Le rapport de l’IGAS et de l’IGF détaille les difficultés à contrôler les Ehpad du groupe, qui a mis en place des protocoles pour enjoliver la situation de ses établissements auprès des autorités. Il souligne aussi le peu d’enthousiasme des agences régionales de santé pour prononcer de réelles sanctions.
Comment les graves dysfonctionnements au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) du groupe Orpea ont-ils pu échapper, des années durant, à la vigilance des autorités sanitaires françaises ? Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF), rendu public mardi 5 avril par le gouvernement, apporte une série de réponses à cette question, qui pourraient se résumer en deux points : une volonté de dissimulation de la part du groupe ; mais aussi un certain manque de zèle dans l’application de recommandations des autorités [car sinon, rassurez-vous, les contrôles sont sérieux : ]
Pour les besoins du rapport, les inspecteurs de l’IGAS et de l’IGF ont épluché 42 comptes rendus de contrôles précédents effectués dans des établissements Orpea. Ceux-ci sont peu nombreux. Les agences régionales de santé (ARS) ont effectué 64 missions d’inspection dans des établissements du groupe entre 2018 et 2021, soit 2,3 % du total des contrôles menés par les ARS dans des Ehpad. Un chiffre qui correspond peu ou prou à la part des établissements Orpea dans le paysage des maisons de retraite, explique le rapport, qui assure aussi que la crise du Covid-19, a fait baisser de près de moitié les inspections en 2020 et 2021. Sur les 64 contrôles effectués au sein du groupe Orpea, seuls 11 % ont été menés de façon _« inopinée », donc sans prévenir l’établissement à l’avance, une proportion jugée « trop basse » par les rapporteurs.
« Actions correctives »
Le rapport souligne également la carence généralisée des contrôles par les conseils départementaux [qui ont déjà plein de "suivis" de RSAste à effectuer, hein, faut pas pousser, ndc] pourtant des interlocuteurs privilégiés des Ehpad, dont ils financent une partie de l’activité : « Leurs moyens de contrôle sont, sauf exception, très limités et leur investissement dans ces derniers souvent ponctuels, et imbriqués dans les relations de routine, les mêmes agents pratiquant parfois les visites à des fins de vérification et gérant les relations générales avec les établissements. » [lors de rdv au restaurant, ndc] Le rapport est tout aussi sévère avec les contrôles internes menés par le groupe, jugés insuffisants, tout comme son « plan d’actions qualité », un outil interne destiné en théorie à répondre à des insuffisances constatées, mais qui est en pratique peu utilisé.
Lorsque les contrôles externes ont lieu, ils se heurtent à un « manque de transparence » du groupe [digne du gouvernement et de HSBC], qui a mis en place une stratégie globale pour leur répondre. Elle passe par « des fiches réflexes » émises par le siège, « indiquant les actions à mener » en cas de contrôle, pour « mobiliser immédiatement la chaîne hiérarchique » et « assurer sa présence sur place pendant les investigations » [afin de promner les inspecteurs aux environs], mais aussi, note le rapport, pour interdire la diffusion de certains éléments, comme le budget interne, au moins le temps de mettre en place des « actions correctives » de « dernière minute » – comme la venue de salariés supplémentaires le temps du contrôle –, qui permettent de « minimiser le risque de constats négatifs ».
Une approche corroborée par des témoignages de directeurs d’établissements recueillis par Le Monde, qui faisaient état de consignes pour « ne pas transmettre certains éléments aux inspecteurs », voire donner des chiffres enjolivés sur les effectifs. [histoire que les financeurs pensent en avoir pour leur argent] Le rapport note également, recoupant là aussi ces témoignages, le poids d’une « culture managériale » qui « encourage les postures exagérément défensives », les directeurs d’établissement ayant, en clair, peur de déplaire à leur hiérarchie s’ils donnent trop d’éléments lors des contrôles.
Mesures coercitives « peu impactantes »
Pour imparfaits qu’ils soient, les contrôles n’en mettent pas moins en avant des problèmes récurrents comme les insuffisances en matière de nutrition [ qui coûte très cher, mais ces couillons de vieux ne veulent pas boire parce qu l’eau est presque gratuite, alors des fois ils meurent], de prévention de la maltraitance, de coordination entre équipes et, surtout, de gestion des ressources humaines. Mais, relève le rapport, ces contrôles, qui peuvent prononcer des recommandations (facultatives), des prescriptions (plus pressantes) ou des injonctions (impératives sous peine de sanctions) n’ont souvent que peu de conséquences réellement pénalisantes pour les établissements. Le cas le plus notoire à cet égard est celui de l’Ehpad Les Bords de Seine, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), objet d’un rapport sévère de l’ARS en 2018, ce qui n’a pas empêché de graves dysfonctionnements, détaillés dans l’ouvrage de Victor Castanet, Les Fossoyeurs (Fayard, 400 pages, 22,90 euros), aboutissant à une plainte pour « homicide involontaire » en 2020.
Dans certains cas, note le rapport, injonctions ou recommandations ne peuvent suffire. Il prend l’exemple du manque de personnel, soulignant que les mesures coercitives en cas de défaillance sur ce point sont « peu impactantes », à la fois parce que le marché de l’emploi dans le secteur du vieillissement est très tendu, mais aussi car « la politique salariale, qui pourrait constituer une réponse efficace » en rendant les métiers plus attractifs, « dépend assez largement de la direction générale » et non de chaque établissement. Or « une ARS ne dispose pas de réels leviers d’intervention en la matière » [et qu’elles n’ont pas encore appris à faire la manche à la télé ou ailleurs].
Mais, dans d’autres cas, la recommandation ou la prescription ne sont tout simplement pas suivies d’effets : « Les suites données aux contrôles des ARS sont inégales et révèlent fréquemment une persistance des écarts rencontrés précédemment », écrivent les rapporteurs, qui prennent neuf exemples d’Ehpad ayant subi deux inspections, mais n’ayant pas tenu compte des recommandations de la première à la date de la seconde. Une fois encore, le manque de personnel est le domaine où les recommandations sont le moins souvent suivies. Dans d’autres cas, certains points problématiques ont bien été corrigés à la suite d’une inspection, mais seulement temporairement, puisqu’ils réapparaissent lors d’un autre contrôle inopiné quelques années plus tard.
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