièrement dangereux, s’est encore complexifié », souligne Jean-Louis Iten. Les migrants qui ont réussi, malgré tout, à gagner la France ont eu énormément de mal, une fois arrivés, à déposer leur demande d’asile en raison de « l’arrêt quasi-total du processus d’enregistrement ». Alors que les Etats européens mettaient la lutte contre la pandémie au premier rang de leurs priorités, le droit à la santé des migrants, lui, a été bafoué. « Dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile et les centres de rétention administrative, souligne Jean-Louis Iten, le respect des gestes barrières était impossible en raison de la promiscuité inhérente à la configuration des lieux et du manque de moyens. » La fermeture, pendant le confinement, de presque tous les « guichets uniques pour demandeurs d’asile » a en outre ralenti, et parfois empêché, leur accès à l’assurance-maladie.

    #Covid-19#UE#monde#migrant#migration#sante#droit#asile#pandemie#parcours#refugie#demandeurdasile#accessante#CRA

  • « Jamais les patients ne se sont sentis aussi fragiles et en danger face à un système hospitalier public exsangue »

    « On ne réécrit pas l’histoire en un claquement de doigts », soulignait récemment le ministre de la santé [dans Libération du 27 octobre]. Pourtant, ni les 12 milliards d’euros annoncés à l’occasion du Ségur de la santé, ni les promesses de voir arriver une nouvelle génération de soignants (dans des délais indéterminés) ne suffisent à endiguer le départ des personnels des hôpitaux publics. Repos fragmentés, plannings irréguliers, manque de reconnaissance, les soignants n’en peuvent plus et cela affecte désormais de plus en plus lourdement les soins.

    Nous attendons des mesures fortes, incitatives et immédiates de la part des femmes et des hommes politiques, représentants de l’Etat et garants de la santé de leurs concitoyens, de notre santé.
    Maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, accident vasculaire cérébral, épilepsie, maladie de Charcot-Marie-Tooth, neuropathies inflammatoires, sclérose en plaques, amyloses, myopathies, amyotrophies spinales, sclérose latérale amyotrophique, myasthénie, dystrophies musculaires… Des maladies neuromusculaires aux maladies neurodégénératives, nous sommes plusieurs millions de personnes malades et proches de patients particulièrement concernés par la fermeture continue de lits dans les unités spécialisées des hôpitaux publics.

    L’accueil et la prise en charge de ces personnes malades aux besoins hétérogènes et complexes requièrent beaucoup de personnel médical et paramédical aux compétences spécifiques. S’habiller, se laver, manger, se déplacer, aller aux toilettes, communiquer, être en sécurité, prendre un traitement sont autant d’éléments pourtant essentiels, mais particulièrement concernés par le manque de personnel.
    Devons-nous rappeler la valeur constitutionnelle de la protection de la santé dans notre pays ?

    « Désertion sanitaire »

    Il est clair qu’aujourd’hui, en France, dans les services de neurologie, faute de personnels, la réponse aux besoins des malades n’est plus adaptée. Si nous ne voulons pas voir arriver une catastrophe sanitaire d’une tout autre nature que celle que nous venons de vivre, il faut aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin pour attirer et retenir les personnels dans les unités de soins.

    Bien que nous ne disposions hélas pas de chiffres très précis, nous constatons que certains services ont dû fermer parfois plus de la moitié de leurs lits. Si les hôpitaux de l’AP-HP sont souvent mis en lumière, en réalité, bien peu d’établissements publics échappent à ce mouvement de « désertion sanitaire » d’une ampleur inédite.
    Au-delà, n’oublions pas que l’hôpital public est un acteur majeur dans la mise en application de soins hautement techniques, dans l’évolution des connaissances à l’origine d’innovations pour les malades de demain ou encore dans la délivrance d’une expertise hautement spécialisée.

    150 à 200 jours

    Soins suspendus, décalés par manque de ressources humaines qualifiées, chaque jour le fardeau qui pèse sur les malades et les familles les conduit à se tourner vers des associations qui n’ont de cesse d’alerter.
    Des maladies neuromusculaires aux maladies neurodégénératives, nous sommes plusieurs millions de malades et proches de patients concernés par la fermeture continue de lits dans les unités spécialisées des hôpitaux publics

