La procédure de dissolution du collectif Nantes Révoltée est lancée, annonce Gérald Darmanin

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    • Depuis 10 ans Nantes Révoltée propose une information indépendante, au service des mobilisations. Depuis 2012, nous avons publié des milliers d’articles, d’enquêtes, de visuels, de photos, d’analyses. Nous avons écrit des revues, donné la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas, réalisé de grandes fresques. Nous sommes désormais lu-es par plusieurs millions de personnes chaque mois. Et tout cela de façon totalement auto-produite et bénévole, sans publicité ni subventions.

      Nantes Révoltée est un contre-pouvoir important. Il dérange donc profondément les autorités locales. Par exemple notre média révélait dès le lendemain de la fête de la musique les vidéos de la charge qui a tué Steve en 2019. Notre média met en lumière depuis des années les violences d’État passées sous silence, les manœuvres politiques des élu-es, documente les mobilisations, donne un contrepoint à la propagande dominante.

      Nous avons déjà subi plusieurs attaques pour nous faire taire. En 2015, la procureure de Nantes portait plainte contre Nantes Révoltée après la diffusion d’une affiche contre les violences policières. En 2021, le syndicat d’extrême droite Alliance réclamait la censure de notre média à Darmanin suite à des affiches parodiques. Quelques semaines plus tard, l’équipe de Zemmour portait plainte contre nous, après avoir relayé un appel à manifester. Dans un contexte de fuite en avant autoritaire, nous dérangeons. « Depuis des années, Nantes révoltée est dans le viseur des autorités » commente Ouest-France.

      Vendredi 21 janvier, une manifestation contre l’extrême droite avait lieu à Nantes. Un événement assez courant : des centaines de personnes avaient marché dans le centre avec des fumigènes. En fin de manifestations, deux vitrines avaient été abîmées. Nantes Révoltée, en tant que média, avait couvert cette manifestation. Cette marche, banale, a été le prétexte à un déchaînement politique. La droite et l’extrême droite s’emparent de deux morceaux de verre cassé pour réclamer la dissolution de Nantes Révoltée à Gérald Darmanin.

      Dans un texte délirant, la responsable LREM de Nantes et la présidente de la région Pays-de-la-Loire écrivent : « on ne peut plus laisser prospérer cette idéologie anarchiste et haineuse plus longtemps », ou encore « depuis près de dix ans, des centaines de policiers et d’habitants ont été blessés au cours de ces manifestations violentes ». C’est vrai, la police nantaise a blessé des centaines de manifestant-es, dont plusieurs sont mutilé-es à vie. Nous l’avons démontré. Nantes Révoltée est aussi accusée de nuire « à l’image et à l’attractivité de la capitale régionale ». À l’image de la métropole « dynamique » en clair. La lutte dérange les profits des barons de la ville.

      Sur quelle base légale aurait lieu cette « dissolution » ? La presse cite « l’article L212-1 du Code de la sécurité intérieure » : « toutes les associations et groupement de faits qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens » peuvent être dissous par décret en conseil des ministres. Si cette loi permet de censurer un média indépendant parce qu’il a relayé des appels à manifester, c’est la porte ouverte à une vague de censure gigantesque. C’est précisément l’objectif. Le pouvoir asphyxie la moindre parcelle qui lui échappe encore, la moindre parole divergente, le moindre contre pouvoir. Il le fait par la matraque, le 49.3 et l’état d’urgence. Rappelons que le 30 juillet dernier, le N°2 du rassemblement National à Nantes, Wilfried Van Liempd, organisait une attaque armée contre une manifestation. Les faits avaient été filmés et même assumés par le RN. Et ni l’attaquant, ni son parti n’avaient été poursuivis, et encore moins menacés de dissolution.

      Les journalistes ont demandé à la maire socialiste de Nantes de réagir : « je l’ai toujours dit, rien ne justifie jamais les violences et dégradations. » Quelles violences ? Celle de la police ? Celles du capitalisme ? Celle qui dévaste la nature ?

