• De plus en plus d’Ehpad au bord de l’asphyxie financière, entre crise de confiance et hausse des coûts
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/21/de-plus-en-plus-d-ehpad-au-bord-de-l-asphyxie-entre-crise-de-confiance-et-ha

    Partout en France, des établissements accueillant des personnes âgées ne parviennent plus à boucler leur budget, et certains sont contraints de fermer, comme à Lanobre, dans le Cantal. Les maires déplorent le manque de soutien de l’Etat.

    https://justpaste.it/dcu5y

    • Il y a plein de choses qui me hérissent dans cet article parce qu’on y reprend sans aucune retenue le point de vue managérial des chefs d’établissement : « l’insuffisante compensation par l’État des fortes revalorisations salariales depuis deux ans » [...] « le recours à l’intérim, pour pallier les difficultés de recrutement, fait exploser les charges salariales. » […]

      De même qu’on devrait s’abstenir de relayer ce type d’informations : « 48 % des établissements en France – comptait, en décembre 2022, 85 % d’Ehpad en déficit. »

      Il n’en reste pas moins que l’article confirme les symptômes d’une crise déjà identifiée du modèle des Ehpad. Une crise prenant de plus en plus d’ampleur et qui ne tient pas seulement au « mode de financement », tel qu’évoqué à la fin de l’article.

      La façon dont doit être organisée le solidarité générationnelle concerne a priori tout le monde. Ce n’est rien d’autre qu’un choix politique, dépassant largement les questions des choix gestionnaires de volume de dotations et de compensations budgétaires de l’État.

      Il n’en reste pas moins que des fortunes existent et ne servent à rien d’autre qu’à accumuler toujours plus de valeur. La question politique immédiate serait donc de savoir si l’on veut que ces ressources existantes soient réorientées (de force) vers les besoins réels de la société, notamment pour ce qui devrait permettre aux vieux et aux vielles de mieux terminer leur existence.

    • la menace des gestionnaires en déficit d’un transfert vers des H.P où il n’y a pas de lits ne tient pas.

      La France doit se préparer au défi du grand âge
      ÉDITORIAL, 12 août 2022
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/12/la-france-doit-se-preparer-au-defi-du-grand-age_6137857_3232.html

      Alors que les 85 ans et plus vont croître de près de 90 % entre 2030 et 2050, la gériatrie reste le parent pauvre d’un système hospitalier déjà à bout de souffle et le maintien des personnes âgées chez elles réclame toujours une vraie politique nationale de prévention de la perte d’autonomie.

      Grand âge : « La certitude du réchauffement climatique n’a d’égale que l’inéluctabilité du vieillissement de la population »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/20/grand-age-la-certitude-du-rechauffement-climatique-n-a-d-egale-que-l-ineluct

      Responsable du cercle de réflexion Matières grises
      Le gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure du défi que représente l’explosion à venir du nombre de personnes âgées de plus de 75 ans, estime Luc Broussy, responsable du cercle de réflexion Matières grises, dans une tribune au « Monde ». Il prône des investissements massifs.

      Grand âge : « Il faut mettre l’héritage au service d’une politique publique ambitieuse »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/21/grand-age-il-faut-mettre-l-heritage-au-service-d-une-politique-publique-ambi

      Face à l’augmentation drastique du nombre de personnes dépendantes et des besoins de financement afférents, une solution solidaire et équitable consisterait à créer un prélèvement additionnel sur les plus gros patrimoines, proposent la professeure Lucie Castets et l’adjoint à la maire de Paris Antoine Guillou dans une tribune au « Monde »

      j’ai déniché les deux derniers articles là https://justpaste.it/2irhn

      #vieux #or_gris #Ehpad #ARS #CCAS #maltraitance #salaire #démissions #dépendance #fiscalité #maintien_à_domicile

    • Face au marasme financier des Ehpad, une réponse de l’Etat jugée non structurante
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/21/face-au-marasme-financier-des-ehpad-une-reponse-de-l-etat-jugee-non-structur

      La solution qui consisterait à augmenter le prix des séjours en Ehpad public ou associatif est envisagée par les acteurs du secteur. Mais 76 % des résidents ont des revenus inférieurs au tarif moyen des établissements (...)

      https://justpaste.it/bph8t

    • il reste donc la solution de légaliser l’euthanasie et d’ouvrir le marché à une startup innovante de la silver économie financée par la BPI :-)

      ça serait étonnant que Macron n’ait pas quelques amis déjà sur les starting-blocks, non ?

  • « La #forêt des #Landes a joué le rôle exactement inverse d’un #puits_de_carbone »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/31/la-foret-des-landes-a-joue-le-role-exactement-inverse-d-un-puits-de-carbone_

    « La forêt des Landes a joué le rôle exactement inverse d’un #puits de #carbone »
    L’historien Jean-Baptiste Fressoz s’interroge, dans sa chronique, sur la croyance dans une forêt forcément vertueuse parce que « verte ».

    Les statistiques ont un effet réducteur. Elles aplatissent une réalité complexe sur un chiffre, une courbe, une dimension. Les incendies de forêt de cet été en fournissent un bon exemple. Jour après jour, les médias ont fait l’angoissant décompte des milliers d’hectares de forêt partis en fumée à travers la France. Mais de quelle forêt parle-t-on ? Qu’ont en commun la forêt de Brocéliande, en Bretagne, berceau de la légende arthurienne, et la « forêt » des Landes, une plantation industrielle remontant au Second Empire ? La première abrite des milieux humides et une riche biodiversité, la seconde n’a de forêt que le nom.

    Dans la seconde moitié du XIXe siècle, après une loi privatisant des terres communales, l’immense zone humide située entre la Gironde et l’Adour se transforme en une plantation de pins maritimes. Certains font fortune dans les pignadas (« pinèdes ») ; les bergers doivent se reconvertir au gemmage des arbres exploités pour leur résine. En 1911, l’écrivain Joseph-Honoré Ricard, pourtant admiratif du succès commercial, reconnaissait, dans son livre Au pays landais, que les Landes n’avaient rien à voir avec une forêt : « L’oreille ne perçoit aucun son, nul chant d’oiseau, nul frémissement d’allégresse, le vent ne soulève qu’un long vagissement plaintif et lugubre. Parfois, une lande rase : le vestige d’un incendie. »

    Maintenant victimes du #changement_climatique, les Landes ont aussi joué un rôle important et méconnu dans l’histoire de ce dernier. Au début du XXe siècle, c’est grâce à leur #bois que l’Angleterre a pu extraire des quantités record de #charbon. Les mines, comptant des centaines de kilomètres de galerie, étaient en effet d’énormes consommatrices de bois. Soumis à la pression des roches environnantes, les étais devaient être régulièrement remplacés. La Grande-Bretagne, presque dépourvue de forêt, importait la quasi-totalité de son #bois_d’œuvre. Les navires britanniques déchargeaient le charbon à Bordeaux et repartaient de Bayonne les cales remplies d’étais. Ce commerce était suffisamment stratégique pour que le Royaume-Uni cherche à le sécuriser en signant un accord de troc « poteaux contre charbon » avec la France en 1934.

