L’Inde prête à acheter du pétrole russe à des prix attractifs

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  • L’Inde prête à acheter du #pétrole russe à des prix attractifs

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    Soumise aux sanctions, la Russie a un besoin vital de vendre son pétrole et son gaz. L’Inde, qui dépend à 80% des importations pour sa demande d’or noir, pourrait être un client intéressé par un prix attractif ce qui lui permettrait de limiter la hausse de sa facture d’énergie alors que l’inflation est déjà à 6%.

    Si la Chine s’est abstenue lors du vote de la résolution condamnant l’invasion militaire russe en Ukraine, un autre géant asiatique a adopté la même position : l’Inde. Elle est une alliée de la Russie, qui est son principal fournisseur d’armements. Mais elle pourrait prochainement devenir aussi une cliente de ses matières premières, notamment le pétrole et les engrais.

    Un système roupie/rouble

    Depuis que la #Russie est soumise à un ensemble de sanctions économiques imposées par le camp occidental, notamment son exclusion du système Swift, Moscou cherche de nouveaux débouchés, en particulier pour ses matières premières. Ainsi, selon des sources citées par l’agence Reuters, la Russie a proposé à L’Inde de lui vendre du pétrole et d’autres produits de base avec une décote - sans préciser l’ampleur ni le volume -, à condition de pouvoir réaliser la transaction en utilisant un système roupie/rouble. Une fois, les détails techniques réglés, l’affaire devrait se conclure rapidement.

    « Le mois dernier, Indian Oil Corporation (IOC), le plus grand raffineur indien, avait acheté environ 3 millions de barils de brut Oural russe dans le cadre d’appels d’offres au comptant, profitant des remises offertes dans un contexte de hausse de la demande de produits. Toutefois, le 1er mars 2022, IOC a annoncé qu’il cesserait d’acheter du brut russe sur une base FOB (Free of board, prix auquel il faut ajouter le transport, les taxes et les assurances), en raison des risques d’assurance », notent Bassam Fattouh, Andreas Economou and Ahmed Mehdi, analystes au Oxford Institute for energy studies, dans un rapport intitulé : « Crise Russie-#Ukraine : les conséquences pour le marché pétrolier mondial ».

    Les pays européens continuent à acheter du gaz russe

    De fait, à ce jour, rien n’empêche un pays d’acquérir du pétrole et du gaz en provenance de Russie. C’est d’ailleurs ce que font tous les jours les pays européens, notamment l’#Allemagne et l’Italie, qui achètent du gaz à #Gazprom - un peu plus de 109 millions de m3 par jour, selon la compagnie russe -, en attendant de trouver une alternative, ce qui risque de prendre quelques mois.

    Pour l’Inde, acheter du pétrole à un meilleur prix répond d’abord à ses propres intérêts. Alors que gaz naturel, charbon thermique et brut sont à des niveaux de prix historiquement élevés, même si le cours du baril de brut aux Etats-Unis, le WTI, perdait lundi plus de 7%, pour évoluer autour des 100 dollars, les achats indiens de brut russe décoté permettront de contenir la facture d’énergie.

    Car comme le montrent les experts de Goldman Sachs qui ont étudié dans une note différents scénarios sur la façon dont les pays consommateurs s’adapteraient selon le prix du brut (avec un cours du baril de Brent 100 dollars, 150 dollars et 200 dollars) en fonction du prix local de l’essence et de l’intégration de plusieurs critères (consommation, taxes...), l’Inde est l’un des pays les plus mal placés. Selon les calculs de Goldman Sachs, un prix du baril à 100 dollars représente un coût équivalent à 5,1% du PIB (en référence au 1er trimestre 2022 ) pour l’Inde, 2% pour la Chine, et 7,1% pour le Brésil tandis que pour les Etats-Unis ce chiffre s’affiche à 3,3% du PIB, et 4,8% pour les pays européens. Si le prix du baril monte à 150 dollars, il représentera un montant équivalent à 6,2% du PIB en Inde, à peine 2,6% pour la Chine et 8,9% pour le Brésil, 4,2% pour les #Etats-Unis et 5,8% pour les pays européens. Et dans le scénario d’un baril à 200 dollars, les écarts continuent à se creuser. La facture pétrolière représenterait dans ce cas 7,3% du PIB en Inde, 3,2% pour la #Chine, 10,6% pour le Brésil, 5,2% pour les Etats-Unis et 6,7% pour les pays européens.

    Effet d’aubaine

    Autrement dit, l’#Inde, le #Brésil et les pays européens comptent parmi les économies qui sont potentiellement les plus fragilisées par une hausse des cours du brut en raison de leurs importations. Le géant asiatique est le troisième importateur mondial de pétrole, achetant à l’international plus de 80 % de ses besoins. Or ses principaux fournisseurs sont concentrés à 67% dans le Golfe Persique, Irak en tête, suivis de l’Amérique du sud (quelque 9%), les #Etats-Unis (7,3%) et le Canada (2,7%), la Russie comptant à peine pour 2%. La perspective de pouvoir acquérir du pétrole avec une décote représente donc un effet d’aubaine.

    L’Inde pourrait donc être un nouveau débouché pour le pétrole russe. Le deal entre les deux économies émergentes est d’autant plus probable que le gouvernement de Narendra Modi doit composer avec une croissance qui ralentit, toujours freinée par la pandémie du Covid-19. Elle s’est affichée à 5,4% en 2021 par rapport à 2020, alors que le consensus tablait sur 6%. Plus inquiétant, le taux d’inflation atteint déjà à 6% et pourrait rapidement augmenter avec la flambée des prix de l’énergie.

    Une décote de 28,5 dollars par rapport au Brent

    La ristourne pratiquée par les Russes a déjà séduit d’autres acteurs. En début de mois, la « major » Shell avait acquis une cargaison de 100.000 tonnes de brut russe Oural, avec une décote de 28,5 dollars par rapport au prix du Brent, alors que les sanctions internationales commençaient à s’appliquer et les bombes à pleuvoir sur l’Ukraine. Même si Shell n’avait pas acquis directement ce brut russe mais via un négociant de matières premières, #Trafigura, un des géants du négoce international de matières premières, aussi discret que puissant, la compagnie a dû se justifier face au tollé soulevé par l’opération en publiant un communiqué la semaine dernière pour s’excuser d’avoir réalisé cette transaction et a réitéré son intention de mettre fin à toutes les activités liées à la Russie.