Une décision de #justice avive le débat sur la précarité des chercheurs
L’Université n’a pas rétribué correctement un de ses anciens chargés de cours. Elle devra le rémunérer a posteriori. Une brèche dans un système qui précarise le corps intermédiaire ?
C’est un peu l’histoire de David contre Goliath. #Alessandro_Campanelli, ancien chargé de cours au sein de la Faculté de droit, a gagné partiellement en justice face à son ancien employeur, l’Université de Genève (#UNIGE). Dans un arrêt rendu en novembre, la Chambre administrative de la Cour de justice a reconnu que cet homme bientôt quadragénaire n’avait pas été payé correctement pendant trois mois. L’alma mater devra lui verser près de 2400 francs de manque à gagner.
Ce jugement devrait trouver une résonance particulière alors que la question des conditions de travail des chercheurs agite les universités. Attablé à La Clémence, Alessandro Campanelli savoure sa « petite victoire ». « Je pensais que je n’avais aucune chance, mais je ne pouvais pas laisser passer », souffle-t-il. Assis à ses côtés, son avocat, Me Rémy Bucheler, abonde : « Personne ne devrait accepter de travailler sans recevoir de salaire. »
Annuité promise
En 2018, Alessandro Campanelli effectue un postdoctorat lorsqu’il se voit proposer de reprendre des heures d’enseignement en histoire du droit. Le professeur titulaire - dont il est proche - est souffrant. À la rentrée de septembre, son taux d’enseignement est ainsi fixé à 35%, tandis que celui de son postdoc est diminué en conséquence. Or, dans les faits, il dispense cinq heures de cours par semaine, ce qui équivaut plutôt à un 60%. L’Université lui reconnaît finalement un tel taux à partir du 1er décembre, mais sans compenser les trois mois « surtravaillés ».
Alessandro Campanelli explique que, dans un premier temps, un administrateur à la faculté lui a promis qu’il aurait droit à une annuité supplémentaire en contrepartie. Il n’en verra jamais la couleur. Devant la justice, l’UNIGE plaidera que la fonction de postdoctorant prévoit une participation à l’enseignement. Un argument balayé. « Le recourant a dispensé plus d’heures d’enseignement que ce que prévoyait son cahier des charges », résume la juge. En revanche, la Cour a refusé de lui octroyer les 8900 francs qu’il réclamait au titre de l’annuité supplémentaire promise.
Pétition d’étudiants
Les relations avec l’institution se sont envenimées à partir de cet épisode. Alessandro Campanelli raconte les « relances par mail restées sans réponse » et les informations livrées « au compte-goutte ». Il déplore un système dans lequel les universités « tiennent le couteau par le manche ». « On lui a reproché de se plaindre alors qu’il avait signé les contrats. Mais avait-il le choix ? C’était soit ça, soit le chômage », relève Me Bucheler.
D’autant qu’une suppléance peut ouvrir la porte vers un poste de professeur, le « graal » tant convoité par les postdoctorants, les assistants et tous ceux qui constituent le corps intermédiaire - et ne sont pas au bénéfice d’un contrat fixe. « Je connais tant de collègues qui ont accepté de bosser gratuitement dans l’espoir d’obtenir un poste », rapporte Alessandro Campanelli, relatant le « climat toxique » qui en résulte.
Lui voit son contrat prolongé après le décès du professeur titulaire. Le jeune père de famille dépose ensuite sa candidature lorsque l’UNIGE cherche à le remplacer en 2020. Elle n’est pas retenue. « Je n’avais pas suffisamment de publications à mon actif », déplore-t-il. Une pétition signée par plus d’une centaine d’étudiants réclame alors son maintien à son poste. Alessandro Campanelli arrête finalement en février 2021, en se sentant « ostracisé » et après un arrêt maladie. La justice ne lui reconnaîtra pas de tort moral. Elle observe que toutes ses demandes « ont été traitées par l’institution » et « ne discerne aucune pression continuelle ».
Un « cas particulier »
Directeur de la communication de l’UNIGE, Marco Cattaneo indique avoir « pris acte de l’arrêt de la Chambre administrative », mais « ne peut commenter les dossiers de personnes ». Il n’empêche. Ce jugement intervient alors que des voix s’élèvent pour déplorer le quotidien des chercheurs, entre conditions de travail précaires, contrats incertains et perspectives d’avenir quasi inexistantes. Une pétition munie de 8600 signatures a été déposée en octobre auprès de l’Assemblée fédérale.
« Cet arrêt n’est pas une décision de principe sur un système. Il est lié à un cas particulier », insiste Marco Cattaneo. Le porte-parole rappelle que la condition du corps intermédiaire est une problématique globale, qui concerne le monde académique et pas seulement l’UNIGE. « Il s’agit d’une situation complexe et critique dont nous avons pleinement conscience », ajoute-t-il, faisant savoir que des annonces sont prévues à ce sujet à la rentrée 2022. Alessandro Campanelli les découvrira sans doute en primeur. Il a entamé l’École d’avocature.
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#précarité #université_de_Genève #Suisse #université #salaire
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ajouté à la métaliste sur les conditions de travail et la précarité dans les universités suisses :
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