❝ *Réconciliation* *Au Vatican, Emmanuel Macron cherche les grâces des catholiques*

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    • En janvier, Arnaud Gallais révélait dans « l’Obs » qu’il a été violé par un oncle, prêtre missionnaire, entre ses 8 ans et ses 11 ans. Aujourd’hui, le cofondateur du collectif Prévenir et protéger s’étonne du silence et de l’inaction de l’Etat après les conclusions de l’enquête de la Commission indépendante sur les Abus sexuels dans l’Eglise (Ciase), selon lesquelles 330 000 mineurs ont été agressés sexuellement par un prêtre, un religieux ou un laïc en mission ecclésiale depuis 1950.

      Vous avez été auditionné par la Ciase sur les viols que vous avez subis de la part d’un prêtre, qui était également un oncle de la famille. Et vous avez refusé que votre témoignage reste anonyme. Pourquoi ?

      Lorsque j’ai répondu à l’appel à témoignages de la Ciase, je leur ai remis des courriers écrits par le frère de mon agresseur, prêtre missionnaire également, qui montraient qu’il était informé des viols que j’avais subis. Dans l’un de ces courriers, il m’écrivait par exemple : « Il existe aussi une solidarité entre tous les humains, dans le mal comme dans le bien. Et pour moi, cette solidarité, je la ressens fortement puisque Rémi est mon frère, et que lui et moi sommes, en tant que prêtres, au service du Christ et de son Eglise. Aussi j’ai été vraiment peiné, et je le reste, d’apprendre que Rémi, mon frère, t’avait causé du tort, dont tu souffres encore maintenant. » Du « tort » : c’est à cela qu’étaient réduits les viols répétés subis lorsque j’étais enfant, pendant quatre ans. Mon agresseur et son frère étant décédés, je voulais que l’Eglise prenne ses responsabilités. Mon signalement a fait l’objet d’une plainte au parquet le 20 juillet 2020, qui a saisi un juge d’instruction. Depuis, j’attends.
      Abus sexuels dans l’Eglise : un scandale d’une ampleur inédite

      Le 5 octobre, le rapport de la Ciase remis à la Conférence des Evêques de France a révélé que 330 000 enfants ont été victimes de violences sexuelles au sein de l’Eglise. Comment expliquer que le parquet ne se soit pas autosaisi, comme il l’a fait dans l’affaire de l’ancien ministre et ex-animateur Nicolas Hulot par exemple, accusé par au moins six femmes d’agressions sexuelles ?

      Nous ne nous l’expliquons pas justement. Le rapport Sauvé [Jean-Marc Sauvé, président de la Ciase, NDLR] est une bombe. 330 000 victimes, ce sont 12 enfants par jour victimes de pédocriminalité de la part de l’Eglise. Ce que révèle ce rapport, c’est un carnage pédocriminel gigantesque, quasiment un crime contre l’humanité. On pouvait s’attendre à un branle-bas de combat, l’ouverture d’une enquête, des missions de contrôle et d’inspection, des fermetures administratives… Au lieu de ça, on assiste au désengagement total de l’Etat. Aucune réponse n’a été apportée. Pour toutes les victimes, dont je fais partie, ce silence est une véritable claque : j’ai la sensation d’être un numéro et rien d’autre.
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      Et de la part de l’Eglise ?

      Malheureusement, nous n’attendions pas grand-chose de l’Eglise et notre pressentiment s’est confirmé. Dès le lendemain de la remise de ce rapport, Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des Evêques de France, affirmait : le secret de « la confession s’impose » aux religieux et « est plus fort que les lois de la République. Il ouvre un espace de parole, libre, qui se fait devant Dieu ». Autrement dit, l’Eglise est au-dessus des lois de la République. Pour une institution qui s’est construite dans et par l’omerta depuis des siècles, ce n’est guère étonnant.

      Le 12 octobre, quelques jours après cette affirmation, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a convoqué Eric de Moulins-Beaufort pour qu’il « s’explique sur ses propos » qui avaient créé la polémique.

      C’est exact. Gérald Darmanin, ministre des Cultes, lui a rappelé qu’aucune loi n’était au-dessus de celles de la République et que le secret de la confession était reconnu dans le droit français comme un secret professionnel, sauf en ce qui concerne « les crimes commis pour des enfants de moins de 15 ans ». Sauf que cette réponse est fausse. D’abord, parce que le secret de la confession repose sur un décret de 1891, antérieur à la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat, donc caduque aujourd’hui. Ensuite, parce que le ministre semble exonérer l’Eglise de l’obligation faite pour toute personne de dénoncer aux autorités judiciaires les mauvais traitements et agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie ou d’une infirmité (article 434 du Code pénal). Est-ce à dire que notre ministre de l’Intérieur place le secret de la confession au-dessus des agressions sur mineurs de plus de 15 ans ou des adultes handicapés ? Cela n’a pas de sens et n’est clairement pas à la hauteur de la gravité des enjeux.
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      Eric de Moulins-Beaufort a ensuite reconnu, début novembre, la « responsabilité institutionnelle » de l’Eglise ainsi que le caractère « systémique » des agressions. Il a aussi admis des propos « maladroits ».

      Oui. Et cela a suffi pour qu’il reçoive la Légion d’honneur des mains du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin le 6 décembre. En quel honneur Eric de Moulins-Beaufort a-t-il reçu la plus haute distinction ? En l’honneur des 330 000 victimes de pédocriminalité dans l’Eglise ? En l’honneur de la responsabilité de l’Eglise dans ces crimes ? Si c’est une façon de déléguer à l’Eglise le soin de faire elle-même le ménage dans ses rangs, je crains que ça n’aille pas bien loin. Le pape a confié qu’il n’avait même pas lu les conclusions du rapport Sauvé, tout en appelant à la prudence quant à son « interprétation ». Puis il a reporté son rendez-vous avec les membres de la Ciase prévu le 9 décembre ! Ce n’est pas un signal très encourageant. Du côté des évêques, la seule chose proposée après le rapport Sauvé, c’est de former des groupes de travail pour réfléchir à la question… J’entends aussi qu’une commission de réparation à destination des victimes a été créée, conçue comme un « tiers de justice », qui pourra éventuellement donner lieu à des indemnisations. J’espère que ce ne sera pas une énième façon de faire écran entre l’Eglise et la justice.

    • En lien :
      – Gérald Darmanin a remis la Légion d’honneur à Mgr de Moulins-Beaufort
      https://www.la-croix.com/Religion/Gerald-Darmanin-remettre-Legion-dhonneur-Mgr-Moulins-Beaufort-2021-12-06-1
      – Au Vatican, Emmanuel Macron cherche les grâces des catholiques
      https://seenthis.net/messages/937853

      Dénoncer le « silence de l’État » semble donc ici un euphémisme : l’État est au contraire ostensiblement actif, pour mais protéger le culte des violeurs.