• Pourquoi le cordon bleu est-il si bien noté au Nutri-score ?
    https://www.huffingtonpost.fr/science/video/pourquoi-le-cordon-bleu-est-il-si-bien-note-au-nutri-score_206999.htm

    Le cordon bleu avec ses deux viandes, son fromage et sa chapelure dorée, c’est le plat gras de notre enfance. Et pourtant, le Nutri-score le gratifie d’un B, voire parfois d’un A. Mais comment se fait-il que ce symbole de la malbouffe obtienne une si bonne note ? Pour le savoir, Le HuffPost a posé la question à des nutritionnistes.

    L’étiquette du Nutri-score ne vous est sans doute pas inconnue. Depuis 2017, ce logo de cinq couleurs, de la lettre A, en vert foncé, à E, en rouge, évalue la qualité nutritionnelle de nos produits et nous permet de les comparer. Cette note est obtenue grâce à un algorithme qui prend en compte des éléments plutôt négatifs (calories, sel, sucre, graisses saturées…) et positifs comme l’apport en fibres, en protéines et la présence de fruits, légumes, et légumineuses.
    Le petit péché mignon de Macron s’en sort bien

    Pour obtenir une bonne note, il suffit aux industriels de jouer sur ces aspects en retirant des éléments « négatifs » de leur produit, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article. Cette stratégie a du bon, nous explique l’un des créateurs du Nutri-score, Serge Hercberg : « Ça pousse les industriels à reformuler leurs produits. Ça introduit une compétition nutritionnelle entre des marques d’un même produit (...), ce qui va pousser les moins bien notées à améliorer la composition nutritionnelle des aliments. »

    Le problème, c’est que certains industriels arrivent à tellement bien améliorer la composition de leurs produits que des aliments ultra-transformés obtiennent de super notes, comme le cordon bleu.

    Ce péché mignon d’Emmanuel Macron - il a avoué en 2017 son appétit pour cette spécialité de la cantine - s’en sort très bien, car c’est un produit riche en protéines. Avec 16 gr de protéines pour 100 gr, il fait mieux qu’un œuf. Mais aussi parce que selon Serge Hercberg, il n’est pas aussi « nutritionnellement défavorable » que l’image qu’il en donne : « pas trop gras, pas trop salé, il ne contient évidemment pas de sucre (...) et l’huile qui le compose n’est pas de trop mauvaise qualité ». Sauf que, comparé à un filet de dinde, le cordon bleu est deux fois plus calorique, dix fois plus gras et dix fois plus salé.
    Les frites surgelées notées A

    « C’est vrai qu’on s’est rendu compte qu’il y avait quand même parfois quelques produits, comme le cordon bleu, qui malgré des teneurs en graisses saturées ou en sucre assez élevées pouvaient être bien notés si leur composition était correcte », concède le nutritionniste.

    Parmi ces « quelques produits », il y a notamment les frites surgelées, notées A. La nutritionniste Florence Foucault nous explique que cette note ne comptabilise pas le mode de cuisson et donc l’ajout d’huile aux frites. Ainsi, les industriels arrivent à faire passer les frites surgelées dans la catégorie « pommes de terre ».

    Certains sodas aussi sont affublés d’un B. Pour décrocher cette mention, le sucre a été remplacé par des édulcorants. L’aspartame, le sucralose ou la stévia ont un pouvoir sucrant au minimum 100 fois supérieur au sucre blanc classique, mais ils ne sont pas du tout caloriques. Et c’est justement ça qui est très valorisé par le Nutri-score.
    Des édulcorants aux effets explosifs pour la santé

    Seulement, si ces sodas sans calorie n’ont pas d’incidence directe sur la prise de poids, ils sont loin d’être des alliés santé. À forte dose, ils ont un effet laxatif, et peuvent aussi dérégler le « circuit de récompense. » C’est lorsque votre cerveau croit que vous mangez du sucre, mais qu’aucun sucre n’est absorbé, alors le cerveau, en manque, va vous pousser à en manger encore davantage.

    L’autre risque, ce sont les effets cocktails. En effet, selon l’Anses, la dose d’édulcorant contenu dans ces boissons ne dépasse pas la dose journalière admissible, c’est-à-dire 4 mg/kg de poids corporel par jour. En revanche, l’agence de santé ne prend pas en compte la combinaison des édulcorants, avec les exhausteurs de goût, et additifs. Et ce mélange chimique n’est vraiment pas conseillé pour la santé.

    Mais pourquoi le Nutri-score ne pénalise-t-il pas l’ajout d’édulcorant ? « Lorsque le Nutri-score a été proposé en 2014, il y avait très peu d’études scientifiques qui incriminaient les édulcorants. Comme les boissons édulcorées n’ont pas de sucre, elles apparaissent bien classées (...) ». Depuis, le comité scientifique européen a trouvé des liens entre une consommation excessive de ces faux sucres et des risques pour la santé. Un prochain rapport du comité scientifique européen prévu pour fin 2022 réévaluera la note des sodas et boissons édulcorées.
    Un outil perfectible

    Et la liste des produits trop bien notés par le Nutri-score ne s’arrête pas là. Des pizzas surgelées, des crèmes dessert, des crêpes fourrées au fromage, et moult plats préparés sont valorisés par cet outil nutritionnel. C’est pourquoi une mise à jour du Nutri-score a été réalisée fin juillet à l’échelle des sept pays européens l’ayant adopté, « les points négatifs du sel et du sucre ont été renforcés, beaucoup de produits composés seront bientôt déclassés en C », détaille Serge Hercberg.

    Celui qui a vu grandir le Nutri-score ne cache pas que la technologie est encore largement perfectible : « il évoluera au rythme des découvertes scientifiques, dans trois ans on se rendra sans doute compte que d’autres produits ne méritent pas d’être correctement classés ». Il ajoute que cette étiquette est une boussole pour les consommateurs, mais ne se suffit pas à elle-même.

    La nutritionniste Florence Foucault encourage le recours à une bonne vieille méthode, celle de jauger un aliment à la longueur de la liste de ses ingrédients : « Plus elle est longue, plus la qualité nutritionnelle du produit est moindre. »