Du dehors au dedans : des luttes « radicales et fluides » | Mediapart

/965166

  • François Bégaudeau : « Les élections ne relèvent pas de la politique »
    https://elucid.media/democratie/francois-begaudeau-les-elections-ne-relevent-pas-de-la-politique

    Ce qui frappe, dans cette séquence électorale, et à rebours des commentaires éternels sur le « coup de tonnerre », c’est la stabilité des forces en présence. Cette stabilité étant elle-même l’effet d’une donnée essentielle, et qui n’est pas une donnée électorale mais politique, c’est à dire sociale. Les trois blocs qui soi-disant « se dégagent » sont en fait formés depuis très longtemps. Seuls des faux-semblants comme l’existence d’un PS prétendument de gauche les masquaient, avant que la saine clarification produite par le macronisme les dissolve.

    Nous avons donc un bloc bourgeois libéral, invariablement vainqueur en République française, qui représente un quart des votants et 10 % de la population adulte. Un bloc libéral-national (Reconquête + RN), où se côtoient comiquement le pôle décadent de la bourgeoisie catholique réactionnaire, une bourgeoisie en voie de radicalisation néo-conservatrice, des segments du prolétariat blanc, une classe moyenne paupérisée, et les éternels « indépendants et artisans », dont la passion première est de se distinguer des forces sociales. Ces forces-là sont très stables depuis une cinquantaine d’années. Elles sont même pour une part la figuration contemporaine d’oppositions très anciennes. On voit ainsi perdurer la vieille opposition entre le prolétariat des villes, qui vote à gauche ou ne vote pas, et un prolétariat des campagnes (des « périphéries ») qui vote à droite comme la paysannerie votait contre les agitateurs socialistes de Paris sous le Second Empire.

    Ces dernières années, il n’y a pas eu effondrement de la gauche, simplement beaucoup de gens qui se prétendaient à gauche ont franchement épousé la cause du bloc bourgeois auquel ils ont toujours appartenu. En somme le bloc de gauche véritable n’a jamais été beaucoup plus volumineux dans le périmètre électoral qu’il ne l’est aujourd’hui. Il faut peut-être se faire à l’idée que le camp de l’émancipation n’a jamais été plus fourni qu’aujourd’hui, et ne le sera jamais. L’enjeu n’est donc pas d’être majoritaire, ce qui n’arrivera pas, mais d’être forts, ce qui n’est pas la même chose.

    • Une institution, c’est un énorme bloc de marbre. Ça ne se déplace qu’à la faveur d’une situation nouvelle propre à inverser le rapport de forces. Une élection n’est pas une situation. Ou si c’est une situation, elle a été configurée par les dominants, afin de consolider leur domination. Il n’y a rien à espérer d’un jeu dont les règles ont été établies par les adversaires. Les situations, il faut les créer, et en imposer les règles, règles propres à rebattre les cartes.

      Je ne dirai qu’une chose : créez des situations. Quel que soit leur échelle, leur périmètre, elles seront fécondes. Une situation ce peut être classiquement un conflit social ouvert par la colère des travailleurs devant une nouvelle exaction des propriétaires. Une situation ce peut être un collectif d’opposition à la construction de méga-bassines. Un livre aussi crée, à sa manière, une situation. Tout est bon à prendre, de ce qui perturbe le statu quo marchand, de ce qui casse la routine conservatrice.

      Les Gilets jaunes ont su créer une situation. Vous décrétez qu’un rond-point sera un lieu, non de passage, mais d’occupation, de discussion, d’amitié : vous fabriquez une situation. Au passage on aura remarqué que rien de ce mouvement ne s’est répercuté dans la bulle électorale qu’aujourd’hui on dégonfle comme on démonte un chapiteau - il n’en restera qu’un carré d’herbe aplati et dans l’air une vague odeur de crottin. Cette bulle est hermétique à la politique, et en plus elle la suspend. Nous sortons de six mois où les forces vives de la politique ont été comme paralysées, ou pour le moins marginalisées, par cette piteuse et vaine frénésie électorale. Six mois où les militants de l’écologie radicale, entre autres, n’ont pas pu se faire entendre, alors que la principale urgence sociale est là. Maintenant que tout ce cirque est fini, la politique peut recommencer.

    • En 2019, lors d’une émission sur France Culture, il revient sur le fait qu’il se soit abstenu lors du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017, affichant une position politique « anti-capital » (il déteste l’expression « anticapitaliste ») et « antifasciste ». Par ailleurs, lors de cette interview, il se montre critique envers la pratique électorale : « Le geste même de voter est un geste anti-politique. […] Avoir habitué des générations entières depuis deux cents ans, en France, à voter, a probablement beaucoup fait pour la dépolitisation, en tout cas la perte d’un certain nombre de réflexes de réelle citoyenneté ou de réelle activité politique. Le vote a donc une certaine toxicité insidieuse. »

      https://fr.wikipedia.org/wiki/François_Bégaudeau

      il a ptet quand même voté au 1er tour alors ? :-)