Comment réagir en cas d’inceste dans sa famille ou chez des proches ?

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  • Comment réagir en cas d’inceste dans sa famille ou chez des proches ?
    https://www.huffingtonpost.fr/entry/comment-reagir-en-cas-dinceste-dans-sa-famille-ou-chez-des-proches_fr

    Dans les affaires d’inceste, il y a toujours une inconnue qui fait grincer des dents : pourquoi l’entourage n’a-t-il rien dit ? L’affaire impliquant le constitutionnaliste Olivier Duhamel, révélée par Le Monde et L’Obs, n’échappe pas à la règle.

    Le journal fait témoigner la sœur jumelle de la victime présumée d’Olivier Duhamel, qui s’appelle Camille Kouchner : “Je ne révèle rien dans ce livre, dit-elle. Tout le monde sait”. La journaliste corrige : ”‘Tout le monde’, non. Mais un bon nombre d’amis du couple, figures de la bourgeoisie intellectuelle parisienne.”
    “Leurs copains se sont terrés”

    Les faits se seraient déroulés en 1988. La mère a été mise au courant en 2008. Le père des jumeaux, Bernard Kouchner, l’a su en 2011. Il aura fallu attendre 2021 et la publication du livre de Camille Kouchner pour que les mots viennent rompre le silence.

    “Une fois informés, continue l’article, seuls quelques habitués de la maison de Sanary (Var) rompent avec le couple Duhamel ; rares sont ceux qui viennent réconforter les enfants d’Évelyne. Le cordon sanitaire est solide.”

    Camille Kouchner dénonce encore. Elle parle des amis de sa mère et son beau-père, qui n’ont rien fait : “Leurs copains se sont terrés. Ils nous avaient quasiment élevés, et ils ne sont pas venus (…) nous réconforter (...) C’est comme si on était radioactifs. On n’existait plus. Surtout, ils auraient pu aller trouver notre mère pour lui dire : ‘Non mais, ça va pas la tête, Évelyne ?’ Ils avaient peur de quoi ? De perdre Duhamel ?’”

    Déni, honte, culpabilité... Combien de temps encore cette trilogie régira-t-elle les rapports entre personnes victimes d’inceste, de violences sexuelles et leur entourage ? Et surtout, quelle est la bonne attitude à adopter devant la révélation d’abus sexuels sur mineurs ?
    Quelle est la meilleure attitude à adopter ?

    “Il faut d’abord croire l’enfant”, martèle Cathy Milard, présidente de SOS inceste et violences sexuelles, interviewée par Le HuffPost. L’association recueille 1.200 appels chaque année. “Il faut écouter sa parole. Souvent, l’enfant parle vers 8 ans ou 10 ans. Si on ne l’écoute pas, ou qu’on minimise ses propos, il se taira pendant des années, et ne parlera à nouveau que vers ses 30 ans.”

    La psychiatre Muriel Salmona affirme au HuffPost que les enfants mettent une dizaine d’années avant de réussir à parler des abus dont ils ont été victimes. “70% d’entre eux parlent, mais ils ne vont pas être entendus et il ne va rien se passer. Seuls 12% des enfants vont être réellement protégés.”
    La position de la mère est primordiale

    Ensuite ce qui importe, c’est la position de la mère. “Dans la majeure partie des cas, l’agresseur est un homme, un père, un beau-père, un frère..., assure Cathy Milard de SOS inceste, c’est alors à la mère de prendre des décisions. Elle sait leur impact. Beaucoup d’entre elles accueillent la parole de l’enfant, sans la remettre en cause, mais ne vont pas plus loin. C’est un tel tsunami émotionnel d’apprendre que l’homme qu’on aime puisse agresser son propre enfant. Le déni est souvent la protection la moins éprouvante, du moins au départ.”

    Certaines mères ne traversent pas cette période de dénégation. “Celles qui nous appellent ont des enfants âgés de 4 à 10 ans environ, continue la présidente de l’association d’aide aux victimes. Elles sont prêtes à porter plainte. Mais cela comporte des risques. Parce qu’une plainte auprès du procureur entraîne la séparation du couple devant le juge aux affaires familiales et souvent une guerre pour la garde des enfants. Un père abuseur peut se voir confier ses enfants une semaine sur deux, puisque les informations entre le procureur et le juge aux affaires familiales ne sont pas partagées. Et la mère peut être mise en examen pour non présentation d’enfant.”
    “L’enquête a des effets positifs”

    Mais tout cela ne doit jamais empêcher de déposer plainte, même en cas de prescription, insistent nos deux expertes interviewées, parce qu’une enquête peut être diligentée pour savoir si l’agresseur présumé a fait d’autres victimes, comme c’est le cas pour Olivier Duhamel.

    “Et l’enquête a des effets positifs comme la reconnaissance du traumatisme, précise la Dre Muriel Salmona. Elle permet aussi de porter plainte au civil pour obtenir des réparations. Les personnes violées pendant l’enfance sont souvent dans des situations précaires dues à leur traumatisme.”

    Et si l’on ne fait pas partie de la famille ? Qu’on gravite juste dans la galaxie des amis, qu’on fait partie de la “familia grande” et qu’on n’ose pas s’immiscer dans ces affaires, reste-t-il un levier d’action ?
    Le signalement est obligatoire

    Si l’enfant révèle des violences, souligne Muriel Salmona, le signalement auprès du procureur de la République est obligatoire. Si on a des doutes, si l’enfant nous semble bizarre, même s’il n’a rien dit, si on perçoit des signes comme des mises en danger de lui-même, des scarifications, des fugues, des troubles du comportement alimentaire, des tentatives de suicide, des conduites addictives, alors il faut leur poser la question : ‘Qu’est-ce qu’on t’a fait pour que tu sois aussi mal ?’ Il faut aller vers eux, ne pas attendre qu’ils parlent. Si l’on prend l’exemple du chirurgien Le Scouarnec, il a commencé avec sa famille, ses nièces. Alors, il faut écouter les enfants.”

    Ils sont 6,7 millions en France à avoir déclaré entre 2015 et 2020 avoir été victimes de violences sexuelles, soit une femme sur cinq et un homme sur huit. Si malgré les questions, l’enfant ne répond pas et que vos doutes persistent, vous pouvez appeler la plateforme 119 qui vous renseignera sur la meilleure attitude à adopter.

    “Quoi qu’il arrive, insiste Muriel Salmona, il faut réconforter l’enfant ou l’adulte, le rassurer, lui assurer qu’il n’est pas seul et surtout qu’il n’est pas fautif. Il faut savoir que l’univers familial incestueux est hyper hiérarchisé et ceux qui agressent sont les tyrans, les dictateurs. Ils imposent leur loi et ils impliquent le fait que la victime n’a aucune valeur. Le propre des violences sexuelles, c’est de dégrader l’autre, de n’en faire qu’un objet à disposition, à consommer et à détruire. Cette délégitimation va s’imposer à la victime qui va croire que sa vie et la justice envers elle ont bien moins de valeur que celles de son agresseur.”