• « On peut se faire dès maintenant une idée assez précise du modèle d’enseignement supérieur appelé à remplacer l’université publique » :

    L’insolente santé de l’enseignement supérieur privé
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/01/17/l-insolente-sante-de-l-enseignement-superieur-prive_6109765_4401467.html


    Le secteur est en pleine croissance et joue sur l’image dégradée de l’université. La réforme de l’apprentissage, qui a accru le soutien financier de l’Etat à ce mode d’études, a été un booster pour ces établissements.

    De la terrasse, on domine tout Paris. La tour Eiffel, le Sacré-Cœur perché sur sa colline. « Le spot parfait pour les selfies de nos étudiants chinois ! », lance, casque de chantier vissé sur la tête, Elian Pilvin, le directeur de l’EM Normandie. Dans quelques jours, cette école de commerce inaugurera son nouveau campus à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine). Et elle a sorti le grand jeu : un immeuble neuf de huit étages (14 000 mètres carrés) signé par l’agence de Jean-Michel Wilmotte, avec six terrasses végétalisées et un jardin intérieur, de grandes baies vitrées, des dizaines de salles équipées des technologies de visioconférence.

    Le campus, installé dans ce quartier truffé de sièges sociaux (Etam, L’Oréal ou Amazon France sont juste à côté), accueillera à la rentrée 3 000 étudiants. Le bail signé avec le promoteur GDG est prévu pour douze ans : mieux vaut avoir les reins solides. Mais cette école de commerce, créée à la fin du XIXe siècle par des négociants du Havre, ne voit pas pourquoi elle ne continuerait pas sur sa lancée. Grossir, toujours plus : en 2011, son budget annuel était de 20 millions d’euros ; cette année, elle table sur 65 millions.

    Une envolée portée essentiellement par l’explosion de ses effectifs, qui atteignent désormais 5 800 étudiants, répartis entre Le Havre, Caen et Paris – sans compter ses élèves internationaux, au nombre de 1 000 cette année. Cette rentrée, alors que les universités se serrent la ceinture, l’EM Normandie a annoncé avoir recruté… 32 enseignants-chercheurs permanents au cours des dix-huit derniers mois. Parmi eux, bon nombre de jeunes docteurs en gestion, qui y atterrissent faute de perspective d’emploi pérenne à l’université.

    La croissance de cette école de commerce est à l’image du secteur de l’enseignement supérieur privé, en plein essor en France. En vingt ans, les inscriptions d’étudiants dans ces établissements ont doublé, tandis qu’elles n’ont augmenté que de 17 % dans l’enseignement public. Et depuis 2017, la croissance est encore plus rapide, avec des hausses d’effectifs de l’ordre de 7 % par an. Le secteur rassemblait 592 600 étudiants à la rentrée 2020, selon les données du ministère de l’enseignement supérieur, soit 21 % des effectifs étudiants. Sur Parcoursup, en 2022, près de 5 000 formations postbac sont proposées par des établissements privés – et d’autres recrutent hors de la plate-forme.
    Des extensions dans toute la France

    Partout en France, les annonces d’extension ou d’ouverture de campus se multiplient. Des écoles implantées en région ouvrent des sites à Paris, comme Neoma, issue de la fusion des Sup de Co de Rouen et de Reims, qui vient d’acheter un immeuble de 6 500 mètres carrés dans le 13e arrondissement de la capitale.