    Dans certains hôpitaux, les prises en charge programmées sont décalées de 150 à 200 jours. Comment expliquer à un malade que son accès aux soins n’est plus garanti ou que le maintien de son autonomie physique n’est pas assuré par notre système de santé ? Et que faute d’accès à son traitement habituel, il va perdre l’usage de la marche, de ses membres supérieurs et qu’on ne sait pas si, quand et comment il pourra récupérer ?
    Nous aurions pu croire qu’avec la pandémie et les difficultés d’accès aux soins pour les malades chroniques, une prise de conscience politique et sociétale était en marche. En réalité, ce sont les soignants qui ont pris conscience des conditions dans lesquelles ils exercent leur métier et qui massivement ont décidé de partir ; et l’on constate combien ils sont de loin plus réactifs que la mise en œuvre d’une nouvelle politique de santé…
    En fait, jamais les patients ne se sont sentis aussi fragiles et en danger face à un système hospitalier public lui-même exsangue.

    Maltraitance professionnelle

    Le ministre de la santé évoquait récemment une « situation compliquée ». A y regarder de plus près, les choses nous paraissent extrêmement simples. Il ne s’agit pas seulement de former plus mais avant tout de revaloriser de manière conséquente une profession dont on a laissé le statut en totale désuétude pendant des années.

    Il faut cesser cette forme de maltraitance professionnelle auprès de soignants qui, au-delà de questions salariales, se sentent aujourd’hui épuisés et plus que tout malmenés par une administration incapable d’entendre les propositions et de mener des changements structurels permettant d’offrir des conditions de travail et des moyens pour une prise en charge de qualité.
    Il semble désormais indispensable pour le ministère de la santé à travers son administration hospitalière de reconstruire une confiance perdue, et cela passe par des actes forts. Gageons que nous trouverons rapidement une issue pour rebâtir ensemble, quoi qu’il en coûte…

    Liste des signataires : Alain Derbesse, président de l’Union pour la lutte contre la sclérose en plaques (Unisep) ; Olivier Heinzlef, président de la Ligue française contre la sclérose en plaques ; Joël Jaouen, président de France Alzheimer et maladies apparentées ; Martine Libany, présidente de Charcot-Marie-Tooth et neuropathies périphériques France (CMT-France) ; Christophe Lucas, président d’Epilepsie France ; Françoise Pelcot, présidente de l’Association française contre l’amylose ; Jean-Philippe Plançon - Président de l’Association française contre les neuropathies périphériques ; Pascale Ribes, présidente d’APF France Handicap ; Didier Robiliard, président de France Parkinson ; Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’Association française contre les myopathies (AFM)-Téléthon.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/15/jamais-les-patients-ne-se-sont-sentis-aussi-fragiles-et-en-danger-face-a-un-

    #hôpital #santé_publique #soignants #désertion_sanitaire

  • « Je me souviens du ticket de métro », Philippe Garnier
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/07/je-me-souviens-du-ticket-de-metro_6101243_3232.html

    Lorsqu’un objet quotidien s’éloigne, on le voit soudain dans son étrangeté. Sur le point de disparaître, il connaît – ou non – un instant de transfiguration. Je me souviens du ticket de métro. Chaque jour, il plongeait dans le lecteur magnétique et en ressortait avant l’ouverture du portillon. Son trajet instantané préfigurait la longue traversée du sous-sol. C’était une petite clé en carton, une clé aussitôt périmée qui venait ensuite hanter le fond d’une poche en compagnie de clés métalliques et durables. On aurait pu y voir aussi un bulletin de vote miniature, un bulletin grâce auquel nous votions obligatoirement pour notre trajet, qu’il soit libre ou contraint.

    Que ces comparaisons lui servent de tombeau.

    Dans les transports en commun d’Ile-de-France, le ticket est en voie de disparition. Il survivra quelque temps, vendu à l’unité, mais la carte à puce est vouée à le remplacer. Au fil des décennies, ce bout de carton a évolué. Il a changé de couleur et de typographie. Il est apparu en 1900 rose, crème ou bistre, selon la ligne et le statut social du voyageur, avec un décor parisien en fond d’impression. Plus tard, le tarif de première classe ayant disparu, il a revêtu différentes teintes plus égalitaires – havane, jaune orangé, jade et mauve – avant de finir blanc avec une bande brun foncé. Il a porté des mentions diverses – « Métropolitain parisien », avec la consigne « A la sortie, jeter dans la boîte » – et s’est même intitulé « carte hebdomadaire de travail » en 1941. L’étonnant, c’est la modestie et la sobriété de ces messages. Rien de comparable aux billets de banque avec leur mission symbolique et régalienne.

