L’Ubérisation est une anticipation du transhumanisme

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    Au sein de la plateforme uberisé, la machine est invisible. N’y transite plus que les données, marchandises monnayables, gérées par les superordinateurs. L’entreprise moderne, servie par la puissance de la technologie numérique, a institué l’externalisation (en voie de généralisation dés le milieu des années 2000) de tout ce qui constitue un risque ou une incertitude. L’outsourcing atteint son paroxysme lorsque le couple "humain+machine", avatar déprécié de la créature rêvée par les futuristes italiens, se voit expulsé de l’entreprise. « Qui que vous soyez, si vous avez des aptitudes et des ressources que vous pourriez monétiser, vous êtes invité à vous connecter ». Cette illusion de liberté (le nouveau travailleur doit investir dans son matériel, gérer sa réputation et faire sa propre publicité sur les réseaux sociaux) née de l’atomisation de la masse ouvrière à sa contrepartie : tout échec n’est dû qu’à lui-même et toute inadaptation aux règles de base est punie par le marché. Lorsqu’elle se trouve confrontée à une plainte, "Uber" plaide qu’elle n’est pas une entreprise de transport, mais de technologie, une simple plateforme d’échange... cet entêtement à se présenter comme un "moyen" est évidemment discutable. Comme le rappelle Gunther Anders, passé un certain stade, « il ne peut être question de dire que ce sont encore des "moyens". Un "moyen" est par définition quelque chose de secondaire par rapport à la libre détermination d’une fin, quelque chose que l’on met en œuvre après coup comme "médiation" en vue de cette fin. Ces instruments ne sont pas des moyens, mais des "décisions prises à l’avance" : ces décisions, précisément, qui sont prises avant même qu’on nous offre la possibilité de décider. » L’homme ayant intégré le point de vue de ses instruments devient alors l’élément d’un projet technique déjà finalisé. Par essence inadapté aux impératifs mécaniques de celui-ci, mais déjà rouage potentiel de la machinerie, l’homme non façonné subit l’injonction tacite de s’y conformer. La réalisation de cette demande consiste à assurer seul la préparation et la mise à disposition de son corps en tant que source exploitable d’énergie et de mouvement. Si l’on peut observer que certains de nos équipements modernes, déjà devenus incontournables (GPS, messagerie, Planning de production connecté...), sont déjà des formes d’extension primitives de notre cerveau, le transhumanisme qui en serait la généralisation partage aussi avec la plateforme ubérisé l’obsession du contrôle et de l’efficacité. Un état d’esprit résumé par une phrase de l’américain James Hughes : « L’objectif du transhumanisme est de remplacer le naturel par le planifié. » Herbert Marcuse notait déjà que dans la mesure où la société technologique « transforme le monde-objet en une dimension du corps et de l’esprit humain, la notion même d’aliénation devenait problématique. » Ce projet de maîtrise totale du monde et de l’humain n’est possible qu’en remplaçant l’organique par le fabriqué, la réflexion par le fonctionnement, le réel par l’artifice, le vivant par la machine. Qui pourrait assurer que nul ne partagera ce désir si la reconnaissance et le statut y sont assujettis ? Les candidats actuels à leur propre augmentation, déjà obsédé par leur apparence et leur performance, obéissent à une logique guerrière de l’évolution dont ils veulent prendre le contrôle. Un impératif d’autant plus prégnant que le cadre économique invite à considérer tout sujet inexploitable comme frappé d’inutilité. Dans ce contexte, « le fait de devenir une marchandise constitue une promotion et la perspective d’être consommé en tant que marchandise, une preuve d’existence. »