Le chômage des patrons explose
▻https://www.leparisien.fr/economie/emploi/restaurateurs-coiffeurs-courtiers-le-chomage-des-chefs-dentreprise-explos
Durant le premier semestre 2023, 25 296 chefs d’entreprise ont perdu leur emploi. Seuls 1 % d’entre eux disposent d’une assurance.
Un problème qui n’a guère évolué depuis des décennies, et qui peut conduire à une situation que le microcosme entrepreneurial a pris l’habitude de résumer par un sinistre « quatre D » : défaillance, dépression, divorce et death , soit « la mort » en anglais, c’est-à-dire le suicide. « Dans l’inconscient collectif, c’est tu crées ta boîte, tu es chef d’entreprise, tu n’as le droit à rien et débrouille-toi, résume Anthony Streicher. Le chômage et les chèques, ce sont pour les losers. » Sauf que, comme il le rappelle : « L’#entrepreneuriat, c’est fantastique, mais c’est aussi dangereux. Si ça ne marche pas, si vous n’avez pas anticipé, du jour au lendemain vous n’avez plus rien. »
Des petites structures
Une situation d’autant plus compliquée à vivre que la perte d’emploi intervient en moyenne autour de 46 ans, quand on s’est généralement constitué une vie de famille. Surtout, selon cette étude, 9 fois sur 10, il s’agit de petites structures de moins de 5 salariés avec un chiffre d’affaires qui ne dépasse pas les 500 000 € par an. « On retrouve beaucoup d’entreprises de la restauration, des services à la personne, comme les coiffeurs, mais aussi du commerce de détail, énumère Thierry Millon, directeur des études d’Altares. Des entreprises qui sont directement en lien avec le consommateur. »
Si l’inflation générale, notamment de l’énergie, la hausse des taux d’intérêt, le remboursement de la dette Covid et notamment des prêts garantis par l’État (PGE) et des cotisations réclamées par l’Urssaf ont conduit des entreprises dans le mur, certains secteurs, comme celui de l’habillement, étaient en souffrance avant la pandémie. « Il y a aussi des secteurs d’habitude épargnés qui apparaissent, comme les courtiers, à cause du ralentissement de l’immobilier, indique Thierry Millon. _Mais aussi des dentistes, parce que les investissements sont importants, ou des infirmières et des sages-femmes parce que les charges augmentent plus vite que le chiffre d’affaires. » [où qu’elles démissionnent pour faire de ’l’intérim ? ndc]_
Liquidation « Du jour au lendemain, je vais me retrouver sans revenus »
Seulement 1 % des patrons ont souscrit une assurance chômage en cas de défaillance de leur entreprise. Certains par ignorance de l’existence de ce type de contrats dédiés aux chefs d’entreprise, beaucoup pour des raisons financières.
Antonin a commencé à activer son réseau, s’est inscrit sur un site d’offres d’emploi tout en répondant à des annonces sur LinkedIn. Après quinze ans à la tête d’une entreprise de formation, le quadragénaire, père de famille, ne se fait guère d’illusions : « Elle va disparaître, lâche-t-il sans sourciller. Dans quelques semaines, c’est la fin. » Un saut dans l’inconnu qu’il a du mal à appréhender : « Certains soirs, je suis zen, d’autres, je suis angoissé, limite dépressif. Du jour au lendemain, je vais me retrouver sans revenus. »
Car l’homme, de nature plutôt optimiste, n’a jamais souscrit d’assurance chômage.
Cette situation, il ne l’avait pas vraiment anticipée. « Finalement, tout est allé très vite, se remémore le chef d’entreprise. Jusqu’en 2018, tout allait bien, nous avions un chiffre d’affaires de près de 850 000 € par an, des clients réguliers, dix salariés, une trentaine de sous-traitants et plusieurs sites de formation en Île-de-France et en Isère. Et puis quand le secteur de la formation a été réformé, tout s’est ubérisé. Là où on dispensait des formations dans des locaux, avec des personnels formés, on s’est retrouvé en concurrence avec des coachs de vie qui proposaient des formations en ligne. »
Dès lors, les prix s’effondrent. « Le bilan de compétence de 24 heures, facturé 2 250 €, est passé entre 1 200 € et 1 500 €, raconte Antonin. On a dû investir dans de nouveaux outils informatiques, se séparer de salariés, manger de notre trésorerie et l’entreprise n’a pas tenu. »
Une situation que connaît bien Camille*, la quarantaine. Son entreprise francilienne, créée en 2009 et spécialisée dans l’immobilier tertiaire, a vu son activité baisser de l’ordre de 30 à 40 % depuis février. Résultat, sa trésorerie a rapidement fondu et elle a dû se séparer de deux collaborateurs en juillet sur les cinq que comptait sa société. Une situation d’autant plus tendue que, si tout venait à s’arrêter, comme beaucoup de dirigeants de TPE, elle n’a pas souscrit d’assurance perte d’emploi.