• BioNTech invente un centre de fabrication de vaccins en conteneur pour les pays émergents
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/02/16/biontech-invente-un-centre-de-fabrication-de-vaccins-en-conteneur-pour-les-p

    BioNTech invente un centre de fabrication de vaccins en conteneur pour les pays émergents
    L’entreprise de biotechnologie allemande a mis au point un module transportable de fabrication de vaccins à ARN messager, capable de répondre de façon flexible et rapide à l’apparition de nouveaux variants, notamment en Afrique.
    En 2020, Ugur Sahin, cofondateur de BioNTech avec sa femme, Özlem Türeci, a eu l’intuition que la technologie de l’ARN messager (ARNm) maîtrisée par son entreprise pouvait constituer un atout dans l’élaboration rapide d’un vaccin efficace contre ce qui allait devenir la pandémie de Covid-19. Grâce à un partenariat noué très tôt avec l’américain Pfizer, la biotech a été la première entreprise à obtenir l’homologation de son vaccin, aujourd’hui un des plus distribués dans le monde avec 2,6 milliards de doses écoulées dans plus de 160 pays.Deux ans plus tard, Ugur Sahin entend cette fois accélérer la diffusion à grande échelle de futurs vaccins fonctionnant à base d’ARNm. Il a dévoilé, mercredi 16 février, un module transportable de fabrication semi-automatisée de vaccins à ARN messager, baptisé « BioNTainer ». Tenant dans douze conteneurs, il est capable de répondre de façon flexible à une demande spécifique de vaccins. Surtout, il peut être installé n’importe où afin de produire des doses dans une qualité équivalente à celle d’un pays très industrialisé.
    « La pandémie nous a appris deux choses essentielles, confie M. Sahin au Monde. La première est qu’il n’y a pas la capacité de production de vaccins nécessaire mondialement. La seconde est que certaines régions, notamment en Afrique, n’ont pas un accès suffisant à ces produits pharmaceutiques. Très tôt, nous nous sommes donc posé la question : quelle est la meilleure façon d’assurer un transfert de technologie tout en veillant à avoir le moins de variabilité de production et de qualité possible ? »
    BioNTech, qui fait depuis vingt ans des recherches sur des thérapies à base d’ARN messager, dont des traitements individualisés contre le cancer, anticipe que cette technologie très flexible peut accélérer la réponse vaccinale aux virus dans les régions les moins industrialisées… à condition de les doter des machines nécessaires. « Nous voulons faire en sorte qu’il y ait une forme durable d’égalité d’accès aux vaccins. Et quand les personnes sur place peuvent elles-mêmes décider quels vaccins elles peuvent faire, cela s’appelle pour moi de la souveraineté », assure M. Sahin, qui entend cependant garder la propriété des brevets et licences sur ses technologies, ce qui lui vaut des critiques sévères d’organisations non gouvernementales comme Amnesty International, qui estime que BioNTech devrait céder ses droits.
    L’entrepreneur, qui reconnaît l’inégalité vaccinale actuelle, insiste sur le fait que le projet vise bien le transfert de technologie et de savoir-faire, en coopération avec l’Union africaine, l’Union européenne et l’Organisation mondiale de la santé. Les vaccins sont destinés à être utilisés sur place ou être exportés « à prix coûtant » à d’autres pays de l’Union africaine. BioNTech a déjà noué des contacts avec les autorités au Sénégal, au Ghana, au Rwanda et en Afrique du Sud, qui pourraient être les premiers à accueillir le projet.Mercredi, les présidents des trois premiers pays, Macky Sall, Nana Akufo-Addo et Paul Kagame, étaient en visite à Marburg, en Allemagne, pour assister à une présentation de l’installation. L’Afrique, qui importe 99 % de ses vaccins, s’est fixée pour objectif de produire elle-même 40 % de ses vaccins d’ici à 2040. La pandémie de Covid-19 a montré combien les vaccins étaient un instrument d’influence des grandes puissances mondiales, notamment la Chine, dans les pays émergents.
