Le cerveau peut se remémorer et réactiver des réponses immunitaires passées

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    De plus en plus de preuves indiquent que le cerveau régule l’immunité périphérique, mais on ne sait pas encore si, ni comment, le cerveau représente l’état du système immunitaire. Une équipe de chercheurs israéliens du Technion s’est penchée sur la question et rapporte dans une nouvelle étude que le cerveau est capable de stocker et de rappeler des réponses immunitaires spécifiques. Nos neurones pourraient-ils induire une sensation de maladie, voire une maladie réelle ?

    Les troubles psychosomatiques sont décrits comme des maladies émergentes sans cause biologique apparente, dont les symptômes physiques sont aggravés par un facteur émotionnel ou psychique. Ulcère de l’estomac, colopathie fonctionnelle, psoriasis, eczéma, sont tout autant d’exemples de troubles psychosomatiques, la plupart étant dus au stress ou à une émotion forte. Parce que ces troubles ont une composante psychique importante, des chercheurs ont entrepris d’explorer le potentiel du cerveau à provoquer lui-même ces symptômes.

    Ils se sont intéressés en particulier au cortex insulaire, aussi appelé insula, une région cérébrale associée aux fonctions limbiques (qui régissent les émotions), qui interviendrait notamment dans le dégoût, la dépendance ou encore la conscience. L’insula joue par ailleurs un rôle dans l’intéroception, autrement dit, la capacité du système nerveux à percevoir les modifications et signaux provenant des viscères (cela inclut la faim, la soif, la douleur, la fréquence cardiaque, etc.). Les chercheurs ont postulé que si un signalement d’inflammation devait être stocké dans le cerveau, cette zone serait probablement impliquée.
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    Une inflammation réactivée par un simple souvenir

    Cette connexion entre le corps et l’esprit ne date pas d’hier. En 1890, Ivan Pavlov mettait en évidence le réflexe conditionnel, via une expérience montrant que les chiens avaient tendance à saliver avant même d’entrer réellement en contact avec leur repas. Puis, dans les années 1970, après avoir administré à plusieurs reprises un médicament immunosuppresseur et de la saccharine à des rats, des scientifiques ont découvert qu’ils pouvaient réprimer l’activité immunitaire de ces animaux avec de la saccharine seule ! De la même manière, la simple odeur d’un aliment qui nous a rendus malades par le passé suffit parfois à nous donner la nausée.

    Pour vérifier leur hypothèse, les chercheurs ont tout d’abord induit une inflammation chez la souris (une inflammation du côlon), afin d’identifier (par marquage fluorescent) les groupes de neurones du cortex insulaire présentant une activité accrue au cours de l’inflammation. Quelques semaines plus tard, une fois les souris complètement rétablies, ils ont activé artificiellement ces neurones à l’aide d’un interrupteur moléculaire qu’ils avaient préalablement positionné sur les cellules de l’insula.
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    Chez la souris, l’activation des neurones de l’insula impliqués dans une inflammation passée a suffi à réactiver une réponse immunitaire ciblée au même endroit, alors qu’il n’y avait aucun signe d’infection. © T. Koren et al.

    Ils ont alors constaté que l’inflammation avait réapparu, exactement au même endroit que précédemment : le cortex insulaire a ordonné au système immunitaire de déclencher une réponse ciblée dans l’intestin, sur la zone de l’inflammation d’origine, alors qu’il n’y avait aucune infection ni lésion tissulaire ou d’agent pathogène à ce moment-là. Ils ont obtenu des résultats similaires chez d’autres souris chez lesquelles ils avaient induit une autre maladie inflammatoire dans la cavité abdominale (une péritonite).

    Conclusion : le simple souvenir de l’inflammation a suffi à la réactiver chez ces modèles murins. « Il s’agit d’un travail exceptionnel, qui établit que le concept classique de mémoire immunologique peut être représenté dans les neurones », souligne Kevin Tracey, neurochirurgien et président des Feinstein Institutes for Medical Research à Manhasset, qui n’a pas participé à l’étude.
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    Une nouvelle piste pour traiter les maladies inflammatoires chroniques

    Comme l’explique la neuro-immunologue Asya Rolls, qui a dirigé le groupe de recherche, cette capacité à déclencher une réponse immunitaire sur la base du souvenir d’une infection passée est aussi un avantage pour l’organisme. « Le corps doit réagir le plus rapidement possible à l’infection avant que les bactéries ou virus attaquants puissent se multiplier. […] Il y a un avantage à se préparer au combat lorsque l’on est sur le point de faire face à une infection déjà rencontrée », explique-t-elle. Un temps de réponse plus court permet au corps de vaincre l’infection plus rapidement et avec moins d’effort. Le problème est que ce mécanisme de défense peut devenir incontrôlable, au point de provoquer à lui seul des maladies.

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    Après avoir montré qu’une inflammation peut être à nouveau déclenchée par activation des neurones impliqués dans l’inflammation initiale, les chercheurs ont tenté de vérifier s’il était possible, sur ce même principe, d’enrayer une inflammation. Si le cerveau était capable de provoquer une maladie, peut-être était-il capable de la stopper ? Effectivement, lorsque l’équipe a inhibé l’ensemble initial des neurones activés, les symptômes de la maladie affichés par les souris n’étaient pas aussi graves. Pour Kevin Tracey, cette recherche montre clairement que le cerveau est inséparable du système immunitaire. Mais comment les deux communiquent-ils ?

    Rolls pense que les neurones de l’insula qui sont entrés en action lors de l’inflammation initiale ont un moyen de transmettre un message jusqu’au côlon ; elle pense que le cortex insulaire pourrait envoyer des signaux aux muqueuses du corps ou réguler les niveaux d’hormones pour aider à réactiver une réponse immunologique. Cependant, les chercheurs soulignent qu’ils ne peuvent pas encore dire si la mémoire de l’inflammation par les neurones de l’insula décrit la réponse immunitaire elle-même, ou s’il s’agit plutôt d’un enregistrement des sensations des tissus corporels enflammés — soit le souvenir de ce que l’on a ressenti en étant malade. Ils ajoutent que d’autres parties du cerveau pourraient être impliquées dans la mémorisation de la réponse immunitaire.
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    Bien qu’ils ne concernent que les souris, les résultats de cette étude ont de larges implications pour comprendre la façon dont l’esprit et le corps humains s’influencent mutuellement. Ils pourraient notamment ouvrir la voie à de nouveaux traitements pour soulager les symptômes des affections inflammatoires chroniques — telles que la maladie de Crohn, le psoriasis et d’autres affections auto-immunes — qui consisteraient à atténuer, voire effacer, leur trace mnésique dans le cerveau. Le laboratoire de Rolls a déjà commencé à concevoir des essais cliniques pour traiter l’inflammation chronique de l’intestin sur la base des découvertes de son équipe.