Ukraine : « La guerre ramène les vieux stéréotypes avec les hommes courageux et les femmes en pleurs »
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Alors que les féministes ont toujours espéré que l’éducation des filles, et celle des garçons, ferait disparaître les conflits armés, les guerres balaient les changements de mentalité et nous « renvoient au monde d’avant » regrette, dans une tribune au « Monde », l’écrivaine Geneviève Brisac
Tribune. Dans une nouvelle de 1920 intitulée Une Société, Virginia Woolf (1882-1941) met en scène quatre jeunes filles décidées à en finir avec l’irresponsabilité politique, artistique, technique et intellectuelle de générations de femmes qui se sont consacrées à la reproduction de l’espèce et ont laissé modestement aux hommes le soin de la marche du monde.
Elles forment une société secrète, un club de questionneuses qui est chargé d’enquêter sur les lieux du pouvoir et les méthodes de son exercice. Chacune part inspecter un territoire. La première pousse la porte de bureaux directoriaux, la deuxième s’occupe des palais de justice, la troisième visite des universités, la quatrième sonde les arts et la littérature. Elles rient beaucoup. Elles se moquent un peu. Elles deviennent des anthropologues de la domination masculine.
Leurs recherches s’affinent. Elles reviennent pleines d’admiration pour l’ingéniosité, l’inventivité technique, l’intelligence et le courage des hommes. Ils n’ont pas produit que de bons livres, loin de là, ils sont méprisants, frimeurs et affamés d’honneurs ridicules, mais elles sont heureuses de chanter leurs louanges – les femmes adorent chanter les louanges des hommes, l’inverse est moins avéré –, même si ce qu’elles ont observé, l’esprit de compétition, la violence, l’irrésistible pulsion productive, les inquiète. Et je les comprends.
Le retour des clichés ancestraux
Et puis l’inattendu se produit. La guerre éclate. Et leur joyeux optimisme vole en éclats. Nous périrons, dit Cassandra très sombre, asphyxiées par cette activité inarrêtable. Car la guerre balaie les changements de mentalité, les libertés, les audaces des utopies, la fraternité. La guerre et ses destructions ramènent les vieux stéréotypes. C’était il y a cent ans et beaucoup de choses ont changé. Aucun doute là-dessus. Mais pas celles-là.
Geneviève Brisac
Ecrivaine