    Du bois au charbon
    Cet exemple historique illustre deux points importants. Premièrement, le passage à une « nouvelle » énergie, dans le cas d’espèce le charbon, a nécessité d’énormes quantités d’une #matière_première, le bois, qui était censée être substituée. Paradoxalement, au début du XXe siècle, les mines britanniques engloutissaient davantage de bois que l’Angleterre n’en brûlait cent cinquante ans auparavant, et il faudra attendre les années 1960 pour que les #mines de charbon s’affranchissent de cette dépendance complète vis-à-vis du bois. Il nous reste à espérer que les #énergies #renouvelables s’autonomiseront bien plus vite de l’#économie_fossile qui les a vu naître.

    Deuxièmement, dans la crise climatique, les forêts ont en général le beau rôle en tant que puits de carbone. Pourtant, celle des Landes a joué un rôle exactement inverse : chaque tonne de bois permettait en effet d’extraire de vingt à trente fois son poids de charbon. De même, actuellement, la moitié du bois des Landes est destinée à être transformée en #cartons_d’emballage dans des papeteries polluantes, cartons dont la production accompagne celle de marchandises transportées par des énergies fossiles. Grâce aux Landes et à d’autres plantations industrielles du même type, le #carton règne en maître sur nos poubelles et Amazon sur les chaînes de distribution.

    Après les incendies, Emmanuel Macron a immédiatement lancé l’idée d’un « grand plan de reboisement national ». Si l’argent public devait subventionner des forêts privées – 90 % des Landes sont privées –, il faudra s’interroger au préalable sur la valeur écologique des forêts et sur les usages réels du bois dans la « transition écologique ».

  • Elisa Loncon Antileo : « Au Chili comme ailleurs, la démocratie a besoin d’oxygène et doit être renforcée »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/23/elisa-loncon-antileo-au-chili-comme-ailleurs-la-democratie-a-besoin-d-oxygen

    Pendant ce temps au Chili…

    A quelques jours du référendum du 4 septembre sur le projet de nouvelle Constitution au Chili, la militante et universitaire Elisa Loncon Antileo, qui a présidé l’Assemblée constituante, décrypte, dans un entretien au « Monde », les enjeux de ce texte et exprime son inquiétude à l’idée qu’il ne soit pas adopté.

    #Chili #constitution #constituante #mapuche #démocratie et… #paywall (wink wink)

  • « La loi sur le pouvoir d’achat écarte le #salaire comme instrument principal de la relation sociale de travail », Louis-Albert Serrut, syndicaliste.

    La série de mesures votées par l’Assemblée nationale le 22 juillet dans le cadre de la loi sur le pouvoir d’achat [définitivement adoptée, mercredi 3 août, à l’Assemblée nationale puis au Sénat] dissimule, sous les bruits d’une bataille médiatique opportune, des enjeux et des effets qui vont au-delà des aménagements annoncés comme des avancées pour les salariés.

    Ces mesures ponctuelles (prime annuelle, intéressement) se substituent aux discussions des organisations syndicales de salariés et d’employeurs sur les rémunérations, devenues inutiles. Plus grave, elles les ignorent, confirmant le dénigrement macronien des organismes intermédiaires de la démocratie.

    Les #primes dont le montant, triplé, peut atteindre jusqu’à 6 000 euros par an, ne ciblent pas les ménages modestes. Les sans-emploi, exclus de fait du dispositif, sont confrontés au durcissement des conditions d’accès à l’#assurance-chômage et aux réductions de leur indemnisation. Quant aux retraités, la revalorisation des pensions ne répare pas leurs gels successifs ni même l’inflation.

    Travail dissimulé

    Lorsque l’exécutif menace de fusionner d’autorité les branches dans lesquelles des salaires sont inférieurs au smic, il feint d’ignorer que durant son précédent mandat, Macron a inversé les normes, permettant qu’un accord d’entreprise, validé par une seule organisation de salariés même minoritaire, prévale sur les accords de branche nationaux et même sur la loi.

    Les critères de ces primes entérinent les pratiques du travail dissimulé : versement au bon vouloir de l’employeur, #exonération_de_cotisations_sociales et #défiscalisation. C’est d’une certaine manière la légalisation des pratiques du travail au noir.

    Toutes les composantes sociales du salaire, les cotisations, la complémentaire santé, l’épargne salariale, sont ainsi réduites ou plus précisément contournées. Comme les ordonnances Macron de septembre 2017 ont contourné le Parlement pour casser le code du travail, la loi sur le pouvoir d’achat écarte le salaire comme instrument principal de la relation sociale de travail.

    Les exonérations de cotisations – Sécurité sociale, assurance-chômage, retraite complémentaire – appauvrissent un peu plus encore les assurances sociales, déjà affectées par la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019. Ces exonérations visent à fragiliser les organismes de protection sociale, c’est la « politique des caisses vides » dont parle l’économiste Michaël Zemmour (Le Monde, 21 juillet 2022), pour justifier la nécessité d’une réforme et le recours aux assurances privées de tous ordres, complémentaires santé, accident, retraite.

    Malhonnêteté

    Il ne s’agit pas seulement, comme l’écrit Michaël Zemmour, d’une stratégie de réforme, mais de la continuation dans la recherche constante d’un objectif, celui de la liquidation du programme des « jours heureux ». #Denis_Kessler, alors vice-président du Medef, l’a clairement défini dans une déclaration en 2007 : « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance (…). Il est grand temps de le réformer (…). La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »

    Tous les députés de droite (LRM-Renaissance, Les Républicains) et d’extrême droite (Rassemblement national) se sont associés dans cette démarche et ont voté cette loi dite malhonnêtement « pouvoir d’achat », dont l’objectif véritable est de contribuer à l’effacement du modèle social français. Et cet effacement commence par celui du Conseil national de la Résistance (CNR), dont l’acronyme va être remplacé par celui du Conseil national de la refondation, CNR, annoncé pour septembre.

