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  • Israël ne peut plus enterrer le massacre de Tantura
    Ilan Pappe | Samedi 5 février 2022 | Middle East Eye édition française
    https://www.middleeasteye.net/fr/opinionfr/palestine-israel-massacre-tantura-nakba-crime-pappe-katz-histoire

    Un mausolée sur une plage construit sur les ruines de Tantura le 25 janvier 2022 (AFP)

    (...) L’étudiant, Teddy Katz, souhaitait poursuivre l’exploration de 1948 pour son mémoire de maîtrise ; je lui proposai alors d’écrire une micro-histoire des villages touchés par la Nakba. Il en choisit cinq au sud de Haïfa et sur la côte méditerranéenne. Je refusai d’être son superviseur car j’étais déjà en désaccord avec l’université sur la façon d’enseigner et de rechercher l’histoire de la Palestine ; il choisit donc deux superviseurs traditionnels.

    La thèse reçut une note exceptionnellement élevée, et son quatrième chapitre révéla à l’aide de documents et d’entretiens réalisés avec des soldats et des Palestiniens qu’en mai 1948, l’armée israélienne avait perpétré un massacre dans le village de Tantura, au sud de Haïfa - un crime de guerre qui avait échappé à la plupart, mais pas à la totalité, des récits historiques connus jusqu’alors sur la Nakba.

    Son travail se basait sur 60 heures d’entretien sur Tantura et des documents montrant qu’environ 200 villageois avaient été abattus de sang-froid ou tués par des soldats en colère qui avaient saccagé le village en réponse à la mort d’environ huit de leurs camarades. Les exécutions étaient décrites en détail par des témoins oculaires juifs et palestiniens et évoquées dans les documents, lesquels évoquent également des fosses communes creusées près d’un cimetière où se trouve aujourd’hui un parking rattaché au kibboutz construit sur les ruines de Tantura.

    La pression monte

    Katz n’était pas obligé d’enregistrer ses interviews, mais il les partageait avec qui voulait les écouter, moi y compris – et j’ai toujours les copies de l’ensemble des 60 heures. Ces mêmes soldats qui avaient avoué avoir commis le massacre furent horrifiés d’apprendre qu’un journaliste avait trouvé la thèse de Katz intéressante et publié ses conclusions dans le quotidien Maariv. Sous la pression d’autres anciens combattants et avec l’aide d’un avocat étroitement lié à l’université, ils saisirent la justice et nièrent les preuves qu’ils avaient fournies, poursuivant Katz pour diffamation.

    Ce dernier fut invité par les autorités universitaires à remettre ses enregistrements, ce qui fut sa première erreur : il n’était pas obligé de le faire. Sur la base des enregistrements et de quelques divergences insignifiantes entre les entretiens et leur transcription dans la thèse – il y avait six cas de ce type sur des centaines de citations –, les anciens combattants poursuivirent Katz, et l’université annonça son refus de défendre son excellente thèse.

    Puis, une tragédie grecque se déroula. Sous la pression de sa famille et après une expérience éprouvante au cours de la première journée d’audience, Katz fut convaincu d’écrire une confession stalinienne où il prétendit avoir délibérément faussé la vérité sur Tantura. Il le regretta quelques heures après, mais il était trop tard – et ce qui allait suivre était inévitable.

    Le tribunal le força à payer les frais des poursuites judiciaires et il devint un paria dans son propre kibboutz. L’université exigea une nouvelle thèse, qu’il rédigea, ajoutant des preuves encore plus solides du massacre. S’il parvint à décrocher son diplôme, il reçut une note inférieure et sa thèse fut retirée de la bibliothèque. Sans surprise, confronté à autant de pressions, il subit deux accidents vasculaires cérébraux, et aujourd’hui, cet homme autrefois énergique est en fauteuil roulant. (...)

    #Tantoura