    L’innovation de BioNTech est possible en raison de la particularité de la technologie utilisée. Les vaccins à ARNm nécessitent pour leur production beaucoup moins d’espace, de ressources et de temps que les vaccins classiques. Pour fonctionner, ces derniers doivent d’abord fabriquer des protéines à partir de cellules de mammifère ou d’œuf qui, injectées, feront ensuite réagir le système immunitaire. L’ARN messager, lui, n’est qu’un support d’information, un « mode d’emploi ». Ce sont les cellules de la personne vaccinée qui vont fabriquer leur propre protéine, une fois l’information transmise. Pour modifier le vaccin, il suffit donc de modifier l’information transmise.Concrètement, la technologie repose sur le savoir-faire accumulé dans l’usine de Marburg, qui a produit 1,2 milliard de doses de vaccin en moins d’un an. Les machines et méthodes de production utilisées là-bas ont été adaptées et réduites afin d’être intégrables dans douze conteneurs de taille standard, sur une superficie totale de 800 m2.
    L’installation se compose de deux modules équipés en salle blanche : un est destiné à la fabrication de la substance active, un autre à la production du vaccin formulé prêt à l’emploi. Un raccordement à l’eau et au réseau électrique est nécessaire. Il faut ensuite livrer les matières premières : eau distillée, alcool, enzyme, nucléotides, lipides. Soixante-dix à soixante-quinze personnes sont requises pour faire fonctionner l’ensemble localement, notamment pour effectuer le contrôle de qualité.
    L’installation est en mesure de produire jusqu’à cinquante millions de doses par an, mais peut également fabriquer des lots plus petits de quelques millions de doses, par exemple en cas d’apparition d’un variant du SARS-CoV-2 dans une région spécifique, immédiatement après approbation par les autorités sanitaires. « Avec ce système, les premiers tests de production peuvent être lancés le jour même sur place, sans grande modification du processus de production (…). Car celui-ci est toujours le même : produire l’ARN messager, le purifier et l’emballer dans des lipides », explique M. Sahin.Le premier module devrait être livré dans la seconde moitié de 2022, pour entrer en service douze mois plus tard, prévoit BioNTech. Il délivrera, bien sûr, des vaccins contre le Covid-19. Mais l’objectif est aussi d’utiliser la structure pour d’autres usages ultérieurs. Elle pourrait ainsi servir de plate-forme pour d’autres vaccins à base d’ARN messager de BioNTech, par exemple ceux actuellement développés contre la tuberculose ou la malaria. Pour ce dernier vaccin, l’entreprise espère démarrer ses essais thérapeutiques fin 2022.A terme, M. Sahin n’exclut pas d’en fabriquer également contre des maladies infantiles, y compris en partenariat avec d’autres groupes pharmaceutiques. « Nous pensons que l’ARNm est une classe de médicaments d’avenir. Dans les quinze prochaines années, un tiers de tous les nouveaux médicaments autorisés seront développés sur la base d’ARNm », estime-t-il.