      Notre média est donc menacé comme jamais. Il est possible qu’il soit censuré des plateformes très prochainement. Dans ce cas, consultez notre site : www.nantes-revoltee.com. Les heures qui viennent nous diront si le gouvernement Macron est fébrile au point de mettre en scène, en pleine campagne présidentielle, la censure d’un média indépendant local.

      Nous reviendrons vers vous très prochainement. N’hésitez pas à alerter autour de vous.

      https://www.nantes-revoltee.com/%F0%9F%94%B4-nantes-revoltee-menacee-de-dissolution-%F0%9F%94%B4

    • Darmanin, le ministre qui dissout plus vite que son ombre

      Après une manifestation antifasciste à Nantes, le ministre de l’intérieur a annoncé son intention de dissoudre le collectif « Nantes révoltée », animateur d’un média alternatif local. Outil administratif conçu contre les groupes factieux, la dissolution est avant tout utilisée comme une arme de communication et de neutralisation politique.

      par Camille Polloni / Mediapart

      https://www.mediapart.fr/journal/france/260122/gerald-darmanin-le-ministre-qui-dissout-plus-vite-que-son-ombre

    • Nantes révoltée : existe-t-il des précédents de dissolution de médias en France ?

      Les historiens des médias ne trouvent aucun exemple de procédure de dissolution qui aurait visé un collectif se définissant comme un média. Sauf à remonter à l’après-guerre.
      https://www.liberation.fr/checknews/nantes-revoltee-existe-t-il-des-precedents-de-dissolution-de-medias-en-fr

      « En principe on dissout des groupuscules, des associations. Une dissolution d’un média, je n’ai pas de précédent ou d’équivalent en tête. Ou alors il faut remonter à l’interdiction de Je suis partout , journal antisémite interdit en 1944 après la Libération, comme tous les titres ayant continué à paraître après 1940. « On peut d’ailleurs noter que le ministre évite de parler de média, il parle simplement d’un groupe », poursuit Christian Delporte.

      D’ailleurs, même quand certains groupes ont été dissous, leurs médias ont pu perdurer. C’est le cas par exemple de Rouge , hebdomadaire de la Ligue communiste (ancêtre de la LCR et du NPA), qui a continué de paraître malgré la dissolution de la ligue en juin 1973. Les pouvoirs publics reprochaient alors à cette dernière l’organisation d’une manifestation non autorisée contre un meeting du mouvement d’extrême droite Ordre nouveau (également dissout dans la foulée) et des affrontements avec la police.

      Peut-on imaginer un destin similaire pour Nantes révoltée ? « On ne va pas faire de politique-fiction : le problème pour le moment, c’est qu’on ne sait pas ce que le ministre entend attaquer, précisément qui, et surtout pourquoi, avance Raphaël Kempf, avocat de Nantes révoltée. C’est à lui de le dire, on ne peut pas répondre à sa place. Mais quoi qu’il en soit l’exemple de Rouge est intéressant, on va regarder ça. »

      Sur ce point comme sur les autres, le ministère de l’Intérieur n’a pas répondu à nos questions, indiquant simplement que la procédure était toujours « en préparation », ce jeudi 27 janvier.

      « La censure gaullo-pompidolienne s’assumait à l’époque comme telle »

      « A ma connaissance, ce type de procédure est très rare, en tout cas à l’égard des médias journalistiques, abonde de son côté Alexis Lévrier, spécialiste de l’histoire du journalisme. On songe aux interdictions ou aux saisies d’ Hara-Kiri ou de la Cause du peuple , mais c’était il y a un demi-siècle, et la censure gaullo-pompidolienne s’assumait à l’époque comme telle. »

      « Je pense que Nantes révoltée n’est pas considérée ici comme un titre de presse ou comme un média journalistique mais comme un mouvement politique. Gérald Darmanin lui réserve un traitement comparable à celui qu’il a imposé à Génération identitaire . Toute la question sera de savoir si Nantes révoltée peut se prévaloir des protections réservées aux titres de presse [comme le pense le préfet de Loire-Atlantique, ndlr] », analyse le chercheur.