• Dans la Drôme, une découverte bouleverse l’histoire du peuplement de l’Europe par « Homo sapiens »
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/02/09/dans-la-drome-une-decouverte-bouleverse-l-histoire-du-peuplement-de-l-europe

    Selon une étude publiée dans « Science Advances », une population « sapiens » se trouvait dans l’ouest de l’Europe il y a déjà cinquante-quatre mille ans, soit une douzaine de millénaires plus tôt que la date communément admise dans cette partie du continent, alors occupée par les néandertaliens.

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    L’histoire était entendue : il y a quarante mille à quarante-cinq mille ans, venu du Proche-Orient, Homo sapiens s’aventurait pour la première fois en Europe où il allait évincer les indigènes d’alors, les néandertaliens. Si grand remplacement il y a eu dans nos contrées, c’est bien celui-là. Cette arrivée des humains modernes, qui marque le début du paléolithique supérieur, se lit avant tout dans leur production de pierres taillées, connue sous le nom d’aurignacien, laquelle succède au moustérien de Neandertal. Une population en supplante une autre, voilà qui est carré, limpide. Mais une équipe internationale conduite par des chercheurs français vient bouleverser la simplicité de cette chronologie avec une étude parue mercredi 9 février dans Science Advances : elle montre, grâce à la découverte d’une dent dans une grotte de la Drôme, qu’une population sapiens nettement plus ancienne se trouvait dans l’ouest de l’Europe, plus précisément dans la vallée du Rhône, il y a déjà cinquante-quatre mille ans.
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    Des soupçons, Ludovic Slimak, chercheur au CNRS et premier auteur de l’article, en avait depuis de nombreuses années. Ils lui venaient d’une poignée de sites à cheval sur Drôme et Ardèche, pour la plupart fouillés entre 1870 et 1950, où l’on distinguait, en pleine période néandertalienne, une industrie lithique à nulle autre pareille. « Dans ma thèse, en 2004, je relevais qu’on avait une anomalie technique, une production standardisée, en série (les mêmes à 1 millimètre près), de petites pointes. Or la production en série et la standardisation, on ne les trouve pas chez Neandertal. » Titulaire de la chaire de paléoanthropologie au Collège de France, Jean-Jacques Hublin (qui n’a pas participé à l’étude de Science Advances) confirme ce caractère très particulier de cette production dite néronienne, nommée ainsi en référence à la grotte de Néron, dans l’Ardèche : « Ce néronien est une industrie un peu bizarre, très localisée du point de vue géographique et inconnue ailleurs. »

    Inconnue ailleurs, vraiment ? En 2016, Ludovic Slimak se rend à Harvard avec sa collègue et compagne Laure Metz (cosignataire de l’article). Objectif : étudier la collection d’objets en pierre taillée retrouvés sur le site libanais de Ksar Akil, occupé par des sapiens comme en attestent des restes humains. « Avec ses 23 mètres d’épaisseur, le gisement de Ksar Akil est un peu une cathédrale du début du paléolithique supérieur, précise Ludovic Slimak. Quand j’ai ouvert les tiroirs, je me suis assis : ce que j’avais devant moi, c’étaient exactement les pointes du néronien. »

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