Les vacances d’été, parenthèse entre le Covid-19 et la crise économique

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  • Les vacances d’été, parenthèse entre le Covid-19 et la crise économique
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    Les vacances d’été, parenthèse entre le Covid-19 et la crise économique
    Malgré des prix très élevés, poussés par l’inflation, le retour des touristes étrangers et la loi de l’offre et de la demande, les Français semblent déterminés à partir en vacances, quitte à partir moins loin.
    Par Clément Guillou
    Publié hier à 03h00, mis à jour hier à 07h10
    En 2022, les Français font de la brasse coulée. Entre la guerre en Ukraine, deux élections et une septième vague de Covid-19, ils semblent déterminés à prendre une respiration cet été, avec un taux de départ en vacances au plus haut, malgré des prix brûlants comme un soleil de juillet. C’est comme s’il fallait solder deux ans de pandémie, alors qu’elle revient, reprendre son souffle après plusieurs mois d’inflation et d’incertitude politique, quand elles ne font que commencer.La route des vacances a rarement été aussi encombrée et semée d’embûches. Car cet appétit se heurte à diverses cures d’amaigrissement : celle des effectifs, dans tous les services liés au tourisme ; celle des destinations, puisque l’Asie reste difficile d’accès, deux ans et demi après le début de la pandémie ; celle du stock de voitures de location ou de trains.« On s’attendait à un choc négatif de la demande, mais on est passé au choc de l’offre, et violemment », analyse Christian Mantei, le président d’Atout France, l’organe de promotion touristique du pays. De sorte que, dans un secteur qui n’ignore plus rien du yield management – adaptation des prix à l’offre restante et à l’imminence du séjour –, l’inflation s’annonce souvent excessive. Tour d’horizon des dynamiques à l’œuvre à la veille des grands départs.Depuis un an, les professionnels du tourisme profitent du revenge travel (« revanche du voyage ») consécutif aux confinements à répétition. Les Français peuvent aussi puiser dans l’épargne accumulée depuis 2020, dont la Banque de France soulignait, le 28 juin, qu’elle se maintient à un niveau très élevé.Il y a enfin, derrière les avions remplis, des avoirs émis durant ces dix-huit mois, où le voyage international a subi de nombreuses pauses. Beaucoup craignent que ces circonstances ne durent pas et que le loisir redevienne, comme il l’a toujours été, une variable d’ajustement des budgets des foyers. D’où la nécessité pour eux de capitaliser sur cet été où la demande est supérieure à l’offre.Sur tous les postes de la dépense touristique, la hausse dépasse nettement l’inflation du secteur des services, évaluée à 3,2 %, en juin, par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Il y a le carburant des voitures, moyen privilégié de déplacement pour les vacances de quatre Français sur cinq.Mais aussi le train, où la SNCF a été prise de court par le niveau exceptionnel de la demande dès la mise en vente de ses billets estivaux, de sorte qu’il n’est vite resté que des tickets à trois chiffres pour les TGV les week-ends. (...)A destination, même embarras. Sur la Côte d’Azur, les dernières voitures de location disponibles s’arrachent à 1 000 euros la semaine. Elles sont difficilement trouvables sur les îles. Les hébergeurs encaissent la flambée de l’énergie et des matières premières alimentaires, les hausses de salaires, du coût des travaux… et profitent de la baisse de l’offre consécutive à la pandémie, particulièrement dans certains pays du bassin méditerranéen. La faiblesse de l’euro pèse également sur les séjours long-courriers.

