• Une lanceuse d’alerte obligée de payer 125 000€ pour avoir révélé des pesticides dans des vins certifiés HVE
    https://lareleveetlapeste.fr/une-lanceuse-dalerte-condamnee-a-125-000e-damende-pour-avoir-revel

    Mercredi 10 novembre, la cour d’appel de Bordeaux n’a pas autorisé Valérie Murat, la porte-parole de l’association Alerte aux toxiques, le droit de faire appel de sa condamnation tant qu’elle n’aura pas réglé la totalité des 125000 euros d’amende infligée par le tribunal de Libourne le 25 février 2021. Elle avait été condamnée pour « dénigrement collectif à l’égard de la filière » du vin de Bordeaux, suite à sa révélation publique de résidus de pesticides dans des vins labellisés Haute Valeur Environnementale (HVE). Un exemple flagrant de « procédure-bâillon » qui remet en lumière la difficulté des lanceurs d’alerte à se faire entendre.

    #vin #bordeaux #pesticides #bâillon

    • Acharnement procédural ou décision inévitable contre l’appel de Valérie Murat pour dénigrement des vins de Bordeaux ?
      https://www.vitisphere.com/actualite-95271-acharnement-procedural-ou-decision-inevitable-contre-lap


      Dénonçant un « procès bâillon », l’activiste estime ce 10 novembre devantle CIVB que cette attaque judiciaire la vise personnellement.
      crédit photo : Alexandre Abellan (Vitisphere)

      Si la plus antiphyto des pasionarias attaque publiquement une décision de justice contraire à ses droits, des juristes évoquent un dossier répondant à une procédure somme toute classique.

      Froide, la machine judiciaire fait s’échauffer les esprits à Bordeaux. « C’est une décision historique : nous n’aurons pas le droit de faire appel » déclare ce 10 novembre Valérie Murat, la porte-parole de l’association Alerte Aux Toxiques (AAT), après la radiation par la première chambre civile de la cour d’appel de Bordeaux de l’appel de sa condamnation à 125 000 euros pour « dénigrement des vins de Bordeaux », avec une exécution provisoire au profit de 26 plaignants, dont le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). « Pour faire appel, on nous oblige à payer les 125 000 € » indique la militante, ajoutant que « cela signifie tout d’abord que je n’ai pas les mêmes droits que n’importe quel justiciable français. C’était déjà une condamnation démesurée et orientée, c’est en plus aujourd’hui le droit d’appel le plus exorbitant jamais vu. »

      « Liberté d’expression ou droit des affaires ? » posent ce 15 novembre dans un communiqué six associations écologistes, qui « expriment fermement leur soutien à l’association Alerte Aux Toxiques et sa porte-parole Valérie Murat dont le droit à se défendre et à faire appel est aujourd’hui soumis à une clause financière totalement disproportionnée ». « Dans la patrie des droits de l’Homme, c’est une sorte de justice à deux vitesses qui s’instaure, selon les moyens financiers. Il est vrai qu’on a rarement vu une juridiction bordelaise contrarier le CIVB » renchérit le même jour un communiqué de presse de la Confédération Paysanne de Gironde, appelant à soutenir financièrement la militante, qui a deux ans pour régler le montant de sa condamnation. Ayant levé une cagnotte en ligne, Valérie Murat a déjà reçu 20 000 € de la part de 470 donateurs. Appellant à « résister aux lobbies » de la filière vin, ces financeurs soutiennent une « lanceuse d’alerte » contre une « condamnation abusive [qui] incite au soutien de cette femme courageuse qu’on voudrait museler ».

      C’était gagnable
      Dans le milieu judiciaire bordelais, des experts indiquent à Vitisphere qu’il n’y a pas d’empêchement anormal dans cette procédure, mais une application toute procédurale liée à des choix de la défense de Valérie Murat, qui aurait pu éviter cette procédure de radiation ouverte par le CIVB. « Après la condamnation, il était possible de saisir le premier président de la cour d’appel pour obtenir la suspension de l’exécution provisoire. C’était gagnable, en expliquant qu’il y avait des problèmes de fond, comme la condamnation pour dénigrement alors qu’il n’y avait pas d’activité commerciale [NDLA : ce qui a été plaidé en première instance] ou le fait que les revenus ne le permettent pas, ou ouvrir une situation d’urgence au fond… » indique une source judiciaire girondine, qui s’appuie sur l’article 3 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, et note au passage une question de recevabilité des plaignants (avec un « doublon » entre syndicats viticoles et la Fédération des Grands Vins de Bordeaux, FGVB, qui les réunit).

      Au-delà de ce choix, « la décision de radiation rendue ne présente aucun caractère exceptionnel, s’agissant d’une application classique des textes en la matière, dès lors que ni les condamnations pécuniaires, ni les injonctions ordonnées, ni les mesures de publicité n’ont été exécutées, sans que les appelants ne démontrent se trouver dans l’un des deux cas faisant obstacle à la radiation : démontrer que l’exécution leur est impossible ou qu’elle aurait des conséquences manifestement excessives pour qu’il y ait suspension de l’exécution » indique une autre source judiciaire, s’appuyant sur l’ordonnance rendue ce 10 novembre. Devant ces éléments, « les critiques de madame Murat ne paraissent pas fondées » note un avocat bordelais. « Elle peut faire appel, avec les mêmes droits que tous les justiciables, dans l’application de la loi » souligne la première source judiciaire.