    La malhonnêteté tient au procédé, la dissimulation, autant que dans les arguments, la falsification des besoins de financement.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/24/la-loi-sur-le-pouvoir-d-achat-ecarte-le-salaire-comme-instrument-principal-d

    #travail #reproduction_de_la_force_de_travail
    #droit_du_travail #droits_sociaux

  • « Le vrai scandale, ce n’est pas le karting, mais l’état lamentable de nos prisons », Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.

    C’est l’immense événement de la rentrée ! Non, pas la guerre en Ukraine, ni les feux de forêt, l’eau qui manque partout, ou les pauvres qui dorment à la rue, non, le vrai « scandale » de ces derniers jours est ce jeu organisé à la prison de Fresnes, une des plus vétustes de France, surpeuplée à 144 %. Un jeu nommé « KohLantess », en référence au programme télévisé « Koh Lanta ». Trois équipes – surveillants, détenus, jeunes voisins libres de la ville – s’affrontent autour d’un quiz de culture générale, dans une course en portant des bassines d’eau, puis, d’un côté et de l’autre d’un baquet, pompeusement nommé « piscine », ils tirent sur une corde jusqu’à faire tomber l’adversaire à l’eau.

    Enfin et c’est là tout l’objet du « débat », deux des 1 918 prisonniers de Fresnes (Val-de-Marne) participent dans la cour réaménagée de l’établissement à une course de kart.

    Le « team surveillant » a gagné, chaudement félicité par le « team détenus ». Et le directeur de la prison a distribué – c’était le but de la journée – des chèques venus de dons et de sponsors à trois associations caritatives œuvrant pour les enfants.

    Voilà le drame qui a déclenché une avalanche de déclarations indignées, furieuses, dénonçant des prisons « Club Med », « colonies de vacances », mettant en regard « les enfants qui ne partent pas à la mer » avec « des criminels » qui s’amusent en braillant, « sur le dos de nos impôts ». Une telle hypocrisie, c’est rare ! D’abord parce que cette journée n’a rien coûté aux contribuables, tous les frais ayant été réglés par la société de production. Ensuite, ces réquisitoires viennent d’élus et de responsables politiques qui, connaissant l’état honteux de nos prisons et leur surpopulation encore jamais atteinte dans notre histoire, osent, pour des raisons politiciennes, faire croire à nos concitoyens que la vie carcérale se résume à cette journée. Le vrai scandale, ce n’est pas le karting, mais l’état lamentable de nos prisons.

    Auraient-ils oublié le formidable rapport parlementaire « Prisons, une humiliation pour la République » [https://www.senat.fr/rap/l99-449/l99-4491.pdf], qui, en 2000, avait secoué la France, démontrant la vie affreuse du peuple des cellules. Un grand peuple de 72 000 habitants aujourd’hui entassés dans 60 700 places. Une partie d’entre eux, qui se trouvent dans des maisons d’arrêt (où sont détenus des condamnés à de courtes peines et des prévenus, donc présumés innocents), enfermés en cellule vingt-deux heures sur vingt-quatre, à deux, à trois, parfois même à six ou huit, voient cavaler des punaises de lit qui les piquent, des cafards qui leur galopent sur le corps.

    Les chantres de l’indignation

    Dans leur mauvaise foi, ces coryphées de la bien-pensance ignorent-ils que beaucoup parmi ces prisonniers renoncent à leur unique promenade quotidienne, laissant y partir leurs codétenus, pour se précipiter aux toilettes afin d’y être enfin tranquilles ? Ignorent-ils que 1 860 détenus dorment sur un matelas par terre, contraints de boucher leur nez avec du papier-toilette pour éviter d’aspirer les vermines ? Ignorent-ils qu’il faut attendre des mois pour voir un médecin, un psychiatre ? Des mois encore pour obtenir un travail ou ne jamais l’obtenir ? Et des mois encore pour accéder – ou ne jamais y accéder – à un atelier d’écriture, de théâtre, ou à toute autre activité donnant à apprendre, à savoir, à connaître, à vivre ensemble ? C’est-à-dire à préparer leur sortie, leur retour à la vie en société, afin que, comme le dit la loi, ils sortent meilleurs qu’ils n’y étaient entrés. Ignorent-ils, ces chantres de l’indignation calculée, que des prisonniers en viennent, faute de dentiste, à percer eux-mêmes leur abcès dentaire ?

    Ignorent-ils que des grabataires, des détenus âgés, gravement handicapés, ont été découverts par l’équipe du contrôleur général des lieux de privation de liberté à l’abandon, faute d’aides-soignantes et d’infirmières, baignant dans leurs excréments, incapables de se relever quand ils tombent ? Ignorent-ils que le médecin de la prison appelait à l’aide depuis des années et a fini, écœuré, par démissionner ?

    Savent-ils que plus de cent détenus se suicident chaque année en prison ? Ont-ils vu les rats qui grouillent dans les cours de promenade ? Ignorent-ils que ces conditions lamentables rejaillissent sur la mission des surveillants, devenue épouvantable ? C’est donc cela que ces moralistes nomment « colonies de vacances » ou « Club Med » !

    Chut ! Ni vu ni connu

    Plus sérieusement, et au-delà de son but caritatif, cette journée de Fresnes avait un côté récréatif, certes, mais prévu par la loi selon laquelle « l’administration pénitentiaire doit offrir aux détenus des activités récréatives ». Pourquoi ? Parce que s’amuser quelques minutes, voire quelques heures, au milieu d’une détention si dégradée, participe de la réinsertion.

    Et puisqu’il faut bien répéter l’évidence, à l’exception de quelques-uns, les détenus sont destinés à sortir un jour. Toutes les études le montrent : une sortie préparée, puis accompagnée par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, réduit considérablement la récidive. Et s’il est un coût qui doit nous ébranler, c’est celui de 110 euros par jour et par détenu, pour végéter dans les conditions décrites plus haut.

    Qu’avons-nous vu sur cette vidéo de vingt-cinq minutes aujourd’hui supprimée en raison du « scandale » ? Des détenus et des surveillants riant ensemble, heureux que, pour une fois, tout se passe dans une ambiance bon enfant, sans heurts, ni tension, ni violences qui sont, hélas, le lot des journées carcérales.

