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  • Lettres d’Ukraine // partie 2

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    Après presque un mois de guerre, quel est l’état des relations entre le gouvernement ukrainien et les factions nationalistes ?

    Il est clair que le gouvernement de Volodymyr Zelensky, qui a pourtant fait état de tendances "pro-russes" tout au long de sa présidence, tente de naviguer prudemment dans les eaux dangereuses des pourparlers de paix. Bien que les nationalistes et les nazis ne soient pas à la tête de l’État ukrainien et n’aient jamais bénéficié d’un soutien politique important, ils se sont fermement établis dans l’armée régulière et dans diverses milices. L’invasion russe étant actuellement le plus grand vecteur de popularisation du nationalisme ukrainien et les livraisons d’armes affluant de monde entier, dans le futur, les chefs des milices pourraient être prêts à tester leur pouvoir si Zelensky venait à faiblir.

    La relation entre le nationalisme et l’État ukrainien est toutefois plus complexe. Comme tout État-nation, il tente de concilier des récits historiques contradictoires et veut rejeter toute opposition sur le plan de la démocratie en la dépolitisant. Cela finit par réduire toute singularité historique au grand récit d’une nation unie, enfin libérée de l’éternel Empire russe, sans que l’on s’interroge sur la radicalité de la « libération » en question. Bohdan Khmelnytsky, Simon Petliura et Stepan Bandera coexistent ainsi avec l’image d’Ukrainiens libérant les camps de concentration [NDLR ces derniers sont des figures clés du nationalisme ukrainien, et chacun d’eux a perpétré des pogroms anti-juifs]. Défendre uniquement le versant libéral de cet État est impossible car son maintien nécessitera la violence fasciste dès que l’ordre se verra réellement menacé. Ces derniers jours, on voit même comment la démocratie peut être rapidement suspendue et des partis interdits pour renforcer l’unité nationale dans les efforts de mobilisation.

    De plus, la stagnation économique a pour effet d’intensifier une violence exacerbée à laquelle peut se mêler un certain sadisme social. On a vu récemment des pillards être déshabillés, puis attachés à des poteaux téléphoniques en guise de punition immédiate. Le gouvernement voulant par-là s’assurer la bonne santé économique de la nation, n’a pas hésité tout bonnement à suspendre « temporairement » les droits du travail. Mais encore plus, l’usage d’une langue non ukrainienne peut aujourd’hui suffire à vous rendre suspect aux yeux des « défenseurs » du corps national.

    Contre l’histoire nationaliste, ma conception n’est pas celle de l’empathie pour la muséification des luttes passées. Elle n’est pas non plus motivée par la curiosité ou la recherche de parallèles à tout prix. Le seul parallèle entre nous et les personnes que l’État a jeté aux oubliettes de l’histoire, c’est que nous nous battons toujours pour un monde à venir et notamment contre le monde tel qu’il actuellement configuré. Tout mouvement social le remettant en question devra faire exploser les contradictions qui assurent en même temps la bonne marche de la société civile ukrainienne.

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    #Ukraine #nationalismes