• Lettre ouverte suite à l’occupation de l’EHESS
    https://blogs.mediapart.fr/gwdkbl/blog/270422/lettre-ouverte-suite-l-occupation-de-l-ehess

    Loin d’être un lieu ouvert, le Campus Condorcet, qui est un partenariat public-privé, s’inscrit dans ces logiques néolibérales et sécuritaires. C’est un grand projet de spéculation immobilière, de gentrification et d’éloignement des classes populaires. Sur le Campus Condorcet, les personnels de la bibliothèque étudiante reçoivent des formations de « sensibilisation à la sureté » les incitant à l’identification et au signalement d’individus soi-disant « radicalisés » sur la base de critères tels que les « changements physiques, vestimentaires et alimentaires », le « rejet de l’autorité et de la vie en collectivité », le « rejet de la société et de ses institutions (école, etc.) », le « passage soudain à une pratique religieuse hyper ritualisée » - critères qui s’ancrent dans une politique ultra sécuritaire et islamophobe qui cible des populations musulmanes ou présumées comme telles et qui sert à empêcher toute forme de contestation de l’ordre social. Le Campus Condorcet est en lui-même un lieu de surveillance massive, de flicage et d’empêchement de tout mouvement social : caméras à tous les coins, balises, barrières, douves renforcées de barbelés et de buissons épineux (vraiment ?!), vigiles avec chiens, badges limitant l’accès à la plupart des espaces, etc.

    Ce campus, dans lequel le bâtiment de l’EHESS s’inscrit « harmonieusement », ne comporte aucun espace permettant la sociabilité étudiante, interdit toute forme d’affichage, et n’offre même pas de lieu de travail et d’étude adéquat : tous les objectifs d’une université sont empêchés par ce projet urbanistique et politique. Ce lieu n’est non seulement pas pensé pour les étudiant·es, mais il est pensé contre toute forme d’échange, de rassemblement et de mobilisation étudiante. Les équipements de l’EHESS ne sont pas accessibles à la masse des étudiant·e‧s et en cela ne sont en rien un bien commun (les étudiant·e‧s se font par exemple systématiquement refouler des « tisaneries » et salles de travail quand ils/elles tentent d’y accéder). Au-delà des équipements et des espaces, l’EHESS n’a toujours pas d’assistant·e social·e ce qui, en plus d’être tout simplement illégal, met en danger matériellement les étudiant·e‧s (attribution des aides sociales et financières, etc.). Et où était cette fameuse cellule de soutien psychologique que propose aujourd’hui la présidence pour les personnes ayant momentanément perdu un bureau quand, pendant le Covid, des étudiant·es étaient dans une profonde détresse psychologique et économique ? La présidence a-t-elle mesuré la violence psychologique de l’isolement imposé par nos conditions d’études, tout particulièrement sur ce campus ?

    Toutes ces raisons nous ont poussé·es et nous poussent encore aujourd’hui à la mobilisation et à la lutte.

    Dans les dix minutes suivant le vote de l’occupation en assemblée générale (environ 150 étudiants présents, dont beaucoup sont membres de l’EHESS), les présidences ont fait intervenir la police, ont mis en place des vigiles pour entourer le bâtiment et ont fermé les barrières et les portes électroniquement. Cette occupation se voulait ouverte et rejoignable par tous‧tes celles et ceux qui souhaitaient s’engager dans ce mouvement. Les occupant·e‧s voulaient se réapproprier ce lieu sans vie pour en faire un espace de débats et d’organisation politique. Cependant, l’encerclement du campus par les vigiles et leurs chiens s’est resserré peu à peu, jusqu’au soir du vendredi 22 avril 2022 où une des personnes qui souhaitaient nous rejoindre s’est fait mordre à la jambe par un chien débarrassé de sa muselière.

    Malgré cette répression et alors que la présidence réduit cette occupation aux dégradations commises, ce bâtiment n’a sans doute jamais autant été un lieu d’échanges politiques et de partages que lors de ces trois jours d’occupation ! Beaucoup d’entre nous ont fait davantage de rencontres à cette occasion que durant toutes leurs années d’études à l’EHESS (en particulier après les deux années de fermeture de l’établissement liées à la gestion du Covid). Alors que la presse et la présidence semblent en douter, nous tenons à préciser que nous condamnons de manière absolue tout message à caractère oppressif, et notamment les deux tags antisémites qui ont été portés à notre connaissance. L’occupation est antifasciste et condamne fermement tout acte antisémite. Nous avons effacé les symboles haineux que nous avons eu le malheur de trouver sur nos murs, et aurions effacé ceux-ci si nous les avions vus. Oui, le fascisme monte, nous le combattons.