    Surtout, l’existence du ticket est devenue de moins en moins « matérielle ». Au départ, simple rectangle de papier, il était systématiquement poinçonné. Trois mille cinq cents fois par jour en moyenne, un employé de la RATP en prélevait une part infime, de la taille d’un confetti. Cette perforation nous paraît aujourd’hui frénétique et un peu folle. Pourtant, elle témoigne d’une époque où les moyens de surveillance étaient moins développés qu’aujourd’hui. La « prise de corps » était sans doute plus radicale, y compris pour le ticket, mais la menace d’un contrôle global, encore absente.

    Fini l’anonymat des vagabondages en sous-sol

    Le passage, commenté par le philosophe Gilles Deleuze, des sociétés de surveillance aux sociétés de contrôle s’est traduit par ces détails à peine perceptibles. Tout s’est ensuite déroulé à bas bruit, les gestes, les poinçons et les percussions du monde mécanique faisant place au feulement discret de la lecture magnétique, ponctué de quelques signaux sonores. Aujourd’hui, plus les données sont numérisées et centralisées, moins on en ressent physiquement les effets et moins on nous demande d’initiatives ou de gestes individuels. Le ticket aura suivi cette pente avant de disparaître.

    Le téléphone portable deviendra l’organisateur de nos trajets souterrains. Ce support unique favorise l’agrégation de données universelles. Légale ou non, bienveillante ou non, l’intrusion aura lieu. Fini l’anonymat des vagabondages en sous-sol. Nos trajets seront connus des opérateurs, ainsi que le temps que nous passons dans le métro, y compris, comme autrefois l’écrivain argentin Julio Cortázar (1914-1984), pour nous y égarer et chercher notre double. L’ingénu papier fera place à d’invisibles microconducteurs. Une puce suffira à nous identifier. Elle pourvoit déjà à nos voyages immobiles sur les écrans. Elle exerce sur nous un tel ascendant qu’un jour peut-être nous ne prendrons le métro que sur son injonction.

    La dématérialisation du ticket en annonce d’autres. Les changements de support ne sont ni neutres ni stables. Bientôt peut-être, le même capteur saura si nous avons fraudé et si, de façon plus globale, nous sommes des consommateurs solvables et en bonne santé. Tout semble converger vers ce QR code central dont la pandémie de Covid-19 nous a rapprochés. D’autres disparitions du papier se profilent. Les jours de la monnaie fiduciaire sont peut-être comptés. Quant au bulletin de vote déposé dans l’urne – sorte de ticket périodique de l’élu et du citoyen –, nul ne peut miser sur sa survie à long terme.

    Le ticket de métro est-il pour autant le rempart de nos libertés ? Pour le croire, il faudrait voir une petite fin du monde dans le moindre changement de code-barres. On passerait à coup sûr à côté des véritables dangers. De plus, ces rectangles de carton magnétisé portent un lourd héritage. Ils viennent d’une époque d’étroite surveillance où la paperasse tamponnée circonscrivait – elle la circonscrit encore – l’activité humaine. Laissez-passer, permis, coupons, mandats, cartes d’assuré, d’identité ou de résident, affichage public, mais aussi billets de banque et tickets en tous genres… Pendant des siècles, les édifices politiques, économiques et policiers ont reposé sur un frêle et écrasant édifice de papier. « Les chaînes de l’humanité torturée sont en papiers de ministères », disait l’écrivain praguois Franz Kafka (1883-1924). Tel est pourtant le paradoxe du ticket : si son apparition, il y a plus d’un siècle, a pu être vécue comme un carcan, cela n’enlève rien à la tendresse qu’on peut lui porter aujourd’hui.

    Pense-bête et marque-page

    Ce bout de carton rayonne désormais par sa fragilité. Sur son espace étroit, on notait parfois un numéro de téléphone ou une adresse accompagnée d’un minuscule dessin griffonné. Le pense-bête disparaissait pendant des mois, des années. Il resurgissait dans un livre, comme marque-page, ou sous un pied de table. Retrouver une couleur ancienne, un jaune des années 1980, par exemple, m’est toujours apparu comme un heureux présage. A la fin du Salaire de la peur (1953), d’Henri-Georges Clouzot, Jo, personnage interprété par Charles Vanel, meurt dans son camion en brandissant son porte-bonheur : un ticket de métro offert par son ami Mario (Yves Montand) à la station Pigalle. C’est peut-être à cela que devraient servir les derniers tickets : après avoir accompagné la part la plus routinière de nos vies, ils seraient brandis comme des laissez-passer dans les circonstances les plus extrêmes, qu’elles soient heureuses ou tragiques.

    #Paris