    En fait, ces images, pour bien faire, auraient dû ne jamais être diffusées. Quelle hypocrisie ! Ainsi ne sont ni filmés ni connus les matchs de boxe, de volley, de football entre surveillants et détenus, les concerts de rap, de rock, ni les sorties en VTT, à escalader, à parcourir la forêt. Mais chut ! Ni vu ni connu, ça n’existe pas… Hypocrisie encore.

    Enfin, comment expliquer que nos voisins allemands, entre autres, réussissent avec vingt millions d’habitants de plus que nous à compter 13 000 détenus de moins, selon Prison Insider ? Parce qu’eux croient en la réinsertion dans les murs, avec de nombreuses activités, festives ou pas, et surtout à la sanction hors les murs, grâce à un taux d’alternatives à l’enfermement largement supérieur au nôtre.
    Que retenir de ce faux scandale du karting à Fresnes ? Sinon qu’il sert à masquer le vrai scandale du ratage total de notre politique pénale et pénitentiaire, et de cette innommable surpopulation carcérale. Pour faire plaisir, il faut donc que les prisonniers souffrent dans leur chair, s’ennuient à crever, et subissent, pour finir, ce qu’il faut bien nommer une forme de châtiment corporel.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/24/dominique-simonnot-le-vrai-scandale-ce-n-est-pas-le-karting-mais-l-etat-lame

    jets privés et jet-skis pour les uns, pas de karting les autres

    #prison

    • @desdetenus, 9:09 PM · 24 août 2022
      https://twitter.com/desdetenus/status/1562517390105378816

      Pas d’eau courante à la prison de Nanterre depuis 11h ce matin. Pas d’eau du robinet, pas de possibilité de tirer la chasse d’eau …

      Update : à 23h38, toujours pas d’eau. Les matons ont distribués quelques bouteilles d’eau aux cellules qui réclamaient de l’eau via les interphones…
      La Fronseee en 2022 🤡

      Update bis : L’eau vient d’être rétablie à 13h10 à la maison d’arrêt de Nanterre.
      Durée de la coupure : 26h15 🤡

    • Derrière Kohlantess, la violence de la prison – L’envolée - 23 Août 2022
      https://lenvolee.net/derriere-kohlantess-la-violence-de-la-prison

      Le tsunami d’extrême droite qui s’est déversé dans les médias et sur les réseaux sociaux au prétexte d’une malheureuse animation à la prison de Fresnes achève de prouver que maintenant qu’il est ministre des prisons, l’ex-avocat Superdupont-Moretti n’assure plus la défense de grand-chose – si ce n’est celle de positions fascistes. Au-delà de cette drague éhontée, il est important de rappeler que les animations telles que « Kohlantess » – et les polémiques qu’elles suscitent – masquent avant tout la violence pénitentiaire et la nature mortifère de la prison.

    • « Le vrai scandale des prisons françaises », par #Didier_Fassin - 27 août 2022
      https://www.nouvelobs.com/societe/20220827.OBS62444/le-vrai-scandale-des-prisons-francaises-par-didier-fassin.html

      Dans ce futur imaginé où le ministre de la Justice bénéficierait de toutes ces informations, il trouverait peut-être des arguments à opposer à celles et ceux qui, par démagogie autant que par ignorance, considèrent qu’on en fait trop pour les prisonniers, plutôt que de les rejoindre dans leur feinte colère contre le supposé laxisme du monde pénitentiaire.

    • Commission des lois en visite à Fresnes : l’envers du décor
      https://oip.org/communique/commission-des-lois-en-visite-a-fresnes-lenvers-du-decor

      Mercredi 17 octobre, la commission des lois se réunira à la maison d’arrêt de Fresnes. Au moment où les députés sont appelés à adopter le projet de loi de finances 2019, ce déplacement inédit contraste avec la réalité des chiffres : la rénovation de cette prison, emblématique de conditions de détention particulièrement indignes, n’est toujours pas à l’ordre du jour.

      Cette visite se veut emblématique. La commission des lois réaffirme ici l’attention qu’elle porte à la question des prisons. Une initiative qui aurait de quoi réjouir si Fresnes n’était pas par ailleurs emblématique de l’inertie des politiques pénitentiaires successives : vétuste, insalubre, surpeuplé, cet établissement est pointé du doigt depuis des années pour ses conditions de détention particulièrement dégradées, a fait l’objet d’une récente décision de justice ordonnant des travaux de rénovation, est sous la menace d’une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme… sans qu’à aucun moment le changement demandé et attendu n’ait lieu. En 2000, la ministre de la Justice Elisabeth Guigou annonçait sa complète réhabilitation. Elle avait même « décidé et obtenu les crédits correspondants », selon ses déclarations. Et puis rien. Près de vingt ans plus tard, cette rénovation n’est même pas prévue dans le budget 2019 sur lequel les députés de la commission des lois auront bientôt à se prononcer. Certes, 0,5 million d’euros sont crédités pour des « études préalables ». Un montant qui fait pâle figure à côté des 678 millions d’euros prévus pour la construction de nouvelles prisons. Cette année comme chaque année, le budget pénitentiaire est englouti par les projets immobiliers au détriment de l’entretien et de la rénovation des établissements existants, contraignant les personnes qui y sont détenues à endurer des conditions de vie souvent inhumaines. À la maison d’arrêt de Fresnes, ce sont 2 575 prisonniers qui s’entassent dans un espace prévu pour 1 404 personnes, en présence de cafards, de punaises et de rats. Une situation intenable alors que, des années après l’annonce d’une rénovation complète, nous en sommes encore au stade des études.

      Fresnes - état des lieux (2017) #OIP
      https://seenthis.net/messages/648952
      Une caractéristique des prisons françaises est le manque d’activités hors cellule et l’oisiveté qui en découle.
      https://oip.org/en-bref/quelles-activites-sont-proposees-aux-personnes-detenues

    • Laélia Véron
      https://twitter.com/Laelia_Ve/status/1564668342958526464

      Les polémiques passent vite dans les médias mais elles ont des conséquences qui durent, elles. Suite à #Kohlantess dans la prison où je bosse (et sans doute ailleurs) la plupart des activité est sur pause. Par ex le Goncourt des détenus ou le module sur les violences familiale

      Ça fout en l’air un travail élaboré par beaucoup pendant des mois et des mois. Et tout ça pour une campagne entretenue par des personnes qui n’en ont sans doute pas grand chose à faire mais avaient juste besoin d’une polémique de fin d’été.

