• « Pour fêter la nouvelle année, le gouvernement a décidé de ruiner des milliers de buralistes et de boutiques de CBD en allant à l’encontre de la législation européenne et décide donc le 31 décembre d’interdire la vente de fleurs le 2 janvier. »
    Bonne année !
    https://www.liberation.fr/societe/sante/cbd-la-vente-et-la-detention-de-fleurs-de-chanvre-desormais-interdites-en

    Très attendu, l’arrêté encadrant ce dérivé légal du cannabis en France est enfin paru ce vendredi. S’il prévoit bien l’interdiction de la vente de la fleur, il autorise une augmentation des taux de THC dans les produits finis.

    Oubliez la traditionnelle bise du réveillon sous une boule de gui : pour ce 31 décembre 2021, on s’embrasse sous une tige de cannabis chargée en CBD. L’arrêté du gouvernement autour du cadre légal des produits chargés en cannabidiol (CBD), molécule non psychotrope du cannabis, a été publié ce vendredi matin au Journal officiel. Huile, tisane, cosmétique, fleurs : ce texte vient encadrer la CBD mania dans laquelle la France est plongée.

    Sans surprise, la France décide de faire l’impasse sur une grande partie des revenus que peut générer l’or vert : elle interdit la vente de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients. L’interdiction vaut aussi pour la détention de fleurs de cannabis, qui étaient pourtant massivement utilisées pour la fumette relaxante et pas planante, comme substitut au joint classique ou à la cigarette de tabac. Cette année, on l’avait vu débarquer dans les échoppes spécialisées et jusque dans les bars tabac. Selon les professionnels du secteur, la fleur de chanvre représente aujourd’hui 50 % à 70 % du chiffre d’affaires des détaillants, sans compter les buralistes. Près de 3 000 d’entre eux sont fournis en fleurs de cannabis par la société Buralzen. Dès le 2 janvier minuit, tous les buralistes, pharmaciens et échoppent spécialisées qui vendaient de la fleur brute devront la retirer de la vente.

    L’interdiction de la vente de fleurs de chanvre est présentée par le gouvernement comme une décision de santé et d’ordre public. Les autorités considèrent que les forces de l’ordre ne pourront pas faire la différence entre une fleur chargée en THC et une autre chargée en CBD. Pourtant, en Suisse, la police dispose depuis 2018 de tests qui lui permet de distinguer une molécule de l’autre lorsqu’un de ses agents fait face à un joint roulé. Il suffit de disposer quelques brins d’herbe de cannabis dans un petit pochon de plastique épais contenant deux mini-ampoules. On presse entre le pouce et l’index pour libérer les réactifs chimiques présents que sont l’hydroxyde de sodium et l’éthanol. On secoue brièvement et en moins de 30 secondes, le liquide se colore. Rose, c’est du CBD ou bleu c’est du THC.

    « Un passage en force »

    Pour Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, et spécialiste du droit de la drogue, « cette publication laisse perplexe d’un point de vue juridique ». Selon lui, l’arrêté est « manifestement contraire » à la jurisprudence Kanavape. Le 23 octobre 2018, la cour d’appel d’Aix-en-Provence saisit contre toute attente la Cour de justice de l’Union européenne dans cette affaire qui concerne deux entrepreneurs Marseillais ayant commercialisé une cigarette électronique à base de CBD. Quelques jours plus tard, le 18 novembre, l’instance européenne rend son verdict : l’interdiction en France de la commercialisation du CBD est illégale. Les juges européens mettent en avant la libre circulation des marchandises et rappellent qu’à la différence de tétrahydrocannabinol (THC), la molécule du cannabis sativa aux effets psychoactifs, le CBD ne peut pas être considéré comme un stupéfiant, n’ayant « aucun effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine ». Le 23 juin 2021, c’est la Cour de cassation qui rappelle que les fleurs produites légalement dans un pays européen ne peuvent être interdites en France.

    En revanche, cet arrêté très attendu contient une décision inattendue. Terminé le taux de 0.2 % de delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), la molécule psychotrope du cannabis, à respecter dans les produits finis. Désormais, cette limite passe à 0,3 %. « Sont autorisées la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol n’est pas supérieure à 0,30 % et qui sont inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France », précise le texte. Cette hausse du taux était prévue dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune qui doit entrer en vigueur en janvier 2023. Les entrepreneurs et chefs d’entreprise aux prises avec la justice pour des marchandises ayant un taux supérieur à 0,2 % et inférieur à 0,3 % de THC verront ainsi leurs poursuites tomber immédiatement.

    « Cet arrêté, c’est du passage en force. Les recours vont être certains et quatre questions préjudicielles, notamment autour de la définition des critères de classement de stupéfiants, sont actuellement devant le Conseil constitutionnel qui doit se prononcer le 7 janvier, indique Yann Bisiou. La Cour de cassation peut très bien se prononcer également et dire que l’arrêté n’est pas valable. Ce texte ne règle rien et pose de nouveaux problèmes. »