Réforme au Quai d’Orsay : la diplomatie française appelée à faire grève

/reforme-au-quai-d-orsay-la-diplomatie-f

  • Macron et le corps diplomatique : mort au Quai !

    https://www.mediapart.fr/journal/france/160522/macron-passe-la-diplomatie-francaise-la-sauce-liberale

    « Jusqu’à la présidence de Jacques Chirac, explique un ancien pilier du Quai aujourd’hui à la retraite, il y avait à l’Élysée un réel respect pour les diplomates. Sans endosser toujours leurs points de vue, on reconnaissait leur compétence et leur expertise. Et leur opinion contribuait, comme d’autres sources d’information, à éclairer la décision politique. Nicolas Sarkozy, en revanche, nourrissait une méfiance parfois méprisante à l’égard des diplomates. Et ne faisait confiance qu’à un cercle de conseillers très proches et pas toujours politiquement désintéressés. »

    [...]

    Est-ce donc aussi pour limiter le pouvoir d’un corps diplomatique sans indulgence pour ses choix, ses méthodes, ses maladresses et ses échecs sur la scène internationale qu’Emmanuel Macron – qui ne nous a pas habitués à des excès de lucidité et de modestie – veut aujourd’hui le condamner à l’« extinction » ?

    • La cellule diplomatique de la présidence, destinée à l’origine à préparer les grands rendez-vous et éclairer les décisions du chef de l’État, incarne en fait, depuis une quinzaine d’années, la migration de l’initiative, en matière de politique étrangère, du Quai d’Orsay vers l’Élysée. Et cristallise l’animosité qui s’est installée entre les deux rives de la Seine.

      Soumise aux élans, coups de tête, coups de gueule et coups de com’ d’un président aux prises avec des priorités changeantes et, parfois, un ego encombrant, la cellule a vu ses effectifs croître en même temps que se développaient son autonomie de décision et une hubris qui provoque des désertions jusqu’au sein de ses propres rangs.

      Forte d’une quinzaine de diplomates sous Sarkozy et d’une douzaine sous Hollande, elle en a déjà vu passer plus de trente, triés sur le volet par le président, depuis cinq ans. « Le paradoxe, constate un retraité du Quai, c’est que la montée en puissance de cet outil diplomatique du président n’a pas été accompagnée d’un développement de la culture historique et géopolitique de l’entourage présidentiel et du président lui-même. Emmanuel Macron n’aurait jamais abordé l’affaire libanaise comme il l’a fait s’il avait eu une connaissance sérieuse de l’histoire du Liban, ou écouté ceux au Quai d’Orsay qui en disposent. »

      « C’est indiscutable, confirme Yves Aubin de la Messuzière, ancien directeur d’ANMO, arabisant érudit et excellent connaisseur du Moyen-Orient après avoir été en poste dans une demi-douzaine de capitales arabes. Son emportement montre qu’il n’avait rien compris au Liban. Beyrouth n’est pas une capitale de la Françafrique où Paris peut imposer son choix en quelques coups de fil. La politique libanaise est beaucoup plus compliquée, surtout lorsqu’on a peu de moyens de pression sur les protagonistes. Le pays est ancré dans une histoire spécifique et la géopolitique est au cœur de son identité depuis sa création. Méconnaître cette réalité ne pouvait conduire qu’à de graves déconvenues. »

      Est-ce donc aussi pour limiter le pouvoir d’un corps diplomatique sans indulgence pour ses choix, ses méthodes, ses maladresses et ses échecs sur la scène internationale qu’Emmanuel Macron – qui ne nous a pas habitués à des excès de lucidité et de modestie – veut aujourd’hui le condamner à l’« extinction » ? Et verser ses membres – les diluer ? – dans un vivier d’« administrateurs de l’État » interchangeables, issus d’autres ministères, du monde politique, du vaste cercle de ses amis et obligés et du milieu des affaires ?