      Si on me demande pourquoi c’est sur pause : parce que tout le monde stresse, et tout le monde veut être sûr·e d’avoir 500 validations hiérarchiques avant de mettre en place lesdites activités.

      Il n’y a pas une grande autorité qui nous a demandé d’annuler ces activités ou de les mettre sur pause. C’est plus pernicieux que ça:la polémique a fait peur à tout le monde, et maintenant tt est bcp plus lent et compliqué à organiser (alors que ce n’était déjà pas facile avant !)

      Merci à toutes les personnes qui vont continuer à se battre pour maintenir ces activités par ex
      @LaFabOperaVDL qui vient présenter l’opéra en détention.
      Si vous voulez en savoir plus sur la prison il faut suivre l’
      @OIP_sectionfr et la revue Dedans/dehors

  • Incendies dans les Landes : « Est-ce qu’il ne faudrait pas que nos députés débattent de l’avenir de cette “forêt” faussement “verte” ? », Hugues Jallon, écrivain et éditeur.

    Enfant, quand j’allais à la mer en traversant la forêt des Landes dans la voiture familiale, je trouvais ce paysage bizarre : des arbres tous identiques avec leurs troncs droits comme des « I » et parfaitement alignés comme les tombes d’un cimetière militaire. J’ignorais tout de l’histoire et de la réalité présente de ce décor.
    Plus tard, j’ai appris assez facilement (par Wikipédia et d’autres petites sources faciles d’accès) que cette forêt avait été plusieurs fois dévastée dans les années 1950 et qu’à la suite de cela, on avait décidé de replanter « en ligne » les pins en prévoyant de larges coupe-feu pour éviter la propagation des incendies.

    J’ai appris aussi que cette immense forêt artificielle était assez récente, elle datait du Second Empire. C’est une loi de 1857 qui a autorisé la plantation massive de pins dans ce « désert », comme l’appelait Napoléon III. Un « type » nommé Jules Chambrelent (1817-1893) avait poussé pour assainir cette zone humide et ouvrir la voie à la prospérité de ses habitants en créant ex nihilo une filière d’exploitation du bois fondée sur la monoculture du pin maritime.

    En fait, j’ai appris que la forêt des Landes dont certaines parties brûlent aujourd’hui n’était pas une forêt, mais une « usine ». Pas une seule et unique usine, mais plusieurs usines aux mains de propriétaires petits et grands – en fait, surtout des grands : 75 % de la superficie appartient à moins de 20 % des propriétaires et l’Etat n’en possède qu’environ 10 %. On raconte que, dans ces familles de propriétaires, il y a une tradition : lorsqu’un enfant naît, on lui attribue une parcelle où on plante des pins (bien alignés, bien droits), ce qui lui assurera un bon petit capital à sa majorité.
    Maintenant, je comprends mieux mon malaise quand je découvrais enfant ce paysage bizarre.

    Ah oui, j’oublie quelque chose. Et avant, qu’est-ce qu’il y avait avant à la place de cette forêt ? Eh bien, avant, il y avait de drôles de gars montés sur des échasses et entourés de moutons, on les voit sur de vieilles photos sépia. J’ai appris que ces bergers et leur famille vivaient pauvrement sur cette lande qui, pour une large part, appartenait à tous ; on appelle cela des « communs », ce qui est une belle idée. Les autres ont été expropriés au moment de la plantation massive des pins.

    Alors je m’interroge. Je me demande ce qu’on va faire après ces incendies tragiques qui ont fait fuir des milliers d’habitants et que des centaines de pompiers tentent courageusement d’éteindre. On va reconstruire ces villages qui ont disparu dans les flammes, bien sûr. Et ces milliers d’hectares de forêt ? On va replanter des pins ?

    Les spécialistes des sols et du climat nous disent qu’il faut s’inquiéter de la disparition des zones humides. Alors je me demande : est-ce qu’il ne faudrait pas que nos députés s’emparent de ce dossier et de ses enjeux écologiques ? Est-ce qu’il ne faudrait pas qu’ils débattent de l’avenir de cette « forêt » faussement « verte » – en fait, les pins détruisent complètement les sols, et rien ne peut pousser sous leurs frondaisons ? Il y a peut-être autre chose à imaginer que de reconstruire cette « usine » et ce paysage bizarre et monotone.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/15/incendies-dans-les-landes-est-ce-qu-il-ne-faudrait-pas-que-nos-deputes-debat

    #Landes #forêt #forêt_usine #incendie

    • « Surtout après un incendie, il est le plus souvent préférable de laisser la forêt se régénérer naturellement », Sylvain Angerand, Ingénieur forestier et coordinateur de l’association Canopée
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/28/surtout-apres-un-incendie-il-est-le-plus-souvent-preferable-de-laisser-la-fo

      Avec plus de 60 000 hectares de forêts partis en fumée, cet été a marqué le retour des grands incendies en France. Un risque qui ne va faire que croître avec les changements climatiques et qui devrait nous inciter à repenser en profondeur notre politique forestière. Pourtant, l’annonce d’un grand chantier national de reboisement pourrait produire l’effet inverse et affaiblir encore davantage nos forêts en cédant au lobbying d’une partie de la filière.

      L’empressement à vouloir planter des arbres est, avant tout, une stratégie de communication destinée à rassurer l’opinion publique en donnant l’illusion d’une maîtrise de la situation et d’un retour rapide à la normale. Mais c’est aussi l’aveu d’une profonde incompréhension de la part de la puissance publique des enjeux forestiers, car planter des arbres n’est pas toujours le choix le plus avisé. Surtout après un incendie, il est le plus souvent préférable de laisser la forêt se régénérer naturellement. Une option plus efficace et moins coûteuse dans de nombreuses situations.

      De plus, les plantations d’arbres sont encore trop souvent monospécifiques ou très faiblement diversifiées, ce qui est pourtant indispensable pour renforcer la résistance et la résilience des peuplements face à de nombreux aléas comme les sécheresses, les tempêtes, les maladies ou encore les incendies. Même sur des sols très pauvres comme dans les Landes, où il est difficile de se passer du pin maritime, il est toujours possible d’introduire, en mélange, des feuillus comme le chêne-liège ou le chêne tauzin pour renforcer les peuplements.