    Dans ce contexte, la débrouille n’est plus d’aucun secours pour ceux qui n’ont pas accès à une résidence secondaire familiale. Sur les plates-formes de location entre particuliers Airbnb et Abritel, les tarifs ont bondi de 14 % depuis 2019, près de 20 % en Italie et 30 % aux Etats-Unis, selon les données du site AirDNA. Cela ne freine pas les réservations, avec 13 millions de nuitées pour juillet-août réservées dans l’Hexagone (+ 11,7 %).
    (...)Habitués à dénicher des bonnes affaires de dernière minute, en raison de l’abondance d’offres de voyages, les Français qui ont choisi d’attendre en 2022 se retrouvent sans solution. Il fallait prendre position entre la vague Omicron et la guerre en Ukraine, avant le rebond d’avril, quand les professionnels avançaient dans le brouillard. Exception faite de la Turquie, abandonnée par sa clientèle russe, le bassin méditerranéen va déborder de touristes, particulièrement la Grèce.« Les paramètres de marché ont changé, mais les clients ne l’ont pas intégré », souligne Alain de Mendonça, PDG de Fram et de Promovacances, dont les séjours en Italie ou aux Baléares ont été épuisés deux semaines plus tôt qu’à l’ordinaire. « Des gens nous disent au téléphone : “C’est trop cher, je vais attendre.” On doit leur montrer des graphiques pour leur prouver que cela va continuer de monter. »Dans une étude OpinionWay pour Atout France et ADN Tourisme, publiée le 29 juin, une majorité de partants rapporte que le coût du carburant et l’inflation auront un impact sur leurs séjours. Ils s’adapteront en modérant les extras – restaurants ou activités – et en évitant la voiture sur place.
    Dans la droite ligne d’un printemps très chargé, les séjours prolongés cet été concerneront, selon divers sondages, environ six Français sur dix. Un taux habituel qui cache quelques évolutions de comportement. Les clubs et colonies de vacances de l’Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT) « voient arriver des publics qui allaient dans des établissements plus haut de gamme, et disparaître des clientèles qui avaient du mal à réserver des vacances », dit son directeur, Simon Thirot, décrivant « une fracture entre ceux qui rognent sur le reste à vivre pour financer les vacances, et ceux qui ont complètement renoncé ».Autre moyen d’économiser : la proximité. Le tourisme intrarégional se présente une nouvelle fois comme une tendance forte, de même que l’attrait pour la campagne, où les locations sont moins chères. Les Villages Vacances France (VVF), qui ciblent les classes moyennes, sont remplis à moins de deux heures des grandes agglomérations. L’Occitanie, moins chère que la Côte d’Azur, est à la mode. Partir en dehors de la très haute saison, les semaines du 2 et du 9 juillet, est une autre piste. Dans les campings, ces semaines moins chères sont de plus en plus demandées, rapporte la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air, de même que les emplacements nus, plus économiques. Le mois de septembre, encore moins cher, est celui qui a le plus progressé par rapport à 2019.Un phénomène particulièrement visible dans le tourisme social, qui voit arriver des familles sorties de leurs radars. A date similaire, la Vacaf, le dispositif d’aides aux vacances des caisses d’allocation familiales, a réservé 12 % de séjours en plus qu’en 2021. Cette année s’est ajoutée une aide aux transports. Anne Zenou, sa directrice, perçoit « une levée des angoisses et un besoin de prendre du temps en famille et de recharger les batteries. Le resserrement des liens familiaux, lié au Covid-19, renforce l’importance du temps passé en vacances ».Des structures comme Vacances ouvertes, qui organisent ces séjours de tourisme social, constatent la même ruée, liée au retour d’une politique d’aide au départ par le gouvernement ou par certaines municipalités. « On n’a jamais autant parlé de vacances pour tous de manière aussi positive, estime son directeur, Marc Pili. Et on a tous eu, à un moment ou l’autre de cette pandémie, la crainte de ne plus jamais partir en famille. Si on avait eu les leviers humains et financiers, on aurait pu faire partir 40 000 personnes cet été, pas 25 000. »Les projets montés et cofinancés par les ménages s’élèvent à 3,3 millions d’euros ; Vacances ouvertes ne dispose, pour cet été, que de 1,9 million d’euros. « L’écart n’a jamais été aussi grand », observe M. Pili, qui essaye désormais de solliciter l’aide d’entreprises du tourisme. Un premier fonds de dotation créé par la région Auvergne-Rhône-Alpes, Essentiem, a vu le jour en 2021 et cofinancera, cet été, un millier de séjours. Une bouée de secours essentielle avant de replonger dans une nouvelle vague de Covid-19, doublée d’une période de stagflation.

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