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  • Comment Chypre et les Pays-Bas protègent la Russie des sanctions mondiales | Alternatives Economiques
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    Parmi les sévères sanctions économiques adoptées par de nombreux pays à l’égard de la Russie, on trouve le gel des avoirs des oligarques russes. L’effectivité de ce type de sanctions réclame de pouvoir identifier la localisation de leurs placements, dissimulés derrière des sociétés écrans. Le meilleur moyen pour commencer est de repérer les pays ouverts aux investissements russes. Les différents leaks sur les paradis fiscaux ont particulièrement pointé du doigt un pays membre de l’Union européenne : Chypre.

    Un regard sur les statistiques de la banque centrale de Russie permet de se rendre compte à quel point ce territoire sert les intérêts financiers des oligarques. La petite île ne reçoit rien de moins que la moitié des investissements à l’étranger des Russes ! En retour, un tiers des investissements mondiaux en Russie provient de Chypre.

    Des données bien évidemment totalement artificielles. D’un côté, elles dissimulent les destinations ultimes des placements des oligarques russes. De l’autre, elle masquent les véritables investisseurs étrangers, qui souhaitent rester discrets quant à leur implication dans l’économie russe.

    Et cela ne s’arrête pas là : sans même inclure le Royaume-Uni dans la liste – alors qu’on sait que la City représente une terre d’accueil de l’argent des oligarques –, un peu plus de 70 % des flux d’investissement entrants et sortants de Russie passent par les paradis fiscaux. Si l’on inclut le Royaume-Uni, on arrive aux trois quarts des flux sortants et à 80 % des flux entrants.

    Une enquête d’Al Jazeera a montré en 2020 que plus de 1 000 personnalités russes ont acheté un passeport chypriote, leur donnant la nationalité européenne. Parmi ces personnes, on trouve d’anciennes ou actuelles élites économiques et politiques. L’obtention de ce genre de passeport leur ouvre un accès facilité à tous les marchés financiers européens.

    Mais cela va plus loin. En effet, l’échange automatique d’information fiscale mis en place depuis 2014 oblige à informer les autorités du pays d’origine de toute transaction réalisée par un non résident. Mais avec passeport chypriote, lorsqu’un riche Russe va réaliser des transactions financières à partir de Chypre, c’est le fisc chypriote qui va recevoir les informations dont il s’empressera de ne rien faire.

    L’UE doit balayer devant sa porte

    On a bien entendu les autorités européennes et le président de la République française, qui préside en ce moment le Conseil européen, déclarer avec des trémolos dans la voix leur volonté de soutenir l’Ukraine et de frapper au portefeuille les oligarques russes. Il leur faudra, pour être crédible, balayer devant leur porte. En remettant en cause publiquement le comportement de Chypre, tête de pont de la dissimulation de l’argent caché russe. Mais sans oublier non plus les Pays-Bas, qui n’arrivent pas très loin derrière.

    On sait depuis longtemps que le pays est un offreur d’opacité financière. Le président Emmanuel Macron a terminé son discours du 2 mars en appelant à faire de l’Europe une puissance mondiale, en particulier une puissance économique. Elle ne pourra rêver y parvenir qu’en faisant chez elle le ménage financier, en n’acceptant plus les comportements de parasites fiscaux et financiers qu’elle a trop longtemps tolérés en son sein.