      L’intérêt du mélange est solidement étayé scientifiquement et, pourtant, il peine à s’imposer comme une condition aux aides publiques ou comme une règle à respecter dans les plans de gestion. Après la tempête de 2009 dans les Landes, la quasi-totalité du massif appartenant à des propriétaires privés a été replantée en monoculture avec l’aide de l’argent public.

      L’abandon des pouvoirs publics

      Le constat est similaire pour les aides plus récentes du plan de relance qui, faute d’écoconditions suffisantes, ont été détournées par une partie des acteurs pour planter des monocultures, parfois en remplacement de forêts en bonne santé mais jugées peu rentables économiquement (rapport « Planté ! Le bilan caché du plan de relance forestier », Canopée, mars 2022).

      Ces dérives ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat de l’abandon des pouvoirs publics à construire une politique forestière intégrant l’ensemble des enjeux. Tiraillée entre quatre ministères, la forêt ne bénéficie pas d’un portage politique fort capable de défendre et de trancher en faveur de l’intérêt général. Elle est laissée au seul jeu d’influence des acteurs, la règle au sein de la filière étant de ne surtout pas pointer du doigt les dérives de certains.

      Alors qu’elle représente une exception dans le paysage forestier, la filière bois landaise s’oppose à toute forme de renforcement des règles de gestion forestière
      A ce jeu d’influence, la filière bois landaise est passée maître. Alors qu’elle représente une exception dans le paysage forestier, cette filière s’oppose à toute forme de renforcement des règles de gestion forestière alors même que la majorité des acteurs n’y serait pas opposée, voire y serait favorable. Un exemple : les règles encadrant la gestion des forêts privées (schémas régionaux de gestion sylvicole) sont en cours de révision dans l’ensemble des régions françaises.

      Si, globalement, les projets soumis à consultation du public sont peu ambitieux, celui de la région Nouvelle-Aquitaine est sans doute le plus révélateur du désengagement de l’Etat : aucun seuil d’encadrement des coupes rases, aucune interdiction de transformer les dernières forêts de feuillus du massif landais en plantations de pins maritimes et aucune obligation de diversification dans les nouvelles plantations (« Projet de schéma régional de gestion sylvicole (SRGS) de Nouvelle-Aquitaine et ses deux annexes vertes », 2022).
      Des petites plantations en trouées

      Pire encore, la filière a réussi l’exploit de glisser l’eucalyptus dans la liste agréée des arbres pouvant être plantés et bénéficier d’aides publiques, alors même que cet arbre est hautement inflammable comme le Portugal en a fait la désastreuse expérience (« Arrêté portant fixation des listes d’espèces et de matériels forestiers de reproduction éligibles aux aides de l’Etat » en Nouvelle-Aquitaine, 2021).

      Avant de réinjecter de nouveau de l’argent public dans un plan de reboisement, il est donc indispensable que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités pour mettre fin à ces dérives. L’organisation de la filière forêt-bois doit être remise à plat pour mettre fin aux conflits d’intérêts.

      Il est non seulement illusoire mais aussi dangereux d’imaginer adapter la forêt au changement climatique en remplaçant les forêts existantes par de nouveaux arbres ou en s’empressant de vouloir replanter systématiquement après des tempêtes ou des incendies qui ne manqueront pas de se multiplier.
      La priorité doit être de s’appuyer et de restaurer des dynamiques naturelles, de venir améliorer les peuplements existants en les enrichissant si besoin par des petites plantations en trouées et de fixer des règles claires lorsqu’une plantation sur une plus grande surface est nécessaire.

  • Jets privés des milliardaires : « Ce n’est certainement pas une curiosité mal placée qui incite le public à s’intéresser à ces vols »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/17/jets-prives-des-milliardaires-ce-n-est-certainement-pas-une-curiosite-mal-pl

    Pour Suzanne Vergnolle, spécialiste du droit du numérique, le traçage et la publication de données sur les vols des jets privés des grands groupes comme Bouygues, Bolloré, Artémis, Decaux ou Arnault est justifiée par le #droit à l’information et le droit environnemental.

    #paywall

    #carbone #climat

    • Si tout le monde s’accorde sur l’importance et la nécessité des données de #trafic_aérien, leur réutilisation pour d’autres finalités irrite les détenteurs de ces #avions. D’aucuns n’hésitent pas à prendre leur défense, en invoquant le droit au respect de la vie privée. Il est vrai que la Cour de cassation (première chambre civile, 23 octobre 1990) reconnaît que « toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée ». Bien sûr, les #milliardaires ont aussi droit au respect de leur vie privée. Seulement, l’argument de la protection de la vie privée au bénéfice de ces trajets ne convainc pas, et ce pour plusieurs raisons.

      Tout d’abord, ce ne sont pas M. Pinault et M. Bouygues qui sont suivis, mais bien les avions détenus par leurs groupes (Artémis et Bouygues) – immatriculation de société qui s’explique pour des motifs fiscaux. Dès lors, la vie privée que certains appellent à protéger ici n’est pas celle d’une personne physique, mais bien celle d’un avion détenu par une personne morale. D’ailleurs, les #entreprises ont justifié les trajets polluants en invoquant les divers collaborateurs pouvant utiliser l’avion. S’il ne fait nul doute que le droit au respect de la vie privée des personnes physiques doit être garanti, il semble plus que contestable d’étendre cette reconnaissance au bénéfice d’avions détenus par des personnes morales.

      Ensuite, et quand bien même l’argument du droit au respect de la vie privée (ou du droit des données personnelles d’ailleurs) pourrait valablement être invoqué, ne serait-il pas possible d’opposer l’existence d’un droit du public à l’information ? Le droit au respect de la vie privée n’est pas absolu et doit être mis en balance avec d’autres intérêts, tels que la lutte contre la corruption, le droit à l’information ou la liberté d’expression… A ce sujet, la Cour européenne des droits de l’homme rappelle régulièrement à quel point « les sites Internet contribuent grandement à améliorer l’accès du public à l’actualité et, de manière générale, à faciliter la communication de l’information » (10 mars 2009, Times Newspapers Ltd contre Royaume-Uni).

      Dans le cas des #jets_privés, il semble que l’intérêt du public à recevoir ces informations soit décisif pour lui permettre de se faire une opinion sur ces #multinationales. D’ailleurs, en seulement quelques semaines, le compte Twitter @i_fly_Bernard a attiré plusieurs dizaines de milliers d’abonnés.

      https://justpaste.it/3tvd4

  • Laurie Laufer : « La psychanalyse a du mal à inventer un autre langage, à penser au-delà de Freud et Lacan »

    Alors que les études de genre, les savoirs et les théories LGBTQI + ont inventé d’autres perspectives en matière de sexualité, la discipline s’est quelque peu refermée sur elle-même et doit intégrer les changements sociétaux, explique la psychanalyste dans un entretien au « Monde ».

