• 30 hectares à bétonner en Normandie + les parkings, mais c’est un saccage imerssif
    Le spectacle de Serge Denoncourt sur le débarquement de Normandie contesté en France
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1898001/spectacle-serge-denoncourt-debarquement-normandie-critiques

    Hommage ou injure ? Le projet de spectacle immersif sur le débarquement allié de 1944 en Normandie, mis en scène par Serge Denoncourt et scénographié par le Québécois Stéphane Roy, fait face à une vive contestation.

    Dans une vidéo promotionnelle dévoilée à la fin du mois de juin, ce projet de spectacle baptisé Hommage aux héros est présenté comme un théâtre de 1000 places en mouvement, qui avance sur 400 mètres et dont la scène tapissée d’écrans s’ouvre sur l’extérieur. Il est prévu qu’il soit construit sur un site de 30 hectares à Carentan-les-Marais, entre Utah Beach et Omaha Beach, deux des plages du débarquement de Normandie, en France.


    Le site, ouvert six mois par an, pourrait accueillir 6000 personnes par jour, soit 600 000 personnes par an, a précisé à l’AFP le directeur des communications, Régis Lefebvre. Il porte, avec le producteur de comédies musicales Roberto Ciurleo et le producteur de télévision Stéphane Gateau, ce projet évalué à 90 millions d’euros, soit 117,5 millions de dollars canadiens.

    Serge Denoncourt à l’écriture du spectacle
    Le spectacle vise à raconter, à partir d’images d’archives et de tableaux vivants, le débarquement du 6 juin 1944, de sa préparation à la bataille de Normandie qui a suivi.

    “Pour réussir un projet comme celui-là, il faut être entouré d’experts, d’historiens, de vétérans, de gens qui ont vécu cette période, et prendre toutes les informations qu’ils sont prêts à me donner afin d’écrire un spectacle qui ne soit pas une fiction, mais bien un compte-rendu de ce qui s’est passé”, explique le metteur en scène québécois Serge Denoncourt dans la vidéo. 

    “C’est une œuvre de mémoire, on va revivre dans un réalisme total le contexte de la guerre”, ajoute Stéphane Roy, qui scénographie des spectacles au Québec et en France. 


    Ensemble, Serge Denoncourt et Stéphane Roy ont créé Je vais t’aimer, une comédie musicale basée sur des chansons de Michel Sardou qui a été lancée à Paris en 2021.

    La demande de permis de construire d’Hommage aux héros devrait être déposée à la fin du mois d’octobre, pour une ouverture en 2025, selon Régis Lefebvre. Le maire de Carentan est très favorable au projet.

    Hommage aux héros promet une grande rigueur historique. “Nous travaillons à l’élaboration d’un partenariat avec le Mémorial de Caen [un musée consacré à la Seconde Guerre mondiale et au débarquement]”, précise Régis Lefebvre.

    Interrogé par l’AFP, Stéphane Grimaldi, le directeur du Mémorial, a réfuté cette affirmation voulant que le Mémorial travaille à l’élaboration d’un partenariat. “Je l’envisagerais à plusieurs conditions, dont la plus importante est évidemment le sérieux historique et pédagogique du récit”, a-t-il expliqué.

    Un spectacle jugé mercantile et sensationnaliste
    Depuis deux ans, Hommage aux héros suscite des critiques. Près de 10 000 personnes ont perdu la vie ou ont été blessées lors du débarquement du 6 juin 1944. 

    En 2020, Le vétéran français Léon Gautier, alors âgé de 97 ans, avait aussi déclaré à l’AFP être “contre le projet”.

    La même année, 154 descendants et descendantes de membres du commando Kieffer, ainsi que Léon Gautier et Hubert Faure, les deux derniers soldats alors encore en vie de ce commando ayant participé au débarquement, ont également vivement critiqué le projet dans une tribune publiée par Le Monde. 

    “La mise en spectacle de ces événements sur ou à proximité des lieux de mémoire et de recueillement ainsi que la volonté affichée d’une dimension commerciale sont pour nous profondément choquantes, tant pour des raisons historiques qu’éthiques”, ont écrit les signataires. 


    “Nous sommes conscients que la transmission du savoir et de la mémoire de cette période de l’histoire pour les publics du 21e siècle oblige sans doute à adapter les modes de médiation. Mais cela ne peut en aucun cas se faire sur un mode spectaculaire, festif et commercial, au détriment des exigences de la connaissance historique, de la mémoire et du respect.”

    En 2021, Léon Gautier avait signé avec 600 autres personnalités, dont l’historien Jean-Pierre Azéma, une lettre ouverte dénonçant l’intention “mercantile” d’un projet de spectacle “jouant fortement sur l’émotion” et jugé « intolérable eu égard aux drames qui se sont déroulés pendant le débarquement ».

    La lettre envoyée au ministère de la Transition écologique dénonçait aussi le “saccage environnemental” que représenterait le projet, qui nécessiterait l’artificialisation de 30 hectares de sol agricole. 

    En mai, des proches et personnes descendant de vétérans anglo-saxons ont qualifié d’“injure” ce “prétendu hommage aux héros”. Leur communiqué a été signé par une centaine de personnes.

    “À l’heure où s’achève le procès des attentats du 13 novembre 2015 [qui ont fait 130 victimes et des centaines de personnes blessées à Paris et près de Paris], imaginerait-on faire un spectacle immersif autour du massacre qui s’est produit au Bataclan [une salle de spectacle où périrent 90 personnes ?”, a renchéri l’historien à l’Université de Caen Jean-Luc Leleu, au début de juillet, dans le quotidien régional Ouest-France.

    Une œuvre d’art en forme de devoir de mémoire, selon Serge Denoncourt
    Mercredi, ni Serge Denoncourt ni Stéphane Roy n’étaient disponibles pour parler à Radio-Canada de leur réaction à ces critiques.

    Le 7 juin dernier, Serge Denoncourt avait parlé de ce spectacle sur lequel Stéphane Roy et lui travaillent depuis deux ans en entrevue à l’émission Pénélope. https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/penelope/segments/entrevue/404315/theatre-musical-scene-sardou-annie

    “Le projet n’est pas de faire un parc Astérix [un parc d’attractions français sur le thème d’Astérix et Obélix], mais de faire une œuvre d’art, un devoir de mémoire, qui va amener les plus jeunes à aller en Normandie voir le spectacle et après à aller visiter les plages et les lieux réels”, avait-il déclaré, soulignant que l’histoire du débarquement était moins présente dans l’esprit des jeunes générations.