Le moment cathartique.
La société du spectacle a produit des spectateurs - c’est-à-dire des êtres passifs tout aussi falsifiés que leurs marchandises -, qui assistent maintenant - pour le moment toujours aussi passivement pour la plupart -, aux premières scènes dramatiques de l’acte final de la tragédie - dans laquelle ils doivent pourtant fatalement découvrir qu’ils en sont eux-mêmes les figurants -, dans le même temps où ils sont contraints de réaliser qu’il ne s’agit pas d’un mauvais scénario, mais bien de la seule réalité disponible.
Quant à ceux qui s’y donnent le beau rôle – politiciens, médiatiques, vedettes – les masques de plus en plus répugnants auxquels ils s’accrochent leur font chaque jour un peu plus ce rictus hideux qui annonce le bâton final auquel devra manquer la carotte.
Le fiu fait partie de l’existence tahitienne authentique. Il existe toujours dans les îles les plus reculées de Polynésie, là où la nature garde encore une bonne part de sa puissance d’inspiration. Le fiu, c’est l’instauration naturelle immédiate de la grève sauvage. Le fiu est cette puissance naturelle d’inertie qui s’empare de l’individu dans n’importe quelle situation et fait de lui un absent. Indisponible, inintéressé, injoignable. Je suis là mais je n’y suis plus. Je ne viendrai pas travailler, il y a urgence absolue à ne rien faire.
Le fiu est généralement défini, dans les dictionnaires falsifiés, comme un état d’âme proche du spleen, alors qu’il serait à tout prendre bien plus proche de la vacuité bouddhique.
Il est cet appel naturel performatif par quoi l’individu court-circuite le stress, la frénésie, la contrainte. La dissolution radicale, soudaine et irrépressible, de tous les problèmes attachés au sérieux de l’existence et de tout le sérieux attaché à ces problèmes. Le fiu est l’ennemi du productivisme, de la rentabilité, du temps compté, du travail aliéné.
Il est la forme naturelle primitive du refus tout puissant de toute contrainte.
▻https://observatoiresituationniste.com/2022/08/07/le-fiu-tout-puissant
DE LA NATURE DE LA SOCIÉTÉ DANS LAQUELLE NOUS VIVONS
C’est en 1967 que cette société a été nouvellement caractérisée comme société du spectacle (Guy Debord). Voici que « toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles » où « tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans la représentation », de sorte que « la réalité vécue » est « envahie par la contemplation du spectacle, et reprend en elle-même l’ordre spectaculaire en lui donnant une adhésion positive. » Debord note aussi que « le spectacle se soumet les hommes vivants dans la mesure où l’économie les a totalement soumis » et que « la phase présente de l’occupation totale de la vie sociale par les résultats accumulés de l’économie conduit à un glissement généralisé de l’avoir au paraître, dont tout avoir effectif doit tirer son prestige immédiat et sa fonction dernière », de sorte que « les simples images deviennent des êtres réels, et les motivations efficientes d’un comportement hypnotique. » (...)
Dans la société du spectacle, c’est le spectacle qui fait la société et c’est l’argent qui est la véritable société. De la sorte, « le pseudo-besoin imposé dans la consommation moderne ne peut être opposé à aucun besoin ou désir authentique qui ne soit lui-même façonné par la société et son histoire » : L’accumulation quantitative et qualitative du monde marchandise « libère un artificiel illimité, devant lequel le désir vivant reste désarmé. La puissance cumulative d’un artificiel indépendant entraîne partout la falsification de la vie sociale. »
Rien de tout ceci n’aurait été possible sans l’industrie : « avec la révolution industrielle, la division manufacturière du travail et la production massive pour le marché mondial, la marchandise apparaît effectivement, comme une puissance qui vient réellement occuper la vie sociale. C’est alors que se constitue l’économie politique, comme science dominante et comme science de la domination. » L’essence de l’argent est l’annexion du monde par les riches. L’économie n’est rien d’autre que le traité de stratégie qui permet aux riches d’annexer à l’argent l’esprit des hommes. (...)
Tout ceci n’est finalement que la conséquence fatale d’un choix prétendument civilisationnel qui aura consisté à savoir s’emparer de tout, à se saisir du savoir comme domination, à faire de la domination la forme même du savoir. (...)
▻https://observatoiresituationniste.com/2022/08/05/de-la-nature-de-la-societe-dans-laquelle-nous-vivons
--