    Dans son ouvrage Vers une psychanalyse émancipée. Renouer avec la subversion (La Découverte, 240 pages, 18,50 euros), la psychanalyste Laurie Laufer dresse une critique sévère de sa discipline. Repliée sur elle-même, cette dernière serait dépassée, voire à contre-courant de notre société, certains psychanalystes n’hésitant pas à afficher leurs opinions contre le mariage pour tous ou contre la PMA pour les couples de femmes. Alors, la psychanalyse a-t-elle encore des choses à dire, et si oui, lesquelles ? Laurie Laufer, également professeure des universités à Paris-Cité et directrice de l’UFR Institut humanités, sciences et sociétés, invite à une relecture des principes fondateurs de sa discipline en replaçant le sujet – qu’il soit hétérosexuel, bi, homo, trans ou intersexe – au cœur de son travail analytique, sans négliger le contexte social et politique dans lequel s’inscrit sa démarche.

    Des grands concepts psychanalytiques sont aujourd’hui rejetés par les mouvements LGBTQI +, quels sont-ils ?
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    Il me semble que ce qui est plutôt rejeté, ce ne sont pas tant les concepts qu’a développés Freud, mais la façon dont certains psychanalystes les utilisent. Si des praticiens considèrent que la différence des sexes – l’un des principes fondateurs de la psychanalyse – revient à dire que l’anatomie fait le destin, cela produit une position normée et normative. Je pense que ce qui est rejeté, à juste titre, c’est la hiérarchisation, ce sont les discriminations et les oppressions que produit l’idée de la différenciation binaire. L’hétéronormativité – et la binarité qui va avec – participe d’un discours dominant, issu de ceux qui ont le privilège de ne pas être inquiétés par cette différenciation.

    De même, la notion de « femme phallique », ou de femme « puissante », est toujours considérée de manière péjorative ou dénigrante par la doxa. Mais pourquoi serait-il pathologique pour une femme de souhaiter obtenir ce que les hommes ont comme privilèges ? On associe souvent les termes « femme », « passive », « soumise » et « masochiste ». Mais à force de répéter cette association, on l’intègre. C’est notamment ce que souligne la philosophe américaine Judith Butler : nous jouons et rejouons dans le champ social les normes de genre que nous avons intériorisées ; si je veux me faire reconnaître comme femme, alors je dois jouer la passivité, la soumission, etc. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment la psychanalyse peut créer les conditions pour défaire cette chaîne de mots socialement intégrée.

    Vous rappelez que, pour Freud, l’homosexualité est une « variation de la fonction sexuelle ». D’aucuns soutiennent que la psychanalyse prédispose à l’homophobie…

    C’est en partie vrai. Plusieurs textes écrits par des psychanalystes traitaient l’homosexualité comme s’il fallait la guérir, sous-entendant que c’était une maladie. Mais ce n’est pas ce que dit Freud. Selon lui, l’homosexualité est « un choix d’objet », comme l’hétérosexualité. Il y a une sorte de détermination inconsciente qui fait que le sujet choisit son objet. C’est une forme de contingence, en somme.

    Rappelons-nous qu’à partir des années 1920 il y a un conflit majeur entre [le psychiatre et psychanalyste gallois - 1879-1958 ] Ernest Jones et Sigmund Freud. Jones s’oppose à Freud en assurant qu’une personne homosexuelle ne peut pas devenir psychanalyste. Cette pensée a irrigué la formation des analystes. Mais personne ne s’étonne qu’un hétérosexuel puisse analyser un autre hétérosexuel.

    Est-ce à dire que ce sont les disciples de Freud qui ont pathologisé l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ?

    Il est compliqué de l’affirmer, car vous pouvez lire Freud et trouver dans ses textes de l’homophobie. Il en est de même avec Lacan et la transphobie. Mais lorsque Lacan commente l’œuvre de Freud, il invite à toujours replacer ses concepts dans leur contexte historique. Il n’a d’ailleurs cessé de dire qu’il fallait réinventer la psychanalyse en permanence.

    En tant que psychanalyste, j’ai appris de ces concepts-là. Mais ce qui importe, c’est la façon dont je peux m’y référer, en lien avec les situations cliniques que je rencontre. A savoir, des configurations familiales et sexuelles différentes de l’époque de Freud ou Lacan.

    Du reste, il n’y a pas de raisons pour que la psychanalyse actuelle échappe à la droitisation de la sphère publique et politique. L’analyste n’est pas tout-puissant, en surplomb par rapport à son époque. Il y a donc des psychanalystes qui ont des positions politiques conservatrices.

    La psychanalyse a-t-elle finalement oublié d’être subversive, comme elle l’a été au moment de sa fondation ?

    Dire, comme l’a fait Freud, que l’homosexualité est une variation sexuelle, que la vie psychique est amorale, que l’enfant est un pervers polymorphe – au moment où on le considère comme candide et innocent –, tout cela est extrêmement subversif pour l’époque.

    On peut rappeler qu’en 1886 le psychiatre allemand Krafft-Ebing (1840-1902) écrit Psychopathia sexualis, ouvrage dans lequel il répertorie toutes les « déviances sexuelles », c’est-à-dire, selon lui, les actes sexuels qui ne visent pas la reproduction de l’espèce. Freud rompt avec cette idée. La question, aujourd’hui, pour moi, est de comprendre comment la psychanalyse s’est moralisée et normalisée. Et c’est en cela que Michel Foucault [1926-1984] m’intéresse. En 1975, dans une interview, il demande : « Qu’est-ce que c’est que cette pudeur sacralisante qui consiste à dire que la psychanalyse n’a rien à voir avec la normalisation ? »

    Certains psychanalystes sont restés enfermés dans la binarité sexuelle et de genre, et il y a une sorte d’affolement dès qu’on parle du corps. Car le corps est révolutionnaire, puissant, il n’est pas simplement anatomique. Il est également politique. C’est le support des formes de libération. Et c’est cette question que soulèvent la pensée, les savoirs et les théories LGBTQI +. Que peut un corps ? Beaucoup de choses, je crois. Ce sont les corps, les sexualités qui peuvent mettre le désordre dans un ordre social rigidifié.

