Victor Vasarely, la stratégie du Multiple - Artmarketinsight

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    “L’art des privilégiés doit devenir l’art de la communauté. L’important c’est d’avoir résolu techniquement et plastiquement ce changement.” V. Vasarely

    Génie de l’illusion d’optique, Victor VASARELY (1906-1997) a inventé tout un pan de la création artistique de la seconde moitié du 20ème siècle. Depuis les premières déformations de lignes sinueuses jusqu’aux géométries polychromes aux illusions complexes, ses recherches plastiques constituent une conquête cinétique magistrale dont l’influence est immense.

    Mais avant de devenir le Père de l’Op Art que l’on connaît, Vasarely s’est engagé, un temps, dans des études de médecine à l’Université de Budapest. Il trace sa voie artistique à partir de 1927, intégrant l’Académie Poldini-Volkmann, puis l’Académie Muhëly, le “Bauhaus de Budapest” que dirige un Sándor BORTNYIK (1893-1976) tout imprégné de l’enseignement d’ALBERS et de MOHOLY-NAGY.

    Sa carrière démarre en tant que graphiste publicitaire à Budapest puis en France, où il émigre en 1930 à l’âge de 24 ans. A cette époque, ses réalisations s’attachent à la complémentarité des noirs et des blancs et à la sobriété graphique. Ces travaux des années 1930 (Échiquiers, Tigres, Zèbres, Arlequins) mettent déjà en évidence la notion de mouvement. La couleur, elle, explose véritablement plus tard.
    Un art pour tous

    L’Op Art a connu un succès phénoménal, dont un Âge d’Or dans les années 1960-70. Victor Vasarely est aussi populaire que Salvador Dali tandis que les illusions colorées d’espaces déformés s’immiscent dans la vie quotidienne de chacun, dans la décoration, la mode, les grandes enseignes ou sur les plateaux télé… bien au-delà des frontières hexagonales, en Europe, et jusqu’aux Etats-Unis.


    Album “Space Oddity” (1969) de David Bowie, pochette Vernon Dewhurst / Victor Vasarely

    « Les moins de 50 ans ne peuvent pas imaginer que, dans les années 60 et 70, la France vivait dans un décor signé Vasarely. Dans ma chambre à la moquette orange, au-dessus de mon lit, comme dans toutes les chambres d’étudiants : un poster psychédélique signé Vasarely. » (Isabel Pasquier, journaliste)

    Omniprésent, Vasarely travaille aussi sur un disque de Bowie, réalise le logo de Renault, des décors de télé de Jean-Christophe Averty, ou encore les couvertures de la collection Tel chez Gallimard dont un “Précis de décomposition” de Cioran orné d’un cube jaune psychédélique sans grand rapport avec le contenu.

    Son objectif est alors atteint. L’artiste a créé un langage artistique populaire totalement en phase avec son ambition de diffuser ce “trésor commun” qu’est l’art. Vasarely n’affirmait-il pas “c’est dans les foules qu’il faut diffuser l’art. Voilà l’espace illimité.” ?
    Multiplication des images vs marché de l’art

    Victor Vasarely a recouru à une production sérielle digne de la fabrication industrielle en chaîne, afin de concrétiser son crédo : “que mon œuvre soit reproduite sur des kilomètres de torchon m’est égal ! Je ne suis pas pour la propriété privée de création. Il faut créer un art multipliable.” C’est par cette multiplication des images qu’il a gagné son immense popularité.

    Mais à l’ultra popularité succède une forme de ringardisation de l’Op Art dans les années 1990. Sa cote pâtit alors des caprices de la mode et de l’abondante production d’images, finalement considérée comme excessive. Sur le marché de l’art, les multiples de Victor Vasarely sont jugés trop vus et une forme de lassitude s’installe vis-à-vis de son esthétique si emblématique d’une époque. Les prix chutent drastiquement dans les années 1990, certaines toiles perdant plus de la moitié de leur valeur. Le marché met 10 ans avant de se redresser mais l’œuvre de Vasarely suscite à nouveau un immense intérêt de la part de collectionneurs du monde entier. La récente rétrospective Vasarely, Le Partage des formes, présentée au Centre Pompidou en 2019 à certainement œuvré dans ce “revival”.

    Certains acteurs du marché de l’art considèrent ce regain d’intérêt comme une manifestation de l’engouement actuel pour les artistes des années 1960 à 1980, de la part d’une génération de nostalgiques. D’autres voient en l’artiste un formidable précurseur de l’avènement de l’art numérique, car il a pressenti avant tout le monde que l’art optique pouvait être engendré par une intelligence artificielle.


    Victor Vasarely, Yabla, 1961

    Quelles qu’en soient les raisons, la reprise est belle et bien là et le marché des enchères confirme régulièrement ce regain d’intérêt. En décembre dernier par exemple, une grande toile intitulée « Yabla » (1961) est partie pour 265 000$ à Varsovie (Desa Unicum, Pologne), alors qu’elle ne trouvait pas d’acheteur autour de 100000$ en 2012, chez Sotheby’s à Paris (lot 28, Yabla).

    Les variations de prix sont importantes selon les qualités plastiques et les dimensions des toiles mais aussi selon l’époque de création. Les collectionneurs recherchent en premier des œuvres antérieures aux années 1980, période après laquelle il est difficile d’affirmer si celles-ci sont véritablement de la main de Vasarely ou si elles ont été exécutées par les assistants travaillant dans son atelier. Par ailleurs, certaines toiles posent des problèmes de double datation, Vasarely ayant refait des toiles sur la base de motifs anciens. Les collectionneurs privilégient naturellement les toiles comportant une seule date plutôt que deux, pour s’assurer de posséder une œuvre unique et non un travail assimilable à une “copie” originale.

    Bien que les prix de Vasarely aient été multipliés par sept depuis 2000, l’artiste reste sous-coté au vu de son importance. Cette figure tutélaire de l’art du 20ème siècle n’a en effet jamais atteint le million de dollars aux enchères. Son record plafonne à 883 000$, bien qu’un artiste de cette envergure méritait une cote nettement supérieure. L’initiateur de l’art optique Josef ALBERS (1888-1976) culmine, lui, à 3 millions de dollars…