De fait, dans ce Traité de contre-contresubversion à la prose ciselée mais fourre-tout, aux illustrations démagos tirés du Net et à la provoc mûrement calibrée mais si prévisible, s’exprime une irrésistible pulsion publicitaire – celle d’être désigné par les autorités comme les pires « ennemis intérieurs ». Tout un programme : se vanter chez un grand éditeur d’être les agents secrets de la sédition finale, renversant les puissances occultes du Big Brother économique au moyen d’une coalition confuse entre toutes les rancœurs socio-politiques, fraternelles ou xénophobes, queer ou machistes, boutiquières ou précaires, peu importe du moment qu’on fasse bloc sous les cagoules. Pauvre stratagème confusionniste faisant miroiter ce miracle chimérique : et si les extrêmes confluaient pour le meilleur, c’est-à-dire à l’encontre d’un ennemi commun... ?! Ce qui, dans l’Histoire, est toujours revenu à une politique du pire.
Dès lors, comment s’étonner que cet ouvrage y dédaigne les millions de morts de la Covid, qu’on y fasse l’impasse sur la réalité même du virus (dans la lignée des écrits récents d’Agamben se demandant si ce n’est pas un leurre destiné à renforcer une société de contrôle, selon l’adage bas-du-front : « à qui profite le crime ? », flirtant ici avec un négationnisme sanitaire : une pathologie inventée de toutes pièces pour que l’occasion nous fassent larrons d’un ordre sécuritaire). Et comment s’étonner ensuite qu’on pourfende d’abord dans ce Manifeste les anti-complotistes, ces alliés béats du système mystificateur en place. Et qu’on se moque avec morgue en général de celles et ceux qui créent des cantines populaires, fabriquent des masques, d’auto-organisent des protocoles sanitaires cohérents, maintenant ainsi des lieux de rencontre en prenant soin les un.e.s des autres