• « Prime Macron » à 6 000 euros : la grossière promesse d’un candidat de droite – Libération
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    6 000 euros net ? Sacrée somme. Pour un smicard, ça ne représente pas loin de quatre mois et demi de salaire net à temps plein. Autant dire que c’est une petite fortune. Et vous nous dites, Emmanuel Macron, que vous allez lui permettre, à ce smicard, de les toucher dès cet été ? C’est un peu trop beau pour être vrai, non ? De fait, oui, c’est un peu trop beau pour être vrai. Car ces 6 000 euros sont plus que théoriques.

    #paywall

    • Prime reconduite en 2020 et 2021
      Derrière cette déclaration tonitruante, il y a une ligne dans le programme du président-candidat : « Tripler la prime dite “Macron”, sans charges ni impôts. » Officiellement nommé « Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat » (Pepa), ce dispositif est né en 2019 pour répondre à la crise sociale mise en lumière par le mouvement des gilets jaunes. A l’époque, il fut permis à tout employeur privé de verser une prime allant jusqu’à mille euros, entièrement défiscalisée et exonérée de cotisations sociales, à ses salariés gagnant moins de trois fois le smic. L’exécutif estimant visiblement avoir trouvé là une martingale pour répondre aux attentes de millions de travailleurs, la prime « Macron » a été reconduite en 2020 et en 2021, mais avec une variante pour la dernière édition : toutes les entreprises sans exception peuvent verser jusqu’à 1 000 euros défiscalisés et désocialisés, mais le plafond est porté à 2 000 euros pour celles disposant d’un accord d’intéressement, pour celles comptant moins de 50 salariés ou pour celles dont la branche a entrepris une revalorisation des fameux travailleurs de la « deuxième ligne ».
      On comprend dès lors pourquoi, si Emmanuel Macron est réélu, la plupart des travailleurs ne verront jamais la couleur des 6 000 euros qu’il a fait miroiter samedi. Pour espérer toucher le jackpot, il faudra non seulement travailler pour une entreprise actuellement concernée par le plafond de 2 000 euros, mais aussi et surtout avoir un employeur qui ait envie de débourser cette somme, même exonérée de toute cotisation. Or, il est permis de douter qu’ils soient nombreux. En février, le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, a annoncé que la version 2021 avait été versée à « presque quatre millions de salariés » (un sur cinq environ dans le privé), pour un montant moyen de… 506 euros. Soit la moitié du premier plafond. Qui peut imaginer que cette somme sera miraculeusement triplée ? S’il y avait de « l’argent magique », peut-être…
      Outil de négociation salariale
      Il y a, en tout cas, un inévitable effet d’aubaine. Quand bien même le gouvernement précise que la prime « Macron » « ne peut se substituer à une augmentation de rémunération ou à une prime prévue par un accord salarial », dans les faits, bien des entreprises en ont fait un outil de négociation salariale en tant que tel. Dans une étude portant sur l’édition 2019 de la prime, l’Insee soulignait que « les salaires (hors prime exceptionnelle) ont plus faiblement progressé entre le premier trimestre 2018 et le premier trimestre 2019 dans les établissements ayant versé la prime que dans les autres ». Pour l’institut public, « ceci suggère un effet d’aubaine : […] des établissements auraient sans doute versé, sous une forme différente, au moins une partie du montant de cette prime en l’absence de cette mesure ».
      Tout cela n’est pas sans conséquence pour les comptes publics, puisque de vraies hausses de salaires se traduiraient, elles, par de nouvelles recettes sociales et fiscales. C’est pourquoi il s’agit de ne pas se tromper : contrairement à ce que suggère la formulation piégeuse d’Emmanuel Macron (« permettre aux travailleurs… »), sa prime n’est pas une mesure pour les salariés, mais pour les patrons. C’est bien leur langage que parle le président-candidat en évoquant les « charges ». Et c’est toute une défiance envers la protection sociale et la solidarité nationale qu’il alimente aux côtés de ses concurrents de droite et d’extrême droite en faisant croire aux travailleurs que c’est par la faute des cotisations et des impôts que leurs salaires sont trop faibles.