Les loyers emportés par la pression inflationniste

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  • Les loyers emportés par la pression inflationniste

    Alors que les charges augmentent, en raison, notamment, de la hausse des prix de l’énergie, l’indice de référence des loyers, qui sert de base à la révision annuelle, a bondi de 2,49 % au premier trimestre. Du jamais-vu depuis 2008.

    Les nuages s’accumulent au-dessus des locataires. Leur pouvoir d’achat a d’abord été entamé, en 2021, par l’envolée des prix de l’énergie, surtout du gaz. Pour désamorcer les colères, le premier ministre, Jean Castex, a, dès octobre 2021, instauré le « bouclier tarifaire », un blocage des prix à leur niveau du 1er octobre 2021 jusqu’au 1er juin 2022, soulageant ainsi 11 millions d’usagers individuels abonnés au tarif réglementé.

    Mais 5 millions de ménages chauffés, eux, par une installation collective, en HLM ou en copropriété, étaient oubliés et n’ont bénéficié de l’extension dudit bouclier qu’à partir du 1er février. En outre, avant le 1er octobre 2021, les tarifs du gaz avaient tout de même déjà augmenté de 45 % en un an. Quant au prix de l’électricité, sa hausse est aussi, à partir du 1er février, plafonnée à 4 % par rapport aux tarifs d’octobre 2021.

    Qu’il s’agisse de gaz ou d’électricité, seuls les abonnés aux tarifs dits « réglementés » bénéficient de ces mesures – pas les clients des fournisseurs alternatifs. C’est le cas, par exemple, des 15 000 locataires de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), dont le bailleur avait opté pour le fournisseur E-Pango qui, défaillant, a rompu unilatéralement ce contrat en décembre 2021, obligeant la RIVP à trouver un remplaçant appliquant, lui, les prix de marché.
    Conséquence : les charges de chaque locataire vont augmenter de 40 euros par mois en moyenne – une hausse que la RIVP étalera sur deux ans pour la rendre moins brutale. « Beaucoup de bailleurs sociaux ont déjà relevé les provisions pour charges, afin d’éviter une régularisation trop douloureuse en fin d’année », observe Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement, première association de locataires HLM. Le gouvernement tablait sur un retour à des tarifs plus « normaux » d’ici à l’automne, un scénario que la guerre en Ukraine perturbe.

    Vers un gel des loyers ?

    Mais les locataires s’exposent à une autre mauvaise nouvelle à l’occasion de la révision annuelle de leur loyer. Les contrats en cours dans les parcs privé comme social sont indexés sur l’indice de référence des loyers (IRL), dont la dernière valeur, celle du premier trimestre 2022, publiée le 18 avril par l’Insee, a bondi de 2,49 % – du jamais-vu depuis 2008.

    Et ce n’est qu’une étape, puisque l’IRL est composé à 100 % de l’indice des prix à la consommation hors tabac et hors loyers sur la moyenne des douze derniers mois. Or cet indice a augmenté de 4,5 % en mars. L’IRL n’est donc pas près de décélérer, même si les bailleurs peuvent vouloir faire preuve de modération et ne pas le répercuter en totalité. Toutefois, selon M. Jacquemart, « le gouvernement devra songer, en 2023, à un gel des loyers ».

    Pour les nouveaux locataires qui signent un bail, la conjoncture n’est guère meilleure, car la tension sur les loyers, dans les centres-villes et les zones touristiques, est remontée depuis la fin de la crise sanitaire. Selon l’agence Lodgis, filiale de Foncia, spécialiste de la location meublée, « les loyers repartent à la hausse dans la capitale, au rythme de 5,8 % par an, avec le retour des locataires européens et des étudiants. Le loyer moyen par mètre carré atteint 36,76 euros, et même 40 euros dans le centre de Paris », est-il précisé dans son communiqué du 21 avril. Tous ces locataires adoptent le « bail mobilité » – un contrat de location de courte durée d’un logement meublé, de six mois maximum.

    Le dispositif de plafonnement des loyers renforcé

    Deux modestes mesures gouvernementales récentes pourraient cependant amoindrir la flambée, au moins dans les villes qui ont adopté le dispositif de plafonnement des loyers : Paris, Lille, Lyon et Villeurbanne, les communautés de communes Plaine Commune (au nord de Paris) et Est-Ensemble (à l’est), qui seront bientôt rejointes par Bordeaux et Montpellier. Les annonces de locations émises par les agents immobiliers dans ces secteurs doivent, depuis le 1er avril – et sans doute à partir du 1er juin pour les particuliers – préciser le loyer de référence.

    La seconde mesure permet à ces villes d’appliquer, en lieu et place du préfet, les sanctions en cas de non-respect de l’encadrement des loyers – des amendes administratives pouvant aller jusqu’à 5 000 euros pour un bailleur personne physique et à 15 000 euros pour un bailleur personne morale. Cette délégation d’un pouvoir de sanction aux villes devrait améliorer l’efficacité du dispositif, jusqu’ici non respecté par 30 % à 50 % des bailleurs, voire encourager son adoption ailleurs.

    Mise à jour le 28 avril à 15 h 05 : correction de la composition de l’indice de référence des loyers (100 % de l’indice des prix à la consommation hors tabac et hors loyers).

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/04/28/les-loyers-emportes-par-la-pression-inflationniste_6123968_3224.html

    #logement #loyers