    #Covid-19#migrant#migration#sante#vaccin#industriepharmaceutique#afrique#circulation#frontiere#chine#paysemergent#inegalite

  • Les infirmières françaises découvrent l’eldorado québecois
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/02/15/les-infirmieres-francaises-decouvrent-l-eldorado-au-quebec_6113762_3234.html

    Les infirmières françaises découvrent l’eldorado québecois
    Pour faire face à la pénurie de personnel soignant au Québec, le ministère de la santé provincial a lancé une mission visant à recruter 3 500 infirmiers étrangers en 2022. Une occasion à saisir pour nombre d’infirmières en mal de reconnaissance dans l’Hexagone.
    Kenza Hadjiat, 24 ans, est arrivée à Montréal le 25 janvier, dûment équipée : double legging, double doudoune et chaussures fourrées. Car du Québec, où elle pose pour la première fois les pieds, tout juste sortie du cocon familial, cette jeune femme originaire de Seine-Saint-Denis ne sait que deux choses : il y fait froid l’hiver (– 30 °C à la sortie de l’aéroport), et la province lui ouvre grand les bras pour y exercer sa profession, infirmière.
    Diplômée de l’Ecole nationale d’infirmières française depuis juillet 2020 – « Je suis une diplômée Covid », dit-elle avec humour –, Kenza n’a qu’une courte expérience en clinique et en crèche, mais le goût de l’aventure l’a poussée à traverser l’Atlantique. « Il paraît qu’ici les infirmières sont plus autonomes dans leur travail », croit-elle savoir, avant même de débarquer à l’hôpital Jean-Talon, dans le centre-ville de Montréal, où va se dérouler son stage d’intégration. Il durera soixante-quinze jours, durée indispensable pour obtenir la reconnaissance définitive de son diplôme et être titularisée.
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    La pénurie de personnel soignant est une réalité de longue date au Québec. Avant la pandémie de Covid-19, en avril 2019, le gouvernement estimait déjà qu’il lui faudrait recruter, sur cinq ans, 30 % de l’effectif global des 75 000 infirmières en poste à l’époque. La crise sanitaire a fait exploser le nombre de postes vacants et provoqué la quasi-embolie du système de santé : au plus fort de la vague Omicron, mi-janvier, il a manqué ponctuellement jusqu’à 20 000 travailleurs de santé dans les hôpitaux, sans possibilité de les remplacer.
    A coups de primes et d’assouplissements de leurs conditions de travail, le gouvernement québécois a tout fait pour convaincre les jeunes retraités et ceux qui avaient changé de voie de reprendre du service pour colmater les brèches. Mais à l’automne 2021, le ministère de la santé est passé à la vitesse supérieure en lançant une mission visant à recruter 3 500 infirmiers étrangers en 2022. Du jamais-vu. Même si, en 2019, un millier d’infirmiers et infirmières françaises avaient déjà fait le grand saut vers la Belle Province.
    Depuis novembre 2021, Florent Verjus, infirmier français installé au Québec depuis 2005, est responsable du tout nouveau Bureau de recrutement international créé par l’un des cinq grands centres hospitaliers de Montréal. Fort de l’expérience acquise en aidant d’abord à titre bénévole de jeunes collègues français débarqués à Montréal, parfois poussés à se reconvertir en vendeur de crêpes ou épicier avant de trouver une place dans un hôpital québécois, Florent Verjus a déjà recruté cent infirmiers en ce début d’année, dont quatre-vingts Français.
    Il ne compte pas s’arrêter là : le recrutement hors Canada devrait représenter la moitié des embauches totales de son groupe hospitalier. « Les infirmiers français ont une très bonne formation, nous sommes preneurs de leur expertise notamment en soins intensifs, au bloc opératoire ou encore dans tout ce qui a trait à la périnatalité », explique-t-il. Quant à ce qui les incite à venir au Québec, « ce sont des salaires plus attractifs, de l’ordre de 20 % à 30 % supérieurs à ce qu’ils sont en France, de meilleures conditions de travail avec près de moitié moins de patients par personnel soignant et, enfin, des opportunités d’évolution de carrière plus faciles ».
    Les annonces de recrutement se font sur les réseaux sociaux, Facebook principalement ; à charge, ensuite, pour Florent Verjus, de guider les postulants à travers le maquis des services d’immigration du Québec et du Canada. Aujourd’hui, la plupart des nouveaux professionnels arrivent avec un permis vacances travail leur donnant le droit de travailler n’importe où pendant deux ans, plus rapide encore à obtenir s’ils ont moins de 35 ans et une promesse d’embauche, avec un permis jeunes professionnels.
    Leslie Mourier, 31 ans, a quitté Saint-Etienne il y a tout juste quatre ans. Diplômée depuis 2012, elle avait travaillé en hôpital et tenté l’expérience en libéral avant d’oser l’aventure québécoise. « Je suis partie de l’hôpital français car j’étais à bout de ne pas être écoutée », confie-t-elle, heureuse aujourd’hui d’avoir découvert dans la province canadienne une tout autre relation entre médecins et infirmières. « La hiérarchie médicale existe aussi au Québec, mais, ici, je ne suis pas une simple exécutante, le médecin prend en considération mon jugement et mon expertise. » La prérogative d’ausculter les patients, réservée aux médecins en France, fait partie des nouvelles pratiques professionnelles qu’elle a acquises et dont elle se réjouit. Comme le fait de voir toutes ses heures supplémentaires payées.
    Mais être plongée dans un système étranger suppose aussi de surmonter quelques chocs culturels. Au-delà d’un jargon professionnel différent à acquérir – Leslie se souvient des yeux ronds de ses collègues lorsqu’elle a réclamé « le poteau » pour dire « pied à perfusion » −, de la découverte de métiers infirmiers inconnus en France, tel que les inhalothérapeutes (infirmier anesthésiste), c’est surtout l’énorme travail de paperasserie auquel les infirmières sont ici confrontées qui l’a surprise. « Pour chaque patient, il revient à l’infirmière de remplir un dossier complet, avec une évaluation de la tête au pied, respiratoire, neurologique, cardiaque, quelle que soit la raison pour laquelle il arrive à l’hôpital. Ce qui me prenait cinq minutes en France, m’en prend quinze ici. »Le sous-équipement en informatique dans les hôpitaux rend ces charges administratives particulièrement lourdes, et explique en partie que nombre d’infirmières québécoises aient jeté l’éponge et quitté le métier ces dernières années. Leslie Mourier, arrivée comme infirmière urgentiste, a été nommée chef de service dans un hôpital montréalais en décembre 2021. « Une telle évolution de carrière, sans être obligée de passer par l’Ecole des cadres infirmiers, est inimaginable en France », affirme-t-elle dans un mélange d’accent stéphanois et québécois qui dit à lui seul sa parfaite intégration.

