« La plupart des magistrats appliquent un droit sexiste : celui des hommes d’accéder aux corps des femmes »

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  • « La plupart des magistrats appliquent un droit sexiste : celui des hommes d’accéder aux corps des femmes »

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    En France, l’écrasante majorité des violences sexuelles restent impunies. Le caractère sexiste de nos lois y est pour beaucoup. Explications avec la juriste Catherine Le Magueresse, qui conseille à nos futur.es député.es de faire évoluer le droit.

    Basta ! : Des accusations de violences sexuelles, révélées par Mediapart, ciblent le tout nouveau ministre des Solidarités Damien Abad. Une plainte contre lui a été classée « sans suite ». Au-delà de cette affaire, en France, en 2022, l’écrasante majorité des violeurs restent impunis. Pouvez-vous revenir sur les chiffres qui décrivent cette impunité ?

    Catherine Le Magueresse : La règle, en France, pour les violeurs, c’est de ne pas être puni. 1 % des viols déclarés – à ne pas confondre avec le nombre de plaintes puisque seulement 10 % des victimes portent plainte – sont sanctionnés par un procès pénal aux Assises. Soit 1500 agresseurs majeurs et mineurs par an, quand les enquêtes de victimation nous parlent de plus de 100 000 viols et tentatives de viols par an. Autrement dit : 99 % des violeurs peuvent tabler sur leur impunité.

    Notre ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti a affirmé qu’il ne voyait pas d’où venaient ces chiffres. Ce sont pourtant les chiffres d’Infostat, le service statistique du ministère. Ils sont tout à fait officiels. Cela signifie que notre ministre ne s’est jamais intéressé à la réalité des violences alors que c’est un contentieux massif ? C’est un peu comme si le ministre de l’économie ne s’intéressait pas à la dette.

    Il faut aussi rappeler le processus de sélection des plaintes : du dépôt de plainte à la condamnation, c’est comme si elles passaient dans un entonnoir. La première phase de « tri », ce sont les classements sans suite – plus de 70 % des plaintes sont classées sans suite en France. Et ce n’est pas forcément lié à une enquête sérieuse au cours de laquelle les policiers auraient entendu la victime, le mis en cause, organisé une confrontation avec l’agresseur présumé (avec l’accord de la plaignante), recherché la réitération et procédé à une enquête de voisinage.

    Au contraire. Le scénario est plutôt le suivant : on entend la victime. Monsieur nie. Trop souvent l’enquête s’arrête là. Le procureur, qui décide de classer la plainte ou de poursuivre, se retrouve à prendre sa décision à partir d’un nombre d’éléments très faibles. Sans surprise, la plupart du temps, le viol n’est pas caractérisé, ce qui signifie que l’on manque d’éléments pour affirmer qu’il y a eu un viol. Ce n’est pas étonnant au vu de la piètre qualité de l’enquête. Ce manque de caractérisation est la principale raison des classements sans suite...