Timothy Snyder : « Le but de cette guerre, détruire la nation ukrainienne »

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  • Ukraine : la future Suisse de l’Est - si elle survit | Snyder sur Mediapart | 31.05.22

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040622/timothy-snyder-le-de-cette-guerre-detruire-la-nation-ukrainienne

    Il existe des Ukrainiens qui parlent seulement le russe, d’autres qui mettent un point d’honneur à ne parler qu’ukrainien…, mais beaucoup vont et viennent entre les deux, suivant leurs besoins. Les soldats ukrainiens, par exemple, parlent russe la plupart du temps. La langue de commandement est l’ukrainien, ils utilisent l’ukrainien pour piéger le renseignement russe, mais très souvent ils parlent russe entre eux.

    Certes, du fait de la guerre, la tendance générale est de promouvoir l’ukrainien plutôt que le russe. Mais je pense que lorsque le conflit sera terminé, l’Ukraine ressemblera plutôt à la Suisse, où les gens utilisent le français ou l’allemand sans que cela signifie que ce sont des Français ou des Allemands.

    ..., si elle survit.

    Pour Timothy Snyder, l’objectif de Poutine est de détruire le peuple/nation ukrainien/e ; pour lui, l’intention est très claire, les pratiques de guerre également ; l’invasion est donc exactement un génocide, au sens légal :

    Je parle de génocide précisément dans un sens juridique. Dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, la définition du génocide s’appuie sur deux éléments : l’intention et l’action. Habituellement, c’est l’intention qui est la plus difficile à prouver.

    Dans le cas qui nous occupe, ce n’est pas difficile du tout. À la différence de la plupart des génocides passés, la Russie n’arrête pas de parler de ses intentions génocidaires. Elle le fait sans cesse, comme s’il s’agissait d’une sorte de défi lancé à l’Ouest. Quand Poutine dit qu’il n’y a pas de nation ukrainienne ou d’État ukrainien, pour les spécialistes de génocide, c’est du langage génocidaire.
    [...]
    Le pouvoir russe continue de dire ce qu’il fait. Les pratiques sont assez claires également. La déportation de femmes et d’enfants en Russie dans le but de les assimiler est une violation de l’article II section e de la Convention [...] La pratique russe de rechercher les maires, les activistes locaux, en un mot les personnes importantes pour la nation, de les kidnapper et les assassiner, c’est un génocide aussi. Le viol aussi a une dimension génocidaire.
    [...]
    On a donc des meurtres de masse, des viols de masse, des déportations de masse… et une intention sans cesse répétée d’empêcher la nation ukrainienne d’exister dans le futur.