Peut-il y avoir de la joie dans nos luttes ? Militantisme et liens inter-personnels – CONTRETEMPS

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    Il aura fallu dépasser un a priori de départ pour entrer dans la lecture du livre de carla bergman et Nick Montgomery. La formule-titre « Joie militante » apparaissait comme une association d’idées bien audacieuse. Des manifestations aux grèves, en passant par les réunions de collectifs, il nous a toujours semblé que le militantisme s’entretenait avec des affects aussi particuliers que divers qu’il était difficile d’associer à la « joie ».

    Le militantisme ne va pas nécessairement avec la joie. Il y a une part d’obligation quasi-scolaire dans le travail militant, qu’il s’agisse d’une association, d’un syndicat, d’un parti, d’un « mouvement », d’une ZAD. C’est aussi, souvent, la prise d’une énergie considérable. On puise dans une source qui s’assèche (bien vite) à la mesure du temps investi face à des situations toujours plus insoutenables. Faire du lien semble être une des perspectives permettant de contrebalancer l’épuisement général : se retrouver, s’entendre, s’enlacer (entre autres) pour retrouver un peu de force.

    Les personnes à qui s’adressent ce livre ont dû, à un moment donné, ressentir cette puissante présence : celle d’être uni·es à quelque chose de plus grand et de plus intense – qui nous a donné, un certain temps, une force unique en son genre. Joie militante parle pourtant peu de ces instants et de ce qu’ils produisent (état difficile à décrire brièvement avec des mots justes), ou encore de l’ingratitude ponctuelle du travail militant. Il s’agit davantage d’une réflexion (d’une recherche, en fait), parfois hésitante, sur la manière dont les désirs émancipateurs les plus subversifs peuvent produire des formes de rigidité mortifères, et les façons de s’en sortir (ou pas ?).

    Le point de départ est un constat simple et non moins déprimant, que nous avons tou·tes vécu d’une manière ou d’une autre dans nos expériences de lutte, à ce moment où, au lieu de nous libérer, elle nous enferme. Elle nous rend triste, elle nous stresse, et pire que tout, nous avons le sentiment de ne pas être à la hauteur. Ce ne sont pas des belles paroles qui peuvent nous rassurer (« tu es merveilleux·se, tu es indispensable ») : il ne s’agit pas là d’un problème personnel de confiance en soi, mais bien de la réalité d’affects négatifs qui circulent dans nos milieux militants.

    En dehors des mots, c’est bien parfois les gestes qui manquent, et la réelle prise en charge du collectif et de ses membres dans toutes leurs dimensions qui peinent à se mettre à l’œuvre. Souvent, c’est le sentiment d’urgence qui vient alors dicter les comportements : pour faire vite, pour faire au mieux, on omet parfois de prendre la mesure du désarroi de chacun·e autant que du possible épuisement, voire du burn-out qui s’invite également.