• Des lois anti-avortements empêchent de soigner les fausses couches aux États-Unis Violette Cantin - Le Devoir
    https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/736167/des-lois-anti-avortements-empechent-de-soigner-les-fausses-couches

    Les ravages d’un fléau prévisible, mais terrible, commencent à peine à se faire sentir aux États-Unis, alors que des médecins se montrent réticents à soigner adéquatement des femmes qui font une fausse couche, de peur de se faire accuser d’avoir pratiqué un avortement.

    Le New York Times https://www.nytimes.com/2022/07/17/health/abortion-miscarriage-treatment.html rapportait dimanche l’histoire d’une femme s’étant fait refuser des soins d’urgence après une fausse couche au Texas. L’hôpital lui a demandé de revenir uniquement si « elle saignait tellement qu’elle remplirait plus d’une couche en une heure ». Le cas de cette femme est loin d’être isolé, au vu des lois punitives visant les médecins qui pratiquent des avortements.


    Ted Jackson Associated Press Le flou juridique entourant les procédures médicales liées aux fausses couches met des femmes en danger.

    Au Texas, la loi prévoit un « dédommagement » pouvant atteindre jusqu’à 10 000 $ aux personnes entamant une procédure judiciaire contre quelqu’un qui aurait pratiqué un avortement. Au Missouri, quiconque pratique une interruption de grossesse s’expose à de la prison pour une durée qui varie entre 5 et 15 ans. Et en mai dernier, en Louisiane, un comité de la Chambre des représentants a approuvé un projet de loi qui aurait permis de considérer l’avortement comme un homicide et de poursuivre les femmes y ayant recours en conséquence. Le projet de loi a finalement été abandonné après qu’une majorité de la Chambre s’y est opposée.

    Mais si les femmes ne sont pas encore considérées comme des criminelles pour avoir recours à un avortement, les médecins qui les pratiquent le sont dans plusieurs États et craignent la prison. Plusieurs hésitent désormais à fournir des soins médicaux adéquats à des femmes qui font une fausse couche.

    « Il n’y a pas de différence entre les soins médicaux pour une fausse couche et ceux pour un avortement », confirme la Dre Geneviève Bois, qui est professeure adjointe de clinique en médecine à l’Université de Montréal et qui pratique des avortements. « Par exemple, si la grossesse cesse de se développer, mais que la fausse couche n’arrive pas, ça se traite exactement comme un avortement par médicaments, précise-t-elle. Ou alors, on peut y aller par aspiration, comme un avortement médical. »

    Détresse psychologique et mortalité  
    La Dre Monica Saxena, urgentologue qui pratique en Californie, constate de près les effets désastreux des nouvelles restrictions des lois antiavortement. « Même si la grossesse n’est pas viable, certains États avec des lois restrictives concernant l’avortement interdisent une intervention chirurgicale à moins que l’activité cardiaque du foetus soit indétectable », explique-t-elle. Jointe par le Devoir, elle précise que les délais qui découlent de cette interdiction peuvent entraîner « des hémorragies, des infections ou des sepsis qui peuvent causer la mort » de la personne enceinte.

    Bien qu’elle n’ait pas à négocier avec cette ingérence politique dans le domaine médical, la Dre Saxena précise que l’Université de Californie à Los Angeles estime qu’entre 8000 et 16 000 femmes vont se rendre chaque année dans l’État pour obtenir un avortement https://law.ucla.edu/sites/default/files/PDFs/Center_on_Reproductive_Health/California_Abortion_Estimates.pdf . Cela augmentera donc le nombre de patientes à traiter sur son territoire.

    « Les lois antiavortement n’ont pas été créées en utilisant des preuves médicales et elles s’immiscent dans la relation médecin-patient. La conséquence est qu’elles augmentent la morbidité et la mortalité des personnes enceintes », condamne-t-elle.

    La Dre Bois rappelle pour sa part les effets psychologiques que peut avoir l’absence de soins obstétricaux appropriés. « Ça crée beaucoup de détresse psychologique. Les personnes avec un utérus sont placées dans un état de constante incertitude », relève-t-elle.

    L’existence de ce flou juridique aux États-Unis allonge les délais pour des personnes qui pourraient avoir besoin de soins d’urgence tout en créant un climat de suspicion et de retenue parmi les professionnels de la santé.

    « Finalement, être enceinte, c’est 10 à 100 fois plus dangereux que d’obtenir un avortement, rappelle la Dre Bois. En étant enceinte, on est toujours en danger. »

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