    #Covid-19#migrant#migration#france#canada#quebec#personnelmedical#infirmier#penurie#migrationqualifiee#sante

  • La fièvre du lithium gagne le Portugal
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/02/04/la-fievre-du-lithium-gagne-le-portugal_6112250_3234.html

    « Nous n’avons rien d’autre que cette nature et, en même temps, nous avons tout ce dont nous avons besoin, souffle cette agricultrice de 43 ans, qui élève, avec son mari, vingt-six vaches de la race autochtone barrosa, dont la viande est réputée dans tout le pays. Il n’y a pas de boutiques, pas de cinéma, mais ce paysage n’a pas de prix, de même que la qualité des produits de la terre et la pureté de l’eau des rivières. Avec 500 euros, nous vivons mieux que ceux qui, en ville, en gagnent 1 500. Mais si la mine vient, nous perdrons tout et nous devrons partir… »

    #paywall 😶

    • Sur le promontoire rocheux qui domine « sa » vallée, Aida Fernandes ouvre les bras en grand, comme pour embrasser les collines verdoyantes qui lui font face, où serpentent des chemins de campagne. Rien ne vient troubler le silence qui règne sur ce paysage idyllique de bocages. Pas même le bruit des vaches à longues cornes, que l’on croise, plus souvent que les hommes, sur les routes en lacet qui mènent à #Covas_do_Barroso, hameau de 180 âmes du nord du Portugal.

      « Nous n’avons rien d’autre que cette nature et, en même temps, nous avons tout ce dont nous avons besoin, souffle cette agricultrice de 43 ans, qui élève, avec son mari, vingt-six vaches de la race autochtone barrosa, dont la viande est réputée dans tout le pays. Il n’y a pas de boutiques, pas de cinéma, mais ce paysage n’a pas de prix, de même que la qualité des produits de la terre et la pureté de l’eau des rivières. Avec 500 euros, nous vivons mieux que ceux qui, en ville, en gagnent 1 500. Mais si la mine vient, nous perdrons tout et nous devrons partir... »

      Alors que la #Serbie a annoncé par surprise, le 20 janvier, qu’elle mettait un terme au projet d’exploitation de mines de lithium le long de la rivière #Jadar, dans l’ouest du pays, par l’entreprise anglo-australienne #Rio_Tinto, après des mois de manifestations massives, le Portugal est sur le point de faire l’inverse. Lisbonne pourrait débloquer dans les prochaines semaines le projet de la plus grande mine à ciel ouvert d’Europe de l’Ouest de ce minerai stratégique, utilisé dans la fabrication des batteries des voitures électriques, sur les terres peu habitées de la région de #Barroso, classée au #Patrimoine_agricole_mondial, à 150 kilomètres au nord-est de Porto.

      Six nouvelles zones

      La société #Savannah_Resources, implantée à Londres, travaille sur le projet depuis 2017. Elle a obtenu le permis d’exploration et déjà réalisé les prospections qui lui ont permis d’identifier des gisements de #spodumène, des #minéraux très riches en lithium, renfermant près de 287 000 tonnes du précieux #métal. De quoi produire les #batteries de 500 000 #véhicules_électriques par an pendant une dizaine d’années, grâce à un projet de #mine_à_ciel ouvert de 542 hectares, comprenant quatre cratères profonds et un immense terril.

