• « Oussekine ». Quand Disney noie un crime policier - Rafik Chekkat
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    L’histoire de Malik Oussekine, c’est une histoire française. Et ce n’est pas une belle histoire. Elle condense un certain nombre de réalités sociales et politiques dont nous demeurons les contemporains : brutalités et impunité policières, montée du Front national (FN), répression de la contestation, racisme et instrumentalisation de l’antiracisme… Cela explique en partie pourquoi Disney+ a choisi de produire cette série, les fortes attentes qui l’entourent, la déception que l’on peut ressentir après le visionnage. Par l’importance du sujet qu’elle traite, Oussekine est le type même de série qu’on aurait aimé apprécier davantage.

    Pourquoi la plateforme Disney+ s’est-elle embarquée dans cette affaire ? Évidemment Malik Oussekine incarne la victime consensuelle, un exemple d’intégration. Son meurtre ne souffre d’aucune « zone grise » : il n’avait pas bu ni fumé, n’avait pas de casier, n’a pas été abattu au bas d’une cité HLM ou lors d’un contrôle routier. Un autre argument se trouve du côté du carton retentissant de la minisérie Dans leur regard (When They See Us) d’Ava DuVernay. Mise en ligne en 2019, elle utilise elle aussi les codes des séries commerciales pour raconter le calvaire judiciaire de cinq jeunes Afro-Américains condamnés à tort pour le meurtre d’une joggeuse. Elle constitue à ce jour un des plus gros succès d’audience de Netflix.

    Mais le phénomène de récupération néolibérale des causes antiracistes, en particulier la lutte contre les brutalités policières, dépasse de loin ce cadre. De la National Basket Association (NBA) américaine transformée un temps en plateforme aseptisée pour Black Lives Matter aux productions hollywoodiennes (The Hate U Give…) en passant par la captation néolibérale des subjectivités au profit des intérêts de l’entreprise, l’époque est au mélange des genres.