    Les psychanalystes ne sont-ils pas suffisamment curieux ?

    C’est souvent compliqué de penser le « désordre » pour un psychanalyste, habitué à la différence des sexes et à la norme sexuelle. La pathologisation peut servir à calmer l’angoisse d’un praticien qui ne sait pas entendre une personne LGBTQI +. Il est des analystes qui préfèrent dire que ce sont des pervers ou des psychotiques, car ils n’arrivent pas à penser les personnes LGBTQI + en dehors des catégories qu’ils ont eux-mêmes figées. Ils n’ont pas vu l’aspect politique des mouvements LGBTQI + et sont restés sourds aux avancées scientifiques qui, tout au long du XXe siècle, ont remis en cause la binarité. Ils pensent une psychanalyse « hors histoire ».

    Lors de la Manif pour tous, l’expression de catastrophe anthropologique, utilisée par plusieurs psychanalystes, a été reprise en chœur par les anti-mariage pour tous et par les transphobes, se revendiquant de « la » psychanalyse, ainsi instrumentalisée. Qu’est-ce qui nous fait croire qu’il faut un père et une mère pour élever un enfant ? La question de l’œdipe est bien plus complexe que cela. L’anthropologie et la sociologie nous permettent de comprendre qu’il y a une multiplicité de formes de familles possibles.

    C’est donc cela que vous tentez de faire dans votre ouvrage, repenser votre discipline en l’inscrivant dans son temps ?

    L’idée de mon livre, ce n’est pas de dire « voilà ce que la psychanalyse peut dire des LGBTQI + », mais « voilà ce que les personnes LGBTQI + peuvent faire entendre à la psychanalyse ». Il s’agit d’analyser la façon dont la psychanalyse peut se laisser instruire par un autre discours, qui ne soit pas un discours autoréférencé. Parfois, j’ai l’impression que les psychanalystes parlent de la psychanalyse aux psychanalystes. Il faut sortir de sa bulle : le monde existe autour de nous !

    Il y a des psychanalystes qui considèrent les identités LGBTQI + comme de la « perversion sociale ». Moi, cela ne m’intéresse pas. Je ne suis pas une experte en diagnostic, et je ne suis pas dans une approche pathologisante. Quand un patient vient en séance, ma question n’est pas de savoir qui il/elle aime. Je ne suis pas là pour faire de la morale.
    Les mouvements LGBTQI + parlent de sexualité, de désir, de genre – tout ce qui intéresse la psychanalyse. Ils et elles ont écrit, pensé, produit des savoirs. A l’exception majeure de l’Ecole lacanienne de psychanalyse (ELP), qui a introduit un dialogue entre les théoriciens queers et la psychanalyse, comment se fait-il que la discipline ne soit pas allée regarder du côté de ce nouveau corpus théorique ?

    De quoi la psychanalyse souffre-t-elle aujourd’hui ?

    Je trouve que la psychanalyse n’a pas suffisamment travaillé à une épistémologie critique, à une réflexivité sur l’émergence de ses propres concepts. Comme l’a écrit le philosophe et théologien Michel de Certeau [1925-1986] dans Histoire et psychanalyse entre science et fiction (Gallimard, 1987) : « Là où la psychanalyse “oublie” sa propre historicité (…), elle devient ou un mécanisme de pulsions, ou un dogmatisme du discours, ou une gnose de symboles. » Je crois aussi qu’il ne faut pas négliger le poids des écoles psychanalytiques. II y a une sorte d’autoréférence permanente dans les formations. La psychanalyse a également du mal à inventer un autre langage, à penser au-delà de Freud et Lacan.

    Quel risque la psychanalyse court-elle en ne se réinventant pas ?

    Le risque – si c’est un risque – est d’amplifier cette idée que la psychanalyse est une pratique normative, réactionnaire. Je n’ai pas envie de sauver « la » psychanalyse, je pense simplement qu’il y a une autre façon de la pratiquer. Il y a aujourd’hui des psychanalystes qui intègrent les éléments de la théorie critique et les éléments politiques de notre société : les choses changent. Plusieurs psychanalystes se sont récemment déclarés homosexuels : c’est un geste éminemment politique. Aujourd’hui, il y a d’ailleurs une demande de « psy safe », à savoir des psys concernés ou alliés. Mais tout le monde devrait être concerné par la violence, la discrimination ou l’oppression. Depuis quand accepte-t-on que quelqu’un se fasse détruire ? C’est quand même curieux, non ?

    La psychanalyse a donc un réel intérêt pour les personnes LGBTQI + ?

    Il n’y a pas d’analyse « pour » les LGBTQI + : cela sous-entendrait qu’il y a un « eux », et un « nous » universel. En revanche, il peut y avoir des contextes de discrimination et d’oppression qui produisent des effets réels. Mais si une personne souffre ou a envie de parler à quelqu’un, de s’inventer, de retrouver des capacités d’agir et d’aimer, un élan érotique, alors la psychanalyse peut être une expérience intéressante. Judith Butler parle de l’agency– la puissance, la capacité d’agir – ainsi : « Qu’est-ce que je fais avec ce que l’on fait de moi ? » Pour le dire autrement, que fait-on avec les assignations dans lesquelles on est enfermé ? Pour l’expérience analytique, j’ajouterais : comment fais-je avec ce que je ne sais pas de moi-même ?

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/14/laurie-laufer-la-psychanalyse-a-du-mal-a-inventer-un-autre-langage-a-penser-

    #théorie #historicité #hétéronormativité #psychanalyse #droitisation #pathologisation #normes #femmes #homosexualité #homophobie #corps #sexualité

  • Le #Sénégal, une vitrine démocratique en danger
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/05/le-senegal-une-vitrine-democratique-en-danger_6137255_3232.html

    A Paris, l’éventualité Sonko fait frémir. La #Russie a tout intérêt à faire les yeux doux à un jeune tribun « anticolonialiste ». L’intérêt de l’Elysée est aujourd’hui de convaincre M. Sall de sortir par le haut en 2024 et d’ouvrir le jeu politique à des talents dont le Sénégal ne peut pas manquer. Dans le cas contraire, des protestations, où les intérêts français seront inévitablement visés, ne manqueront pas d’accompagner le maintien du sortant. Une arrivée au pouvoir d’Ousmane Sonko serait, elle, le signe d’un certain rejet populaire, préfigurant une rupture avec un pays central dans la relation de la #France à l’#Afrique.