      Il reste encore à cette société d’investissement britannique à rédiger la version définitive de l’étude de faisabilité, qui doit déterminer la #rentabilité du projet, le #coût de la production étant considérablement plus élevé que celui des bassins d’évaporation des saumures dont est extrait le lithium d’Amérique latine, où se trouvent les principales réserves mondiales. Et elle n’attend plus que l’avis des autorités portugaises sur l’étude d’#impact_environnemental. Les conclusions, imminentes, ont été repoussées après les élections législatives anticipées, qui ont eu lieu dimanche 30 janvier au Portugal.

      S’il n’y a pas de contretemps, #Savannah espère commencer à produire du lithium dans deux ans, et promet pour cela 110 millions d’euros d’investissement. Elle n’est pas la seule à avoir flairé le filon. Les réserves de lithium ont éveillé l’appétit de nombreuses compagnies nationales et internationales, en particulier australiennes, qui ont déposé des demandes de prospections, ces dernières années. Et ce mercredi 2 février, le ministère de l’environnement portugais a donné son accord pour que des prospections soient lancées dans six nouvelles zones du pays. Leurs droits seront attribués grâce à un appel d’offres international dans les deux prochains mois.

      Non seulement le gouvernement portugais du premier ministre socialiste, Antonio Costa, qui vient d’être reconduit au pouvoir avec une majorité absolue à l’Assemblée, est favorable à la production de lithium, considéré comme essentiel à la #transition_énergétique. Mais, assis sur des réserves confirmées de 60 millions de tonnes, les plus importantes de l’Union européenne, il souhaite qu’une #industrie_métallurgique de pointe se développe autour des mines. « Le pays a une grande opportunité économique et industrielle de se positionner sur la chaîne de valeur d’un élément crucial pour la #décarbonation », a encore déclaré, en décembre 2021, le ministre de l’environnement, Joao Pedro Matos Fernandes, qui espère qu’ « aucun gramme de lithium ne s’exportera .

      L’enjeu est prioritaire pour le Portugal. Et pour l’Union européenne, qui s’est fixé comme objectif d’atteindre 25 % de la production mondiale de batteries d’ici à 2030, contre 3 % en 2020, alors que le marché est actuellement dominé par la Chine. Et les #fonds_de_relance européens #post-Covid-19, qui, pour le Portugal, s’élèvent à 16,6 milliards d’euros, pourraient permettre de soutenir des projets innovants. C’est, en tout cas, ce qu’espère la compagnie d’énergie portugaise #Galp, qui, en décembre 2021, s’est unie au géant de la fabrication de batterie électrique suédois #Northvolt pour créer un joint-venture, baptisé #Aurora, pour la construction, d’ici à 2026, de « la plus importante usine de transformation du lithium d’Europe », à #Sines ou à #Matosinhos.

      Avec une capacité de production annuelle de 35 000 tonnes d’hydroxyde de lithium, cette usine de #raffinage pourrait produire 50 gigawattheures (GWh) de batteries : de quoi fournir 700 000 #voitures_électriques par an. Le projet, qui espère bénéficier des fonds de relance européens et aboutir en 2026, prévoit un investissement de 700 millions d’euros et la création de 1 500 #emplois directs et indirects. « C’est une occasion unique de repositionner l’Europe comme leader d’une industrie qui sera vitale pour réduire les émissions globales de CO2 », a souligné le président de Galp, Andy Brown, lors de la présentation. « Cette initiative vient compléter une stratégie globale basée sur des critères élevés de #durabilité, de #diversification des sources et de réductions de l’exposition des #risques_géopolitiques », a ajouté le cofondateur de #Northvolt, Paolo Cerruti. La proximité de mines serait un atout.

