• Le manque d’accès à la naturalisation épinglé par le Défenseur des droits
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    Le manque d’accès à la naturalisation épinglé par le Défenseur des droits
    Un rapport rendu public mardi 22 février pointe les délais longs de plusieurs années et l’arrêt inopiné du dispositif de naturalisation des travailleurs en première ligne contre le Covid-19.
    Ils sont plus de 17 000 à avoir obtenu la nationalité française depuis la fin de 2020. Ces travailleurs étrangers se sont illustrés pendant la pandémie. « Ils tenaient le pays à bout de bras », a souligné, le 15 février sur BFM-TV, la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa, qui a défendu leur naturalisation. Dans une circulaire du 14 septembre 2020, elle avait ainsi dit aux préfets que « les dossiers d’accès à la nationalité des personnes ayant contribué activement, en première ligne, à la lutte contre la Covid-19, notamment des personnels de santé, pourront voir leur traitement accéléré et facilité ».D’après les données du ministère de l’intérieur, plus du quart des demandes remontées l’ont été au titre d’une profession médicale, 18 % relevaient de la catégorie ouvrier qualifié, et 11 % de celle des services à la personne. Les premiers pays d’origine des demandeurs sont l’Algérie, le Maroc, le Cameroun et la Tunisie.
    Dans un rapport rendu public mardi 22 février, le Défenseur des droits salue l’initiative mais regrette que le dispositif ait été « écourté sans préavis » dès le 15 juillet 2021, alors que les personnes devaient pouvoir déposer leur demande jusqu’au 15 septembre 2021. « Des gens étaient en train de préparer leur dossier quand le ministère a annoncé sans délai que c’était fini, souligne Madeleine Jayle, juriste au DDD. Cela a fragilisé les droits des usagers. » En outre, « le dispositif n’a pas été sécurisé par une circulaire ou instruction, accessible au public ».
    Sollicité, le ministère de l’intérieur justifie l’arrêt prématuré du dispositif par une baisse de qualité des demandes : « Il y avait de plus en plus de dossiers de moins en moins éligibles », résume-t-on place Beauvau.Dans le rapport de l’autorité indépendante, c’est l’ensemble de la procédure de naturalisation qui est passée au crible. Ce choix résulte du fait qu’en cinq ans « plus de 5 000 personnes ont saisi le Défenseur des droits à la suite de difficultés d’accès au service public de la naturalisation ».
    « Depuis 2017, le Défenseur des droits a déjà formulé des recommandations claires, mais nous avons continué à recevoir plus de mille saisines en 2020, précise Mme Jayle. Ce sont des gens qui n’arrivent pas à déposer leur dossier avant des mois ou des années et des personnes dont le dossier a été déposé mais qui attendent jusqu’à quatre ans une décision. »
    Au travers de cette « attente interminable », les étrangers se retrouvent dans des situations de « grande incertitude », de « désarroi » et de « découragement » qui mettent à mal leur confiance dans l’administration, notent les auteurs.L’administration fait preuve d’un « manque de transparence » selon le Défenseur des droits : le nombre de demandes en cours de traitement ou déposées chaque année n’est pas rendu public, pas plus que les délais subis par les usagers avant de pouvoir faire enregistrer leur demande. Une fois qu’ils y parviennent, le délai d’instruction ne doit pas dépasser, en théorie, douze à dix-huit mois. En pratique, de nombreuses préfectures entament l’étude des dossiers vingt-quatre, voire trente-six, mois après leur dépôt et « aucune conséquence n’est tirée du non-respect des délais légaux par l’autorité publique ».Le Défenseur des droits voit dans ces « défaillances » le résultat d’un « engorgement des services préfectoraux », dotés de moyens insuffisants, et affirme que la dématérialisation en cours des procédures ne débouche pas moins sur une impasse, faute de rendez-vous disponibles.Les difficultés décrites en matière de naturalisation font écho à celles rencontrées par les étrangers pour d’autres procédures en préfecture, telles que les demandes de titres de séjour.En 2021, plus de 94 000 personnes ont acquis la nationalité française – ces chiffres n’incluent pas les déclarations de nationalité faites auprès du ministère de la justice. Dans la majorité des cas, la délivrance de la nationalité relève d’un pouvoir discrétionnaire de l’administration. L’acquisition de la nationalité par déclaration, qui bénéficie à des conjoints, des enfants ou des fratries de Français, n’a compté que pour moins de 19 000 personnes en 2021.Plus de trois cents organisations, parmi lesquelles la Cimade, la Fondation Abbé Pierre et la Fédération des acteurs de la solidarité, devaient rendre public, mardi 22 février, un manifeste pour « un service public plus humain et ouvert ». Les signataires regrettent que l’administration, en particulier les services « étrangers » des préfectures, les caisses d’assurance-maladie ou d’allocations familiales, s’éloigne des publics les plus précaires faute d’accueil physique proposé en suffisance en regard des solutions numériques et faute d’accompagnement et de conseil.

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