la résistance civile de fonctionnaires de police (Jean-Marie Muller)

/desobeirvichy.htm

  • Céline Malaisé
    @CelineMalaise
    9:14 AM · 19 juil. 2022
    3 jours après la rafle du Vel d’Hiv, la rafle de #Nancy est un échec grâce à l’action d’un service de police, celle de 7 fonctionnaires du Service des étrangers du Commissariat central qui ont désobéi.
    Un acte de résistance unique qui doit être connu.

    https://twitter.com/CelineMalaise/status/1549291556888256512

    19 juillet 1942, 5 heures du matin. A l’aube naissante, des policiers en uniforme quadrillent certains quartiers de Nancy. Ils ont reçu l’ordre de rafler les Juifs dans le cadre de l’opération appelée « Vent printanier ».
    Et pourtant, lorsque ces policiers tambourinent sur les portes, elles ne s’ouvrent pas. Lorsqu’ils les défoncent, il n’y a personne. Les appartements sont vides.

    Sur les 385 Juifs recherchés, seuls 32 sont arrêtés. La rafle est un échec pour les forces d’occupation nazies et un salut pour des dizaines de familles juives qui échappent à la déportation et à la mort.
    Ce salut elles le doivent aux 7 fonctionnaires de police du Service des étrangers dirigé par Edouard Vigneron qui a sous ses ordres Pierre Marie, Charles Bouy, Charles Thouron, François Pinot, Emile Thiébaut et Henri Lespinasse.


    Depuis 1940, ce service remplit des tâches administratives (renouvellement de carte de séjour, régularisation de situation..) qui mettent en contact les policiers avec les étrangers vivant à Nancy dont de nombreux Juifs polonais.

    Ces policiers ont en commun d’être opposés aux lois xénophobes et antisémites du Régime de Vichy. Édouard Vigneron et Charles Bouy fabriquaient ensemble, la nuit tombée, de faux papiers.

    De leurs côtés, Charles Thouron et Pierre Marie avaient aussi été contactés pour fabriquer en secret de faux papiers pour les Malgré nous, les prisonniers évadés ou les Juifs qui avaient fui la Moselle et l’Alsace annexées au Reich.

    En 42, lorsque ces policiers reçoivent l’ordre de remettre l’étoile jaune aux juifs, ils s’exécutent malgré tout.
    « Pour nous, se souvient P. Marie, c’était une véritable corvée. Nous ne supportions pas de voir ces hommes et ces femmes qui venaient dans notre bureau en pleurant »

    L’exposition antisémite « Le Juif et la France »était alors installée au Musée des Beaux-Arts de Nancy durant l’été 1942.

    Le 16 juillet 1942, après un coup de fil d’un Juif nancéien , Pick, témoin de la rafle du Vel d’Hiv à Paris, Pierre Marie informe ses collègues et ils décident qu’ils interviendront si une telle rafle devait se dérouler à Nancy.

    Le 18 juillet, les nazis donnent l’ordre de rafler les Juifs étrangers de Nancy le 19 juillet. Les sept fonctionnaires décident alors de prévenir les personnes concernées par tous les moyens.

    Édouard Vigneron reste au bureau, rue de la Visitation, pour ne pas éveiller les soupçons et avertir par téléphone tandis que ses 6 collègues quadrillent la ville pour prévenir les Juifs du danger.
    Tous les Juifs menacés trouvent refuge chez d’autres habitants (un des fonctionnaires de police en héberge chez lui).

    Pour sauver de nombreuses familles, ils leur procurèrent « d’authentiques » faux papiers avec le tampon de la police et sans la mention « Juif », ce qui leur permet de gagner la zone « libre ».
    Par exemple, Henri Kricher, 22 ans, et son frère de 14 ans, furent conduits encadrés par deux agents, à la gare de Nancy, et placés dans un train. Avant le départ, les agents leurs remirent des billets pour Dijon et de fausses cartes d’identité, avant de disparaître.

    « Nous savions, dira Pierre Marie, que ces arrestations étaient pour eux le commencement de la fin. Il ne fallait pas avoir de sentiments français, ne plus être Lorrains, pour réagir autrement que nous l’avons fait. »
    Cet acte de résistance unique reste trop méconnu parce que comme Pierre Marie, l’a dit justement, alors qu’il était âgé de 90 ans, ils avaient désobéi et qu’un État fait rarement l’éloge de ceux qui sont insoumis à ses règles même lorsque que l’Etat était le Régime de Vichy !
    Vigneron a été réintégré en 1944 mais rien de plus. Il avait été arrêté en août 42 par la Gestapo pour confection de faux papiers. Il fut emprisonné à Nancy durant 3 mois. Il pris sa retraite en septembre 42 pour ne pas être révoqué.
    Il fut aussi arrêté une seconde fois en 43 pour confection de faux papiers et emprisonné à Fresnes.

    Après guerre, il fut très souvent invité à des bar mitzvah à Nancy.
    Désobéir lorsque l’on est policier est toujours considéré comme inacceptable. Même si ces sept hommes ont désobéi parce que la justice et la vérité le voulaient comme l’écrivait Charles Peguy.
    Le sauvetage de dizaines de familles juives obtient néanmoins une reconnaissance. 5 d’entre eux reçurent le titre de « Juste parmi les nations ».

    Le service des étrangers de Nancy
    https://yadvashem-france.org/articles-et-documents/le-service-des-etrangers-de-nancy
    Un téléfilm réalisé par Patrick Volson, Le Temps de la Désobéissance retrace l’action de ces sept policiers.
    Outre ce téléfilm, il y a un livre. Désobéir à Vichy : la résistance civile de fonctionnaires de police par Jean-Marie Muller
    http://non-violence-mp.org/muller/HTML/desobeirvichy.htm

    La promotion de 2007 des commissaires de police s’est appelée Edouard Vigneron.
    Cet épisode de courage d’un service entier de policiers qui ont refusé d’être des bourreaux reste trop peu connu. Il n’efface évidemment pas la responsabilité de la police française dans la déportation des Juifs de France. Il montre surtout qu’il était possible de faire autrement.

    Je raconte toujours à mes élèves l’échec de la rafle de Nancy. Ce sont toujours les mêmes questions qui les tenaillent : comment trouver le courage de désobéir à l’inacceptable et comment savoir ce qui est légitime. De celles que doit se poser constamment l’humanité.

    Cette année, la cérémonie à Nancy pour la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France a rendu hommage à ces sept policiers qui ont désobéi pour l’humanité.

    Meurthe-et-Moselle. Nancy, le 19 juillet 1942 : cinq policiers désobéissent et sauvent 350 Juifs
    À l’occasion de la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France, l’acte de cinq policiers du service des étranger…
    https://www.estrepublicain.fr/amp/defense-guerre-conflit/2022/07/18/nancy-le-19-juillet-1942-cinq-policiers-desobeissent-et-sauvent-350-j

    #Vel_d’Hiv #Résistance