      Résistance

      D’autres projets de #raffinerie sont en cours de développement, comme celui de l’entreprise chimique portugaise #Bondalti, à #Estarreja, au sud de Porto, qui a annoncé en décembre 2021 s’être associée à la compagnie australienne #Reed_Advanced_Materials (#RAM). Mais, dans les régions convoitées, la #résistance s’organise et les élus se divisent sur la question. Le maire de la commune de #Boticas, à laquelle est rattachée Covas de Barroso, du Parti social-démocrate (PSD, centre droit), doute publiquement de sa capacité à créer de la richesse localement, et craint qu’elle ne détruise le #tourisme rural, la #gastronomie et l’#agriculture. Tandis qu’à 25 kilomètres de là, à #Montalegre, où la compagnie portugaise #Lusorecursos entend construire une mine à ciel ouvert sur une surface de 825 hectares avec une raffinerie, le maire socialiste, Orlando Alves, y est a priori favorable, à condition qu’elle obtienne la validation de son étude d’impact environnemental .

      « C’est une occasion de combattre le #dépeuplement, explique-t-il. La réalité actuelle du territoire, c’est que les gens émigrent ou s’en vont dans les grandes villes, que les jeunes partent pour faire leurs études et ne reviennent pas. Sans habitant, il n’y aura plus de #tourisme_rural ni d’agriculture... » Au gouvernement, on essaie aussi de rassurer en rappelant que le pays compte déjà vingt-six mines de #feldspath « semblables à celle du lithium » .

      « Près de 125 exploitations agricoles et la réserve de biosphère transfrontalière #Gerês-Xures se trouvent dans un rayon de 5 kilomètres autour du projet de #Montalegre. Et, ces derniers temps, des jeunes reviennent pour devenir apiculteurs ou produire des châtaignes... », rétorque Armando Pinto, 46 ans, professeur et coordinateur de la plate-forme #Montalegre_com_Vida (« Montalegre vivante »). Le 22 janvier, près de 200 personnes ont manifesté dans les rues de cette commune dominée par les ruines d’un château médiéval.

      Conscient de l’importance de rallier l’opinion publique, lors d’une conférence sur les « #mines_vertes » , organisée en mai 2021, le ministre Matos Fernandes a insisté sur l’importance « d’aligner les intérêts de l’#économie et de l’#industrie en général avec ceux des communautés locales », pour qu’elles perçoivent des « bénéfices mutuels . Pour y remédier, le directeur général de Savannah, #David_Archer, a assuré qu’il tâchera de recycler l’#eau utilisée sur place, qu’il investira près de 6 millions d’euros pour construire une #route de contournement du village, qu’il créera 200 #emplois_directs, ou qu’il versera des #fonds_de_compensation de 600 000 euros par an pour les communautés affectées par la mine. Sans parvenir à convaincre les habitants de Covas, dont le village est parsemé de graffitis clamant « #Nao_a_minas » (« non aux mines »).

      « Pas de #sulfure »

      « Il y a toujours des impacts, mais si le projet est bien bâti, en utilisant les dernières technologies pour le traitement et l’#exploitation_minière, elles peuvent être très acceptables, estime l’ingénieur Antonio Fiuza, professeur émérite à l’université de Porto. L’avantage est que les roches qui renferment le lithium sont des #pegmatites qui ne contiennent pas de sulfures, ce qui rend le risque de #contamination de l’eau très limité. » Selon ses calculs, si l’intégralité des réserves connues de lithium du Portugal est exploitée, elles pourraient permettre la construction de batteries pour 7,5 millions de véhicules électriques.

      « Pour nous, un projet si grand pour un si petit territoire, c’est inconcevable. Nous sommes tous des petits fermiers et il n’y a pas d’argent qui compense la destruction des montagnes », résume Aida Fernandes. Ses deux jeunes enfants sont scolarisés à Boticas, à une vingtaine de kilomètres de là. Il n’y a que quatre autres enfants à Covas do Barroso, un hameau sans école, ni médecin. « Il y a bien sûr des problèmes dans les villages de l’intérieur du pays, mais les mines ne peuvent pas être une solution, dit Nelson Gomes, porte-parole de la plate-forme Unis en défense de Covas do Barroso. On n’est pas des milliers ici et personne ne voudra travailler dans des mines. Des gens viendront d’ailleurs et nous, on devra partir. Quand les cours d’eau seront déviés et pollués, les terres agricoles détruites et que la mine fermera, douze ans plus tard, que se passera-t-il ? Ils veulent nous arracher un bras pour nous mettre une prothèse... »

      https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/02/04/la-fievre-du-lithium-gagne-le-portugal_6112250_3234.html

      #lithium #Portugal #mines #extractivisme
      #green-washing #Europe